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Définitivement

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Définitivement
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8 septembre 2022

Quand j’y repense, c’était impensable que tu

Quand j’y repense, c’était impensable que tu veuilles bien m’aimer. Et c’est pas seulement que j’y repense, c’est que c’est exactement ce que je me disais en même temps que je le vivais : « c’est impensable ce que je suis en train de vivre, ça rend si léger d’y penser en le vivant et c’est pas normal que je puisse être léger, je croyais qu’on me l’avait interdit ». C’était tellement impensable d’y penser, je veux dire de le vivre tout en se disant que c’était impensable, que ça m’avertissait de la possible fin.
Mais en fait, non, pas du tout, ça ne m’avertissait de rien, au contraire, puisque l’impensabilité de la situation rendait encore plus impensable une autre qui la nierait. C’est comme si la fin, loin de rejoindre une quelconque normalité, augmentait le taux d’impensabilité. Une impensabilité au carré.
Si si, c’est logique, quand on y pense : c’était tellement impensable que tu m’aimes, l’impensabilité créant ainsi une sorte d’intensité particulièrement singulière, que ne plus m’aimer ne peut être que tout aussi impensable puisque cet acte suppose dans le même temps de prendre acte d’une intensité (d’une impensabilité) tout en la niant ou du moins en la déclarant obsolète. Dire « c’est fini l’impensable » concernant une situation, rend encore plus impensable la situation passée aussi bien que la solitude présente.
Le sentiment d’irréalité est alors total, je pleure en me demandant pourquoi ne plus m’aimer puisque m’aimer a jadis été impensable et a donc existé. Pourquoi ne plus exister, pourquoi rendre encore plus impensable, et désagréablement cette fois-ci, l’impensabilité de ce que je vis comme de ce que j’ai vécu. Plus rien ne devient compréhensible, même si tout continue à s’éclairer d’une beauté comme d’une intensité irréparables (que je ne demande qu’à voir en face tant que j’en suis au temps-zéro : il n’y a que ça qui a existé, que cette impensabilité-là, celle de quand tu étais avec moi).

Je me rappelle qu’au tout début de quand tu m’as quitté, je tentais la discussion irréelle : on se disait déjà, je me rappelle de ce soir avec l’étrangeté absolue de la « chambre à part » (qui dépassait largement l’étrangeté absolue du rapprochement des débuts de nous ensemble, preuve de l’impensabilité accrue), je me rappelle qu’on se rappelait déjà des souvenirs alors que ça faisait sûrement à peine deux semaines, « ahlala, on était jeunes », je faisais mine d’accepter que c’était fini, qu’il y avait quelque chose qui n’avait pas « marché » (registre de langage que je persiste à trouver décalé lorsqu’il est question d’amour), je ne sais pas ce qui nous avait pris à tenter d’être comme ça si tôt. De mon côté c’était bien sûr absurde, mais même du tien je trouvais aussi qu’il y avait comme une impensabilité mal placée : cette situation de parler de nous au passé avait cela de grotesque qu’on ne peut et ne pouvait être à la fois spectateurs et acteurs de nous-mêmes. Il faudrait bien sûr qu’on en rie, et je souhaite encore aujourd’hui qu’on en rie, que l’on rie de moi même en cet instant où il n’y a que moi qui t’aime de cette façon, il y aurait matière à de beaux langages souriants d’impensabilité. Mais ça demanderait de se rejoindre dans l’acceptabilité de ce temps-zéro, ce qui n’est sûrement pas ce dont tu aurais rêvé pour nous deux (si tu rêves encore de quoi que ce soit, je veux dire si tu continues malgré tout à penser à mon individualité d’une façon particulièrement différente qu’à celle des autres, ce qui serait une impensabilité dont mon cœur te saurait gré à tout jamais, même s’il n’a rien à te demander, pas plus aujourd’hui qu’hier tellement tout est trop impensable pour lui).

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5 septembre 2022

Temps-zéro.Durant ces moments, je me demande

Temps-zéro.

Durant ces moments, je me demande comment j'ai pu faire au temps moins-un, je veux dire non pas au temps où tu étais encore à mes côtés, mais au temps où je faisais comme si je pouvais continuer à vivre normalement si tu ne l'étais plus. 
J'essaie de me transporter en pensée durant cet étrange temps, à la fois postérieur à quand tu étais encore là – donc un temps déjà complètement fou, non-réel, non-acceptable –, et antérieur à la seule réalité qui peut se faire jour s'il faut vraiment partir du principe que tu n'es plus là : celle de la pure émotion d'effondrement et rien d'autre, le temps-zéro, donc. Je ne vois pas comment je faisais pour vivre, pour me dire "tralala, c'est comme si elle n'était plus là, blablabla".
"C'est comme si" : c'est justement ça, je faisais comme si ; mais comme je l'ai dit, je ne crois pas que je croyais à la possibilité que ce monde ne puisse pas être non-réel. Je voguais au-dessus de la réalité, ou plutôt au-dessus de la non-réalité puisque c'est bien celle-ci que je ne regardais pas en face – je me faisais croire qu'il y avait encore une réalité, comme quand tu étais encore là, alors que c'est une impossibilité dans les termes. 
En fait, tout était déjà complètement fou, complètement faux.
Là, aujourd'hui, le temps-zéro c'est tout le temps ça : une perpétuelle impression de fausseté, comme si tout est en carton-pâte. "Tralala, blablabla, il faut se faire croire qu'on va continuer à mener une vie sans elle, blablabla, tralala, comme si c'était une vie, comme si ça pouvait être une vie, lalala, hop, on va entreprendre telle décision, telle démarche, ah mais bien sûr que ça existe, ouiouioui, lalala, il suffit juste de se le faire croire et regardez, ça existe, c'est magique, hihihi !". 
Le temps-zéro, c'est ne pas être dupe de tels enfantillages. C'est redevenir enfin conscient. Oui, rien n'est possible, tout est à refaire, il n'y a plus de réalité qui tienne. Oui, rien n'est construit, tout est à remonter – si vraiment j'en ai envie, ce qui est encore une autre question, trop prématurée dans ma situation. La seule réalité palpable, la seule vérité, c'est le temps-zéro. Tu n'es plus là.

2 septembre 2022

Je crois que si l'on a l'impression qu'on ne dit

Je crois que si l'on a l'impression qu'on ne dit jamais les choses importantes à ceux qu'on aime, que ce sont eux qui à la fois nous "connaissent" le mieux et nous "connaissent" le moins bien (l'identité des deux verbes étant bien sûr un trompe-l'œil), c'est parce qu'on ne parle pas d'amour avec eux, de notre amour, du moins rarement dans le cours de son effectuation la plus concrète. 

De la même façon que j'aurais aimé qu'elle me dise "je t'aime" (je me rappelle, aux tout débuts de nous deux, de sa réponse : "je ne sais pas..."), j'aurais aimé qu'elle me dise "je ne t'aime plus". Seuls ces mots peuvent dire l'amour (ou sa fin) au moment de son effectuation, dans l'instant où il se fait et non pas à distance. Impossible d'avoir une parole extérieure sur l'amour, sinon c'est comme si on comptait des points, on "justifiait" des "mesures", des "décisions", tout un vocabulaire abstrait et juridique qui ne peut convenir au monde de l'amour.

L'impression que dès qu'on a commencé à moins bien aller, c'est-à-dire dès qu'elle a commencé à s'avouer qu'elle ne m'aimait plus, nos échanges consistaient en des "mesures" : quel événement "mériterait" que l'on puisse déclamer telle sentence, combien d'attitudes de telle ou telle nature finiraient par s'additionner pour fournir un tableau compréhensible de l'Autre (lui ou elle) jugé non-compréhensible à telle ou telle occasion, etc. Le plus souvent, pas de reproches d'ordre purement proportionnel se rapportant à une moyenne de comportements (inégalité globale pouvant bien entendu se diffracter dans plusieurs petites inégalités locales), mais une reconstitution des faits en cause, un plaidoyer judiciaire. La parole était tantôt à la défense, tantôt à l'accusation. Nous étions là sans doute dans du sérieux, dans de la vie qui a existé, mais sans que la notion d'amour ne vienne faire cesser les relances infinies de langage (qui avaient leur raison ; il ne s'agit pas de dire que c'était du langage irraisonné). 
Par un "je ne t'aime plus", j'aurais tout de suite mieux compris. Car de mon côté, je pouvais aussi, sur ce terrain du "bilan comportemental", émettre des évaluations, décerner des blames ou des récompenses ; je me serais alors tenu le plus éloigné possible du monde de l'amour, qui ne peut jamais faire d'autre constatation que "il y a amour d'elle", "elle = amour", "je l'aime et à partir de là on va vivre ça".
J'aurais mieux compris si elle m'avait dit "je ne peux plus vivre ça avec toi, puis ça est fini pour moi". Ça aurait été plus clair dans le cadre des coordonnées possibles dans le monde (celui de l'amour) dans lequel on était.

C'est parce qu'il y a eu trop de mots différents, concernant trop de mondes autres, trop d'autres réalités, que je n'ai pas compris, encore aujourd'hui. 
Pas dit que j'aurais mieux compris si simplement ça avait été "fini" (dans le simple monde de l'amour, seule auto-référence possible en son sein bien qu'il soit indicible en lui-même, ce qui explique sans doute qu'on l'évite dans le langage) ; mais au moins j'aurais pu simplement me dire, à la suite, "oui mais moi au moins je l'aime", en le reconnaissant d'emblée, en me reconnaissant en tant que "moi-amour vivant ça avec elle-amour qui ne veut plus". Je me serais peut-être moins menti. Je me serais peut-être "débrouillé" avec ça, comme on dit, puisque c'est de toutes façons le lot de tout le monde de ne pas parler d'amour quand on le vit, je dirais même encore pire, si une telle chose est dicible : de ne jamais vraiment le vivre quand on le vit. 
C'est rare que ça coïncide. Elle m'a mieux connu que personne, elle ne m'a pas vraiment mieux connu que les autres personnes, parfois même moins puisqu'elle a été amenée (comme c'est souvent le cas dans le monde de l'amour) à ne pas tenir le langage qu'il fallait, sans doute par impossibilité de tenir un langage non-dicible (qui aurait été quelque chose comme "moi n'aime plus toi, du moins pas de la manière dont on devait continuer à le vivre"). On s'est tellement connus qu'à la fin on ne se connaissait plus et c'est comme si on ne s'aimait plus, puisque tu ne m'aimais plus et que moi je t'aimais encore en ne comprenant pas le monde dans lequel tu te situais alors que j'aurais voulu te parler d'un autre (mais je ne dis pas que j'arrivais à en parler, pas plus que toi tu n'arrivais à ne pas parler d'autre chose). Et peut-être que tu pourrais dire à peu près la même phrase symétriquement, mais alors il fallait la dire comme ça. En restant dans le monde de l'amour ; car même en le quittant on y reste ; on ne fait même qu'y rester, puisqu'on se positionne en le quittant.

Mais tu diras ce que tu voudras, tu liras ce que tu voudras.

29 août 2022

« Tu es en sécurité ? »Sur le coup, je n'ai pas

« Tu es en sécurité ? »
Sur le coup, je n'ai pas compris pourquoi elle me demandait ça, puis me suis dit que ça devait être la formule de rigueur. Il faut dire que je venais de lui envoyer l'autre formule de rigueur, celle qui généralement lui précède : « Je veux en finir... » (ou quelque chose comme ça).
Puis, hop, je suis tombé dans le coma plus de quatre ans et demi et me revoilà, maintenant, au temps-zéro. Tout ce qu'il y a eu entretemps (plus de quatre ans et demi, donc), je l'ai traversé évanoui, ailleurs, sans y croire. Tout a été faux, tout servait à nier le temps-zéro. 
Oui, c'est ça, allez, on la refait : je me rends compte du vertige que serait ma vie sans elle, mais c'est trop inconcevable pour que je puisse le supporter alors je souhaite que ça s'arrête, je le lui dis, puis après je ne sais pas ce qu'il s'est passé (pendant quatre ans et demi), le flou total, je n'ai plus jamais parlé comme ça, je n'ai plus jamais entrevu cela tel que ça m'était apparu comme la seule réalité, j'ai vécu en apnée, dans l'autre monde qu'on m'avait confectionné pour que je fasse semblant d'y croire, avant de remonter, enfin, aujourd'hui, au temps-zéro où je ressens les vraies choses et la vraie vie. C'est peut-être maintenant que je me rends (de nouveau) compte (la dernière fois c'était il y a quatre ans et demi) que tout s'effondre quand elle n'est plus là, mais au moins, c'est remonter au niveau du vrai que de se le dire, c'est être enfin dans le vrai, dans ce que je ressens maintenant. Depuis ce moment de vertige duquel j'ai voulu me détourner trop vite pour faire bonne figure, que j'ai souhaité conjurer dans un délire sans fin où je m'imaginais continuer à vivre une vie alors que je ne vivais rien de réel, que rien n'existait proprement dit.
Me voici enfin, pour la deuxième fois seulement depuis cette fin de 2017, dans le réel, dans la vraie vie de là où j'en suis réellement. Encore au temps-zéro.

27 août 2022

Ce serait comme être partisan de Daech ou de

Ce serait comme être partisan de Daech ou de Hitler. De ne plus vouloir célébrer ce carton. Il ne faut vouloir rayer de la carte du monde aucune force de vie. Ce jeu de dés en carton qu'elle m'avait fabriqué et offert, c'est de la force de vie pour toujours. Ne plus le garder précieusement, ne plus le célébrer régulièrement, ce serait vouloir tout faire mourir. Il ne faut pas vouloir tout faire mourir, car tout a existé. Ça en est la preuve. 
J'ai quand même décidé de le mettre dans un autre carton, conservé de façon un peu moins accessible, mais n'y voyez là aucune façon de marquer le coup en ce temps-zéro, aucune volonté de "trait tiré". Mes traits sont tirés mais ça n'a rien à voir, simplement on ne peut pas sans cesse garder tout présent auprès de soi dans tel ou tel espace (la preuve, elle n'est elle-même plus présente dans ces espaces car il paraît "qu'elle n'est plus là avec moi", j'ai appris ça récemment, il y a un peu plus de quatre ans et demi ; or, c'est bien sûr en partie faux puisqu'elle est à peu près toujours partout).
Avant de fermer le carton (que je me vois déjà réouvrir dans un futur proche, quand j'aurai enfin compris ce qu'il m'est arrivé, quand je serai sorti du temps-zéro), je rejoue, je retire les dés (et je n'écrirai pas "une dernière fois" car c'est faux, je peux les retirer quand je veux, même mentalement, même simplement avec mon cœur) ; trois gros dés à douze faces qu'elle avait fabriqués, trois parties de phrase qu'elle avait écrites sur chaque face de chaque dé, une infinité de combinaisons qu'elle avait dénombrées (j'ai déjà refermé le carton au moment où j'écris ces lignes et je n'ai pas noté le nombre, il faudra que je le réouvre et que j'y rejoue sans cesse, pour la peine, jusqu'à ce qu'elle soit là ; non, c'est une mauvaise idée, je me calme, je suis au temps-zéro) ; en fait, non, je triche, je ne tire pas les dés mais je sélectionne la phrase que je voudrai lire quand je réouvrirai le carton (peut-être demain, peut-être dans un an, peut-être dans quatre ans et demi) : "Tes yeux m'aiment, je le sais !". C'est ça que je voudrai lire, c'est ça que je veux lire. Car je veux qu'elle l'ait su. Ça a été vrai, ça a existé.
(Larmes du temps-zéro au moment où j'écris ces lignes.)
En fait, lecteurs, vous n'avez pas toute la phrase par pudeur ; la vraie phrase que je lirai, que je lis, c'est "Tes yeux [...] m'aiment, je le sais !", les mots du deuxième dé contenant l'un des surnoms secrets qu'elle me donnait. On ne dévoile jamais un surnom secret d'amour, on le lit pour soi, on le vit. Je le lirai, je le lis, je le vis. Ça existe toujours autant, c'est toujours autant vrai. 
(Larmes du temps-zéro.)

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26 août 2022

Durant les deux ou trois premières années, c'est

Durant les deux ou trois premières années, c'est comme si j'en étais resté à "il s'est passé quelque chose", constatation vide ne disant rien du contenu de ce "quelque chose" ; je ne pouvais simplement pas nier qu'autour de moi ce n'était plus le même espace (il n'y en avait d'ailleurs plus de palpable), que je n'entendais plus sa voix et ne voyais plus son visage aussi souvent, qu'il n'y avait plus sa peau. OK, c'était noté, mais comme pur fait, ne disant rien du pourquoi ni du comment. Il s'est passé ça, OK, elle n'est plus là soudainement, à ce moment, mais comme la pluie tombe. Je traversais tout comme en fantôme, craignant de m'arrêter sur une dimension trop solide du "quelque chose" qui m'aurait fait me rendre compte de la réalité derrière.

C'est au bout de quatre ans et même un peu plus, que je suis passé à l'étape "qu'est-ce qu'il s'est passé ?". Je n'en avais aucune idée avant et la confrontation fut douloureuse. Les caractéristiques du décor avaient donc une raison, une origine, on pouvait déterminer pourquoi je la sentais comme éloignée, voire comme ne partageant plus ma vie, hypothèse que la conscience avait rejetée dès le départ comme trop inacceptable. Voilà comment on pouvait décrire ce qu'il "s'était passé" (sic), voilà la façon dont il fallait semble-t-il l'expliquer : si elle n'était plus là, en ce moment, c'est parce qu'elle n'était plus là tout court, à savoir qu'elle "n'était plus avec moi". Non pas qu'elle ne continuait pas à exister ailleurs, dans son propre monde, mais en tout cas dans le mien elle n'était plus, comme on dit, à mes côtés. C'est cela qui s'avéra le plus complexe à se représenter : ce n'était pas simplement qu'elle était, comme ça, comme ça peut nous prendre parfois, "absente", c'est qu'elle "n'était plus là tout court", pas seulement "à ce moment" ou "soudainement". Elle était partie. Elle avait dit "tu dois partir". Plus de quatre ans et demi à tenter de comprendre ce qu'il s'était passé, non pas à chercher à expliquer les raisons du déclenchement du mécanisme de "ce qu'il s'était passé", non, je n'en suis pas encore là (pour cela, je dirais qu'il me faudrait encore le double d'années, à peu près), mais juste les raisons qui pouvaient me faire observer qu'apparemment, "il s'était passé". Quoi donc, ça aura été la découverte la plus difficile, une élucidation qui se sera laborieusement faite jour dans un monde parallèle, non-existant, sans sens : ce qu'il s'est passé, c'est qu'elle n'est plus là. Je viens juste de l'apprendre. La nouvelle vient de tomber. Ça me donne envie de pleurer. Ça y est, je suis au temps-zéro. Ce qui vient de commencer, c'est que tout est fini.

Au moins, il me semble qu'en le saisissant ainsi, comme "quelque chose qui..." et pas seulement comme "quelque chose", ça devient plus réel, donc plus inacceptable, mais plus vivant. Cela s'est passé. Cela s'est vraiment passé, au sens où ça a existé. Impossible, en revanche, de savoir comment ma personne va pouvoir s'en saisir. Ça, c'est encore une autre histoire. Je n'en suis pas encore là. Je suis au temps-zéro.

24 août 2022

J'ai vrillé dès que j'ai compris qu'il y avait

J'ai vrillé dès que j'ai compris qu'il y avait une solide masse d'attachement plus forte que tout entre nous, qui nous relierait toujours, qui nous ferait et nous a fait comprendre l'un et l'autre même au cœur de nos incompréhensions, que tout ce qu'on avait vécu et ressenti serait toujours là puisque ça a existé et que ça pèse une telle masse d'attachement que je ne pourrai jamais aller au-delà tant que quelqu'un n'aura pas décidé qu'il me connaît si intimement (elle, de son côté, continue à vivre de la vie puisqu'elle a choisi de se déporter ailleurs tout en gardant de fait la masse d'attachement puisqu'elle a existé – je sais pas comment elle fait pour continuer à vivre malgré tout, de façon apparemment si volontaire, au-delà de ce qu'on a été).

Au début, je pensais qu'y repenser serait plus léger, léger comme du passé, or je vois bien que puisque l'attachement a existé ainsi si solidement, de façon si conséquente, conséquemment il ne va pas être possible de passer outre, surtout par contraste ; je peux dire que j'en ai rencontré, des gens qui ont semblé vouloir me connaître puis qui tout compte fait se sont dit que je ne méritais pas assez leur temps, que je n'étais pas si compréhensible, pas digne d'une masse conséquente d'attachement ; je connais bien leur jeu, me faire croire que je peux t'oublier, puis tout faire ensuite pour me rappeler que ce ne sera jamais possible puisque toi seule a vécu autant, nous seuls avons vécu autant ensemble une si indépassable masse d'attachement. Non pas qu'elle nous cloue, au contraire ; tu pourrais croire ça de moi, or, au contraire, il n'y a que cela qui me porte, c'est le fil que je retiens au sol et qui me fait tenter de m'échapper plus haut vers la suite, à savoir pour l'instant vers plus rien, rien du tout, vers le point-zéro, mais il fallait le vivre. C'était pas si évident que j'allais pouvoir m'en rendre compte un jour, que je n'allais plus jamais pouvoir vivre sans toi. Je regrette que ça n'ait pas été si évident, mais le regret n'est rien si je le compare à cette si belle et évidente masse d'attachement qui a existé et qui n'avait pas besoin pour exister et pour être si évidente de contenir d'autres sortes d'évidences qu'elle-même, que le fait qu'elle a existé à ce point, qu'on a chacun été ce qu'on a été ensemble. Pour toujours. Et, pour ma part, sans pouvoir plus rien voir après.

19 août 2022

D'expérience, ça peut quand même être utile que

D'expérience, ça peut quand même être utile que les larmes deviennent extérieures. D'ailleurs, si l'on doit parler de ceux qu'on appelle "les autres", je trouve qu'ils se mettent soudainement à être beaucoup plus empathiques et convaincus par ce qu'on dit lorsqu'on pleure extérieurement et non plus seulement intérieurement. C'est un grief qu'on peut leur faire ("il faut donc que je me mette dans cet état pour que...?") mais il faut les comprendre, surtout que 1) ça peut nous arriver à nous aussi, dans l'autre sens (je veux dire d'être dans la position de celui qui ne comprend pas quand ça reste intérieur), 2) on peut plus facilement être désemparé, "débordé" par une pression que l'on sent contenue, que par une pression que l'on sent jaillir en toute liberté, car c'est comme si alors la tension s'abaissait et que l'on pouvait rejoindre l'autre plus finement, plus compréhensivement dans ce qu'il ou elle exprime. Du moins c'est comme ça que j'explique, aujourd'hui, comment j'ai pu être autant débordé par les pleurs tout en ne débordant jamais, donc sans qu'elle n'ait l'impression et moi non plus que je prenne sa détresse, tous ses maux, littéralement à bras-le-corps (alors que, bien entendu, je ne pensais qu'à ça), ceci aggravant sans doute sa tension, ma tension, notre tension, comme si on sentait que "l'autre" n'était pas autant là qu'il aurait dû.

Il faut dire que, pourtant, elle ne se privait pas de jaillir, ce que j'entendais cinq sur cinq (et même un peu plus), mais que j'étais persuadé qu'elle ressentait très bien dans quel état cela me mettait, que je n'avais pas besoin de l'exprimer. Je ne savais pas encore à quel point "les autres", pour la plupart, même elle, comprennent avant toute chose l'expression. J'ai essayé dernièrement, depuis que cela m'arrive : je pleure, je dis tout de suite (alors certes, ce n'est plus auprès d'elle vu qu'elle n'est plus là à mes côtés, mais c'est toujours plus ou moins à son propos donc des fois je me dis qu'elle m'entend, même si j'espère ne pas trop l'affecter non plus, à force d'oreilles qui sifflent) ; et là, oh, incroyable, cela m'a fait ça à plusieurs reprises : lorsque les larmes sont là, visibles, extérieurement coulantes, ça comprend ! "Ça", je veux dire "les autres", ils semblent mieux saisir ! Et là, oh, ils se mettent à parler un peu plus normalement, comme s'ils étaient eux-mêmes, comme s'ils croyaient à ce qu'ils disaient, sans distraction, sans distance, sans "être à autre chose" ! Enfin, j'y accède, à leur monde. En m'exprimant. Ce que j'ai toujours eu la sensation de faire, mais à l'intérieur.

Une nouvelle vie m'attend. Maintenant je pleurerai tout le temps.

6 août 2022

Par ailleurs, une toute autre individualité, qui

Par ailleurs, une toute autre individualité, qui ne me lira peut-être plus jamais : je me revois, dans cet appartement où tout était encore étranger (tout agencé de la façon qu'en avait décidé quelqu'un qui n'était plus), découvrir sa voix vive qui me dit "t'es essoufflé, non ? allez, calme-toi", ayant découvert que je tremblais de timidité ; ça faisait longtemps que je n'avais pas découvert une voix par téléphone, une individualité par ordinateur ; c'est elle qui voulut se rendre mieux compte, mais durant le trajet puis à mon arrivée auprès d'elle, tout lui parut malaisant ; peut-être pas tout, puisqu'on se câlina, mais du moins tout ce qui était perçu comme relevant d'un malaise (comme elle me le dira plus tard) ; malaise bel et bien réel, me concernant, mais n'ayant rien à voir avec elle mais simplement avec mon corps habituel ; malaise bel et bien réel aussi, la concernant, je ne le nie pas, mais ayant vécu cette voie d'une façon si brusque que je ne compris pas, au fond, ce qui la surprit tant dans mon individualité, auparavant attendue. La sienne, pour moi, fut à la fois troublante et familière, encore très attachante aujourd'hui, une individualité à laquelle je penserai à tout jamais, comme à toutes les individualités dignes de ce nom.
Impossible de faire autrement, comment oublier une individualité ? Comment oublier une voix, un regard, répondant à la définition digne de ce nom d'une voix, d'un regard ? Elle fut, un temps, durant plusieurs semaines, la voix, le regard par excellence, incompréhensible dans sa violence, encore plus que celui de celle que j'arrivais encore moins à oublier et que je n'oubliai pas davantage même au moment où c'était la seconde violence qui me saisissait. Car chaque individualité peut répondre à une autre, cela a été prouvé par les spécialistes et je le confirme.
Je n'oublie rien, même lorsqu'on m'a fait comprendre, par une remontrance, qu'il vaut mieux. Je crois que les individualités sont éternelles. Si jamais un jour tu te reconnais et te manifestes, ma reconnaissance envers toi restera sobre, promis. Les individualités tiennent à leur quant-à-soi, j'ai compris. 

5 août 2022

Est-ce possible que je ne m'en sois encore jamais

Est-ce possible que je ne m'en sois encore jamais rendu compte ? Oui, c'est le principe du temps zéro. Cela n'arrive que maintenant, que réellement maintenant : son absence m'est insupportable, je veux dire au sens plein du terme, je ne la conçois pas, je ne peux concevoir qu'elle soit absente. Elle ne peut qu'être là, sinon c'est la fin. Ou alors le temps zéro, mais ce qui revient au même, n'ayant aucune idée de ce sur quoi il peut bien déboucher (la folie ? l'éternel retour ? un temps avant même le temps zéro, un temps "moins un" où je revivrai toute l'émotion – que j'aurais dû ressentir plus tôt – comme en plein délire – le délire ne venant pas du fait que je la ressente mais que je ne la ressente à ce point que seulement aujourd'hui ?).

Il faut dire que dès nos premières séparations, celles qui étaient provisoires, je pleurais. J'avais déjà peur, à chaque fois, que ce soit pour toujours. Comme une épée planant sans arrêt au-dessus de moi et nécessitant, comme dans une affliction préparatoire, que je ressente l'imminence de son arrivée dans mon cœur pour me creuser le trou qu'il semblait mériter. Toujours déjà eu un trou, avant même que ce soit pour toujours. Pour cela que je pleurais déjà. Je sentais arriver le trou.

Je ne sais pas si elle aurait pu à quelque moment que ce soit m'assurer du contraire, mais le fait est que c'est arrivé. Et que pour ma part je ne suis pas arrivé à lui faire comprendre à quel point son individualité était placée tout au-dessus, bien tout au-dessus de ce que je ne pourrai jamais exprimer, reconnaître, manifester. Je crois me souvenir qu'elle reconnut de "mauvaises interprétations", et peut-être que la perpétuelle sensation d'imminence d'arrivée de l'épée dans mon cœur me faisait parfois m'éloigner par peur, par peur d'elle. Je crois lui avoir dit qu'à une période elle me faisait peur (mais ça n'a pas toujours été le cas ; pas au début, mais pas non plus maintenant, quand bien même elle a frappé le coup ultime, car c'est comme si, alors, elle avait confirmé mes craintes et ne restait, alors, toute crainte suspendue, devenue inutile, que mon amour pour son individualité, et son absence inconcevable). Il faut croire que j'avais prévu le trou, ce qui ne le rend pas plus vivable pour autant, maintenant qu'il est bien creusé.

Le temps zéro, c'est peut-être tous les temps-zéros à la fois ; il y en eut trop, des temps-zéros, et je ne ferais qu'en revivre sans cesse de nouveaux, chacun représentant tous ses prédécesseurs, toute l'intensité et la violence de tous les temps-zéros, celui d'aujourd'hui ayant pour seule particularité d'avoir lieu pour toujours, tant que j'ai cette vie-là, tant qu'elle n'y est pas, tant que chaque objet la fait être auprès de moi (chacun encourageant une réplique qu'elle aurait formulé ou qu'elle a bel et bien formulé jadis concernant tel ou tel fait, geste, voix, nom... et ne pouvant que m'en souvenir encore et encore, ne pouvant rien concevoir à la place de ce trou qu'elle a laissé en ne faisant plus entendre auprès de moi sa réplique, sa voix, son geste...), tant que sans elle je ne suis plus qu'un trou. Un trou zéro.

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