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31 janvier 2022

Dit autrement : devant ma confrontation

Dit autrement : devant ma confrontation quotidienne à une telle irrégularité régulière, à une hétéronomie à la fois physique et mentale, à une tendance à conséquemment suivre ces virages dans le rythme de mes mots et de mes traits même lorsqu'ils sont brusques et peu transmissibles, il faut soutenir l'édifice par l'établissement de la vérité dans les choses, question exigeante qui nous fera apparaître la part de folie originelle qu'il y a dans la tentative de mise en ordre, mais aussi la part de pragmatisme spirituel qu'il y a dans l'acceptation (car il ne sert plus à rien de s'agiter) de la perte de toute maîtrise.

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30 janvier 2022

"...les moments où je dois faire mon artiste,

"...les moments où je dois faire mon artiste, est-ce ceux où je dispose de toutes mes capacités ? ...ou au contraire ceux où je peux me laisser porter par le malaise ? ...les moments où je dois faire mon intello, est-ce ceux où mon cerveau peut doucement carburer en visant précisément ce qu'il a à dire sans trop tergiverser (moments de désinhibition très économiques qui peuvent être ceux des malaises) ? ...ou ceux où il va chercher midi à quatorze heures et a peur de ce qu'il peut découvrir de trop encombrant, peur à cause du temps limité qui lui reste (moments de relative forme-tension)... ?"

(extrait du journal intime dessiné "Diminué et Passionné" tome 6, vers la fin 2020)

 

Vous voyez bien que depuis que j'ai repris ces affaires d'art, de traits, de mots, ma tendance à la mise en abyme s'en est trouvée renforcée, pour ne pas dire aggravée. La raison en est simple : l'art, les traits, les mots (pris en eux-mêmes), alors que j'avais cru m'en détacher, m'ont littéralement rattrapé. Je n'emphatise pas, c'est comme ça que j'ai ressenti le phénomène, c'est comme ça que cela s'est produit en toute rigueur : ça m'a rattrapé. J'avais pu croire que mon lien envers eux était lâche voire détaché, dédramatisé ("je vous dis au revoir, chers amis, avec grand plaisir", avec un ton certes ému mais des lèvres en forme de petit sourire soulagé), or tout ce que j'avais inscrit précédemment sur des pages, même sans être publié, s'était bel et bien imprimé sur ma vie. À partir de là, à chaque instant de la reprise, à chaque nouvelle tentative d'entrevoir ce que ça dit de mes possibilités, je me sens obligé de me pencher sur les raisons mêmes qui me font être là et encore là, à présent.

Le constat est le suivant : lorsque j'ai compris (aussi bien par l'état actuel de la science que par une sensation difficilement descriptible d'ordre corporel) qu'il n'y aurait pas de retour en arrière possible quant à mes douleurs et malaises, j'ai pris sans m'en rendre compte une double décision (inconsciente bien que ferme), celle-ci expliquant sans doute après coup (je m'en rends compte maintenant) ma tendance inhérente au "tout ou rien" joyeux, œcuménique, dualiste-mystique : je me devais, en m'éloignant de l'art, de me concentrer sur les vérités froides, objectives, considérées dans une sorte de distance sans distance – à savoir en plein dans la ferme croyance en la distance, non feinte, position équilibrée d'équilibriste qui a pu me faire croire en un "détachement" – , tout comme je me devais, dans les moments où l'art me rattrapait, de suivre jusqu'au bout ce que me permettaient mes malaises et autres états non-clairs, aller jusqu'au bord de la folie dans ma manière de suivre les élans saccadés, contrariés de mon cerveau. Ce double mouvement m'apparaît, maintenant plus que jamais, comme le contraire de toute contradiction : l'exigence de mon état, de tout état second (comme on dit) vécu dans la continuité, dans la régularité, c'est l'exigence de la vérité aussi bien que l'exigence du départ vers autre chose que la simple rationalité. Ce sont les deux faces de l'acceptation : puisqu'il faut quasiment à chaque seconde se suivre (ou "être suivi" : "vous êtes suivi ?"), s'écouter, se surveiller, il s'agira à la fois de tenir plus que tout à ce qui relève de la solidité du réel et de savoir se laisser porter par des élans du cœur inédits (en profiter pour son art, mais aussi pour sa connaissance).

Ainsi, parallèlement ou plutôt dans un même mouvement que le discours est obligé de faire apparaître double dans le cadre d'une communication à autrui, je poursuis l'élucidation du monde et celle de ma déprise, toujours ouvert à... et toujours sans concessions envers... (mon attention, mes mouvements, mes élans). C'est en dernière analyse cette nécessité qui m'aura fait conclure à l'évidence des traits-mots (mêlés-manuscrits, dans le cadre de ce qu'on appelle parfois "la bande dessinée") comme "moyen d'expression privilégié", alors que j'avais longtemps eu du mal à justifier ce choix, aussi bien auprès de moi-même que de mon entourage : les mots qui sont des traits, qui cheminent séquencés, ça montre direct la cassure. Ça fait tout le temps suivre son propre rythme (on a bien dit qu'il fallait se suivre et qu'on était suivi), ça permet des choses comme : trembler, prendre la tangente, le contre-pied humoral vibratile, ne plus avoir les mots (comme présentement, étant durant ce paragraphe en plein début de malaise)... Le dessin comme monstration pleine et sans fard de soi, je ne l'ai pas inventé, ça s'est déjà dit, je l'ai lu ; mais ce que j'ai peut-être inventé (pour mon propre compte, après ça regarde qui veut), c'est cette monstration comme principe de raison suffisante, finalité même, unique, sans autre dose d'évidence : je n'aurai sans doute jamais rien tracé, ou du moins jamais rien persisté à tracer, si je ne traçais pas aussi mal, si je n'étais pas si continuellement mal, car il n'y a que par cette pratique que je peux faire quelque chose de ce mal, avec ce mal, que celui-ci peut être vécu, éclairci, accepté. En étant attentif à ce que je ne sais pas faire, au final, je fais bel et bien. Je n'aurai même jamais autant fait ; je n'aurais sûrement jamais fait autant si je savais le faire. C'est cela qui m'a rattrapé (en plus de la vérité).

26 janvier 2022

Les autres sens Étonnant de n'avoir défini comme

Les autres sens 

Étonnant de n'avoir défini comme "sens" que les "sensations" nommées "vue", "ouïe", "odorat", "toucher" et "goût" qui, énumérées comme telles, ne couvrent qu'une infime partie de notre rapport physique au monde. Avant même "les cinq sens", viennent les sens irréductibles à un quelconque "sens" (à un quelconque organe) : les autres sens.

Le sens du fond de l'air : Notre première façon de prendre contact avec une nouvelle région, un nouvel environnement extérieur (là où circule de l'air au sens sensitif et pas seulement chimique), c'est de humer cet air et/ou de ressentir la spécifique sensation de cet air sur soi et en soi. Il n'est pas question ici d'odeur à proprement parler, ça ne sent souvent rien de spécial (en tout cas d'après nos moyens limités en la matière, il ne nous viendrait pas à l'idée de la qualifier en tant qu'odeur, que fumet) ; il serait également ironique de faire accroire que l'on puisse "toucher" l'air, juste parce qu'il semble frotter notre peau et que celle-ci réagit à son niveau de température. Non, pas d'odeur, pas de contact, l'air est nulle part et partout. Il est tout ce qui nous entoure, tout ce qui entoure cette nouvelle aire. Ça fait piquant ou ça fait frais, ça fait pesant ou bien humide, c'est immédiatement qu'on le ressent, c'est même sans doute le premier sens, littéralement. Le sens du fond de l'air.

Le sens de la faim : Bien qu'animaux en de telles circonstances, c'est toujours en tant qu'humains que nous le vivons. Il se pourrait même bien que ce soit encore plus en tant qu'humains, toujours à cause de cet odorat qui n'est pas suffisamment à la hauteur pour être utilement enrôlé. En tant qu'hypoglycémique, je me suis surpris une fois, devant faire face à un obstacle humanoïde parlant, bloquant ma route vers la sustentation, à penser (exactement) "ta gueule, t'es pas d'la bouffe !". Il faut avoir vécu ça une fois, il faut avoir pensé ça très fort et en toutes lettres pour saisir ce qu'est le sens de la faim. Lorsqu'il est là, pleinement là, il colore tous les autres. Notre relation au monde n'est plus que faim, entièrement faim. Notre prochain ? De la non-faim ! Sa présence ? Non pas une concurrence (ce qui serait tellement plus simple), mais la négation de notre sens le plus prégnant en cet instant, la négation de notre faim. Je ne suis plus rien d'autre, alors arrête. Arrête d'être quelqu'un, j'ai juste faim.

Le sens de la honte : Bien sûr, il se manifeste en nous, sur nous, mais lorsqu'on en est vraiment affecté, le plus notable est surtout qu'il est convocable sur la longueur, surgit à chaque fois que c'est son tour. Pour cela qu'il nous semble correspondre à la définition d'un sens. Quand j'écoute ce disque, je me rappelle de la fois où en l'écoutant, j'ai eu honte d'être moi, de faire ceci, d'être cela ; je le ressens tout autant qu'avant et c'est là, indépendamment de ce que mes oreilles entendent (ce n'était peut-être pas exactement pendant ce refrain et c'était peut-être même une fois la mélodie finie, voire le disque rangé dans son étui) ; c'est un sens de ma honte, une intuition persistante de sa pertinence flagrante, indépendamment des regards sur moi ou de mon interprétation à leur propos. C'est juste l'occasion qui a fait le larron, qui a redéclenché le sens, qui a remis en branle ses connexions ; c'est tout de suite, instantanément incarné, instantanément corporel. Je le ressens comme tel.

Le sens de la douleur : C'est où ? Plutôt ici ? Plutôt là ? Le plus souvent difficile à dire, très difficile. Il y a bien une zone mais vague, incirconscrivable. Ce qui n'empêche pas que c'est vivant, que c'est nous, presque tout entier quand ça nous prend. C'est si évident. Ça n'a peut-être pas "de sens" ou "de cause", comme on dit, et pourtant c'est sans conteste LE sens ; bien plus que premier en tout, bien plus que derrière tout (lorsqu'il se niche en nous), bien plus que colorant tout nous (lorsqu'il nous rend tout nu) : LE. THE. THE sens. Inexplicable. Indescriptible. Intraduisible. Les autres, à côté, c'est de la prose administrative. Prenez par exemple un proche, ou quelqu'un de rusé, ou bien un proche rusé. Essayez de lui faire saisir un amour, un concept ardu, un récit compliqué : ça passe. Parlez-lui de votre douleur en tant que sens, en tant qu'elle est un sens, qu'elle existe ainsi en vous, de telle façon et pas de telle autre, décrivez-lui son évidence, son style de présence. Là, quoi qu'il vous réponde ou vous recommande : à côté de la plaque, toujours. Face à la compréhension perceptive de votre douleur, tout autre, quel qu'il soit, cet être cher que vous aviez devant vous, cet être si fin, si subtil, devient une sorte de débile. Et malheureusement rien à faire pour rattraper le niveau. C'est sans espoir. Espoir n'est pas de ce sens. Si ce texte se termine ici, c'est aussi à cause de lui (car trop d'ordi m'éblouit).

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