Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Définitivement
Publicité
Définitivement
Archives
30 novembre 2015

On sait tous bien, nous autres, que l'essentiel

On sait tous bien, nous autres, que l'essentiel est le chemin. Mais l'écrivain de fiction travaille pour les cons. Les cons veulent que le bout soit suffisamment bien tourné pour qu'il fasse aboutissement (chute ou conclusion). Or, il faudrait arracher toutes ces pages en trop, s'arrêter avant l'accélération des rebondissements. 

Oui mais les cons ne veulent pas que l'écriture soit comme la vie. Et pourtant si, car ils lui demandent de suivre des voies compréhensibles, comme le monde et ses structures. Sauf que nous autres, c'est justement ce monde que nous ne comprenons pas. À partir de là, il nous apparaît normal de ne pas toujours comprendre l'écriture. 

(Le con c'est : « Rholala mais je comprends rien à ce charabia ! J'accepte pas les artistes qui se fichent de ma gueule, quels fumistes ! Par contre, l'arbitraire du monde qui m'a fait salarié-consommateur-citoyen, ça je comprends tout à fait, ça c'est clair, je vois pas le problème. »)

Le fait qu'une fiction doive "mener à quelque chose", ça rappelle l'aveuglement du militant qui a peur ou qui souhaite que quelque chose conduise forcément à autre chose. C'est peut-être ainsi que pourrait se définir la détresse humaine. Chez l'animal, une chose est une chose, une chose fait quelque chose, ou à la rigueur l'entraîne, l'enclenche. Chez nous naissent les illusions avec ce phénomène mental de "conduite vers" qui est du temps non maîtrisable, hors de toute conscience.

Ce n'est pas l'incertitude du rêve qui le fait devenir cauchemar (nous nous vantons de nos doutes comme pour mieux nous dédouaner des marécages que nous avons créés et dans lesquels nous continuons à nous empêtrer). C'est l'existence en elle-même du rêve de conduite (pourrait-on dire) qui porte en germe l'invention du sentiment d'incertitude, étranger à tout autre que nous.

(Il n'y a que chez l'homme que l'incertitude est une action, dont il se targue ou qu'il craint. Chez l'animal, l'incertitude est une attente, n'est donc pas en elle-même.)

Publicité
Publicité
27 novembre 2015

Deux paragraphes qui ne s'excluent pas (sont tout

Deux paragraphes qui ne s'excluent pas (sont tout autant vrais pour moi)

Celui qui vient parler en public des bienfaits de la conquête de soi, de son "potentiel à réaliser", même quand il n'en parle pas comme un manager, est énervant. Car il est mal placé pour. Car trop bien placé. Forcément, il croit en l'individualité puisqu'il est quelqu'un qu'on a invité à parler en public ! Le collectif (le vrai, pas son "porte-parole") est par définition ce qui n'a jamais la parole.

Si je crois en la sociologie, ce n'est pas parce que je me sens manipulé (quand on la prend par ce biais-là, on tombe dans la religion du spectacle : le complot), c'est au contraire parce que les autres renvoient d'eux-mêmes l'image d'un bloc homogène qui me juge sans cesse comme quelqu'un d'étrange, qui n'en fait qu'à sa tête (et c'est vrai : ma tête suit son fil, c'est ce qui me semble juste, profond, sain, le contraire de l'hypocrisie qui nous guette tous). On dit, et parfois même il apparaît fortement, que j'ai tort devant tout le monde ? C'est la sociologie qui fait ça, qui fait que les autres sont massivement la même sorte d'autre. Penser cela me sauve de la persécution.

26 novembre 2015

Il ou elle nous accueille dans le hall. «

Il ou elle nous accueille dans le hall. 

« Bonjour, bonjour bonjour. Bonjour à tous. Si vous êtes là c'est que vous êtes a priori partants pour dire les choses – vous êtes venus en famille, c'est bien, vous verrez ça ira c'est prévu pour, on a prévu – et quand je dis "dire les choses" je ne veux pas dire "parler sur elles", "faire apparaître des images" et autres fadaises de la sorte, non non non, il n'y aura pas de demandes d'évocations, rassurez-vous, ni de "ce que ça vous fait penser", ça c'est déjà trop penser sur du prépensé, du prêt-à-penser, or le but sera bien – mais c'était écrit sur la plaquette, c'était marqué – de savoir direct, d'intuition instantanée. Bien sûr, pas de stress de l'express forcé, du... du... du pressage pressuré... du style "allez hop, tout d'suite c'que ça vous dit, allez allez hop sinon c'est plus bon", non, halte à l'associationnisme ! Pas d'obligation à dire si ça dit pas, pas de tête à se prendre dans les mains si ça vient pas. Si le mot "psychologie" vient à certains, je leur dis non : tout est social. Je vous verrai en groupe. Les enfants d'un côté, les adultes de l'autre.

Comme on ne peut jamais partir de rien, nous avons – mon équipe et moi, je vous présente Fabrice et Nicole – choisi de nous concentrer sur un ensemble de mots, sur une proposition existant dans la langue comme potentiel condensé de choses à dire et donc à comprendre. Cette compréhension devant rester atteignable dans le court délai qui nous est imparti, ne devant pas nous amener trop loin, à "refaire le monde" comme on dit – ce qui est très bien mais dans un second temps, car dans un premier temps il sera déjà question de le faire ce monde, de le faire tout court, car je vous assure, rien n'est fait, rien n'est encore fait – cette compréhension devant être atteignable, disais-je, nous avons d'emblée éliminé les expressions trop conjoncturelles, qui nous entraîneraient dans des polémiques conceptuelles certes passionnantes mais dépassant les ambitions de notre modeste assemblée, comme par exemple "acte terroriste", "croissance économique", etc. – vous voyez de quoi je veux parler : le politique omniprésent, le "plus grand que nous". Donc point trop de structures mentales extérieures à nous-mêmes, mais point trop non plus d'évidences absolues, il ne sera pas question ici par exemple de "désir créatif", de "besoin d'épanouissement" : coquilles absolument vides. Vous êtes quand même ici pour vraiment dire les choses, oui ou non ? Sans plus attendre, voici donc sur quel mini-groupe d'idées, sur quelles syllabes qui font sens nous avons choisi de baser notre journée : "une bonne grosse bite". Nous passerons notre journée sur ça. "Une bonne grosse bite". Ne faites pas les choqués, j'ai choisi "une bonne grosse bite" comme j'aurais pu choisir "chaise de jardin", "clé des champs", ou... ou... non, j'allais dire "passage clouté" mais vous voyez, dès qu'on veut penser à des faits plus urbains, tout de suite ça devient social, or pour faire apparaître le social, le vrai, l'originel, il faut s'en éloigner le plus possible au départ. "Une bonne grosse bite" m'a paru être l'essentiel, la quintessence du langage à dépiauter : simple, trivial, énonciatif, à la fois déjà référentiel quant au ton employé et au jugement appuyé, donc pouvant être déconstruit, mais suffisamment basique pour avoir un potentiel d'exploration encore prometteur. "Une bonne grosse bite". Ce que ça vous dit, pas ce que ça vous fait. Jouez le jeu. Merci pour votre attention et bon courage à tous. »

(La salle des enfants servait surtout de garderie en fait, car ça rigolait trop pour que cela puisse mener à quoi que ce soit. « Hi hi, une bite ça veut dire un zizi, hi hi, t'as un zizi, on a des zizis, hi hi », bref rien de bien intéressant. On leur a donné des tablettes tactiles et ils ont arrêté de faire chier.)

Chez les adultes : 

« Concentrez-vous, je ne veux pas savoir quelles sensations peut vous faire ou pas de penser à une bite, je parle bien de ce que "une bonne grosse bite", ensemble donné, fixe de mots vous fait dire, savoir et donc ressentir forcément oui mais ne vous laissez pas méprendre, ne restez-en pas à l'affect-cliché, stéréotypé, vous êtes bien plus que ça ! »

Thomas a l'air intimidé mais il se lance :

« Franchement c'est pas facile de pas faire parler ses... ses impressions parce que franchement direct c'est connoté direct, ça fait tout de suite penser à la fille qui aime ça ; je fais rouler ces mots dans ma tête : "une bonne grosse bite", "une bonne grosse bite", et là direct c'est perturbant parce que je me dis qu'une fille peut aimer ça et ça me fait tout drôle, ça... ça fait bander quoi, c'est pas tant que je vois la fille, c'est que j'imagine une fille dire "une bonne grosse bite" et qu'elle aime ça, de le dire et d'y penser mais surtout de le dire, et ça franchement c'est gênant, je... c'est vraiment le langage qui est gênant jusqu'au bout, beaucoup plus que l'organe... se dire qu'une fille puisse se dire ça, ou même mise en face de ce groupe de mots à son insu, et trouver que... que... que c'est bien ou que... que c'est marrant, que...

– Tiens moi au contraire c'est quand la fille aime pas, quand on lui met bien devant sa gueule et que ça lui dit trop rien, que ça me rend tout chose ! »

On s'attendait à ce genre de réplique mais quand même ça laisse un blanc et on préfère inciter quelqu'un d'autre à prendre la parole.

Les interventions suivantes traitent du machisme flagrant de la proposition étudiée.

Mais ensuite, quelqu'un :

« Soyons sérieux, quand vous entendez "une bonne grosse bite" vous pensez vraiment à un salaud sérieusement lourd, à du porno premier degré ? Avouez que non, que vous en riez direct. Parce que c'est trop gros, sans mauvais jeu de mot. "Une bonne grosse bite" c'est la parodie, l'indécrottable parodie, c'est ce sketch où l'on ne sait plus si l'on rit des beaufs ou si l'on rit beauf, c'est cet humoriste grimé en attardé à bedaine qui dit "Jacqueline aime se prendre une bonne grosse bite" et ça fait marrer tellement qu'il a l'air attardé, sauf qu'au final c'est bien "une bonne grosse bite" qui en ressort. La contrefaçon rigolarde, ça célèbre et entérine les porcs. On ne peut que se placer par rapport à eux. Donc on meurt. On n'est plus que "une bonne grosse bite". »

Silence. Mais respect cette fois-ci, bien entendu. On est content que tout cela serve à mettre à nu le postmodernisme, on se doute que c'était le but visé. On va enfin pouvoir s'arrêter de regarder des vidéos sur internet.

(On entraînera les enfants avec nous ou ils le comprendront quand ils le comprendront ? Grande question.)

13 novembre 2015

En fait on voudrait que le musulman soit ce que

En fait on voudrait que le musulman soit ce que l'on veut qu'il soit. Quand il a une façon de gauche de n'être pas content, on s'étonne et s'écrie « eh oh, moi je croyais que quand t'es religieux t'es de droite, alors mollo, c'est bon ». Quand il a une façon de droite de n'être pas content, on s'offusque et se rengorge « eh oh, arrête t'as pas le droit d'être facho comme un français facho, t'es pas un français, y a que nous qu'on est ». En fait on voudrait que le musulman soit toujours content.

12 novembre 2015

Les intervenants sont tellement répétitifs,

Les intervenants sont tellement répétitifs, toujours tellement pareils, toujours tellement eux-mêmes, que je n'y crois pas qu'ils ne jouent pas un rôle, c'est pas possible. Par conséquent, moi aussi je vais jouer un rôle, si ce sont les coutumes du milieu. Mais allez, tiens, justement : je vais prendre le rôle de celui qui croit tellement en le fait qu'il faut se montrer soi-même (ce qui est tout le contraire de "croire en soi-même", comme on dit), en un soi-même qu'il faudrait montrer avec toutes ses failles et incohérences, qu'il transcrira à chaque fois ce que ses pensées les plus anti-discourantes ont mené. Les intervenants me semblent tellement tenir un discours, juste un discours, ce qui est bien la pire des choses à faire, que allez, tiens, ok, moi aussi je conduirai une sorte de discours de l'anti-discours, "discours" car tout sera à chaque fois pesé, prévu mais "anti-discours" car je m'efforcerai d'être en court-circuit par rapport aux structures extérieures que j'aurais tendance à reproduire inconsciemment comme tout un chacun (pas simplement "hors les lignes" comme une pose dandy, mais au contraire en plein coeur de ma ligne à moi).

Ne jamais perdre le fil de son discourt-circuit.

Publicité
Publicité
9 novembre 2015

Bien sûr, la clarté n'apparaît pas, n'apparaît

Bien sûr, la clarté n'apparaît pas, n'apparaît jamais ou quasiment, mais quand j'essaie de refaire le chemin qui m'a mené à telle phrase, là ça devient tout de suite évident pour ne pas dire cristallin et même mes tournures approximatives, contradictoires voire pire, erronées, prennent tout leur sens. Mais cela ne se dit pas. Ou plutôt, si je le dis, je vais entrer dans de nouvelles complications qui conduiront à d'autres malentendus qu'il faudra à leur tour détricoter pour trouver l'origine, or on s'éloignera de plus en plus, on n'en aura pas fini de sitôt (or, le but des gens est toujours d'en avoir fini quelque part à un moment donné : tel est la règle générale du social).

C'est entre autres pour cela (le lien n'est pas évident à première vue, mais là encore c'est une affaire de route à refaire dans le sens inverse) que le militantisme me tombe des mains. L'action concrète je conçois très bien, l'action intellectuelle il faut s'y atteler aussi, mais ce que l'on appelle "travail militant", censé être un entre-deux juste milieu intermédiaire entre la base et le sommet, ne produit bien souvent qu'une soupe molle, n'ayant ni le courage de la première ni la force de la seconde. Le militant a pourtant la prétention d'être autre chose qu'un publicitaire, il veut mener le bal d'une poigne de fer : faire renoncer les têtes brûlées aux coups d'éclat comme faire cesser de réfléchir les têtes chercheuses. Les deux sont bien trop "dangereuses". Le militantisme, c'est la culture permanente du danger. Qu'est-ce qui est en danger ? Son ordre, son règne de la parole si l'on souhaite faire grincer réellement les rouages, tous les rouages, les siens comme ceux de la "société" (comme s'ils étaient différents). Qu'est-ce qui est dangereux ? Bien plus que les faits ou les actes, ce sont les pensées qui sont les plus dangereuses, certaines pensées qui mettent en perspective trop de vues fixées, trop de grilles déjà bien installées et qui n'ont plus à démontrer leur "utilité", pour tout le monde donc même pour lui, le militant. Alors il discourt, il rapproche des positions, il nous tient au courant de qui a dit quoi. 

Il nous dit que si on dit ou fait telle chose, cela va "nous conduire" à telle autre chose. C'est à l'aune de cet avenir présumé qu'il faut juger si c'est acceptable ou non, jamais en considérant le contenu produit pour lui-même. Exemple : Le raciste est à contredire non pas parce qu'il est raciste mais parce qu'il est "dangereux" car il risque de conduire à une société raciste (comme ce n'est jamais prouvable, on ricane et on laisse dire les racistes, ce sont des opinions comme d'autres après tout). Autre exemple : Le penseur critique analytique, le génie, le vrai révolutionnaire conceptuel, n'est pas à considérer selon ce qu'il nous ouvre comme perspectives mais selon le "danger" qu'il suscite en nous éloignant des luttes primordiales (qui tombent toujours sous le sens, cela va sans dire ; bien entendu qu'on pourrait bel et bien leur trouver un sens à ces considérations élémentaires, mais même le chemin qu'il faudrait parcourir pour le retrouver, ce vrai sens, est refusé par le militant sous prétexte que ce serait de la perte de temps : la spiritualité est de la perte de temps, donc). Le militant, tout militant serait ainsi une sorte d'écolo pour qui la société de consommation-coercition ne serait pas à combattre en elle-même mais simplement pour ses risques.

Donc désolé, je peux pas.

7 novembre 2015

Il me paraissait évident que tout le monde était

Il me paraissait évident que tout le monde était pour détruire le capitalisme. Depuis tout petit, je regardais ces visages autour de moi, d'adultes ou d'enfants, qui n'étaient pas dupes, ces bras et ces jambes qui s'activaient faute de mieux dans des structures à dynamiter. Si peu de monde y parvenait, quasiment personne à vrai dire, ce n'était pas de leur faute ; l'intention était là, mais le mouvement général, les tâches énormes, insurmontables à mener étaient plus fortes que tout. C'était le déterminisme.

J'étais même indulgent avec les socialistes à cravates de la télé. Ma grand-mère me prévenait pourtant que c'était des faux jetons, mais je trouvais leur stratégie ni pire ni meilleure qu'une autre : l'essentiel était de vouloir détruire le capitalisme. C'est ce qu'ils voulaient forcément, c'était évident. Comme tous les copains autour de moi, comme tous les camarades d'école ou simples connaissances lancés dans cette grande course subtile et hypocrite où l'on faisait croire qu'on était insouciants alors qu'on savait tout, qu'on se destinait forcément à ça : détruire le capitalisme.

Mais depuis peu, depuis quelques années déjà mais je n'en reviens encore pas, je découvre que le monde m'a menti. Tous ces sourires malicieux avec qui je montais les escaliers du collège puis du lycée, sourires d'innocence malfaisante, d'espoir impertinent, prêts à détruire le capitalisme, c'était certain, renseignent désormais sur leurs réseaux professionnels qu'ils sont pour le capitalisme, ça ne semble pas les déranger d'avoir des métiers en rapport direct avec la continuation du capitalisme, c'est comme ça, ils arborent les mêmes sourires mignons qu'au temps des escaliers sauf que maintenant c'est pour dire qu'ils ont concédé au capitalisme.  

Et les encravatés des écrans en fait ils l'aiment vraiment le capitalisme, mais ça à la rigueur j'aurais pu m'en douter, ce n'est pas le plus grave dans l'histoire, eux sont nés encravatés, pas comme les miens. Les miens, j'ai vraiment cru qu'ils ne voudraient jamais se conduire comme des voitures, prendre certaines tournures, que c'était forcément trop con pour eux, pour nous, pour nos rires, pour nos shorts pourraves et blagues poétiques. Oui, toi quand tu t'esclaffais, que tu chahutais, que nos regards narquois se croisaient, tu voulais détruire le capitalisme, n'est-ce pas ? C'était forcément pour ça, non ? Pour quoi d'autre, sinon ? Hein ? 

Publicité
Publicité
Publicité