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27 février 2023

Mes premières fois – Tu sais ce qu'ils font après

Mes premières fois



– Tu sais ce qu'ils font après ?
Et voilà qu'elle se met à gigoter couchée de côté contre le matelas, comme si elle cherchait des noises au matelas, qu'elle le confrontait en duel. 

Les scènes de sexe visualisées par des enfants trop jeunes seraient apparemment perçues comme des scènes de combat, ici en tout cas c'est une joute ridicule : ma petite camarade, après m'avoir dit que j'étais son mari, provoque le matelas en duel et gigote en travers contre lui. C'est pas sur moi qu'elle devrait gigoter ? Je sais très bien qu'on ne le peut pas encore,  mais ce symbolisme fruste me... frustre (mais pas dans son sens adulte). J'aurais rêvé spectacle plus distrayant, sans forcément en appeler à une nudité prématurée. 

Il n'y a qu'une fois (mais je crois que c'était avant ce que je raconte ici, enfin je ne sais plus) où je sais pas ce qui m'avait pris mais où j'avais voulu que tout le monde se déshabille. 
Sous la couette, certes.
Mais quand même.
(« Comment ça, "certes" ? Mais c'est encore pire !
– Bien sûr que non, pour des enfants, sous la couette ça veut dire qu'on se cache juste. Qu'on va pas déployer autre chose comme scène même si on est tout nus.)

Bien plus tard (en tout cas à l'échelle de ces années), elle, mon alter-ego au sein de ma "famille" : 
– Oups, t'as vu l'endroit ?
Il fallait faire vite fait pour se déshabiller sous les draps dans la tente (on campait) et à un moment un bout de peau, correspondant anatomiquement à l'endroit de son sexe, avait surgi sous mes yeux. Oui, j'avais vu l'endroit. Mais ça ne m'avait rien appris. D'ici, la fente paraissait toute plate.
Or, je savais qu'elle n'était pas plate.
Je le savais depuis que, sans culotte ("ah oui t'as vu elle a pas d'culotte, rholala" : je n'étais pas le seul à l'avoir remarqué), Juliette faisait quand même tous les mouvements prescrits par le jeu de la corde à sauter. J'avais regardé alors vraiment comment ça s'irrisait, se gonflait à l'intérieur. Là, oui, c'était décontenançant. Je crois que là c'est la première fois où j'ai vu à quoi ça ressemblait. Je n'ai jamais perçu ça comme une "fente", c'était bien plutôt une gorge, un système matériellement complexe. "Fente", ça fait petite ouverture métallique. Or, cela ressemblait plutôt à une sorte de mini-gouffre insaisissable, toujours différent, jamais exactement le même, suivant l'angle selon laquel il t'apparaissait. 
Cela n'est guère arrivé souvent, qu'il m'apparût.
(Si ça peut vous rassurer.)

 

La principale fois où on me le montra juste pour me le montrer, on était dans le noir d'un spectacle (salle éteinte), dans le public censé resté silencieux. 
Elle me tapote le bras, façon "hé, viens voir" ou "hé, écoute". 
Je tends l'oreille, mais c'est bien l'œil qu'elle demande. 
(Neuf ou dix ans, on avait tous les deux.)
D'abord elle soulève sa jupe.
Oui, bon, une culotte.
"Euh, il y a le spectacle, là, tu veux pas plutôt...?".
Puis soulève sa culotte, me montre le mini-gouffre et en rajoute en l'écartant tout en me faisant une moue insolente (elle me tire la langue).
"Dégueulasse !", s'exclame notre voisine de derrière qui a tout vu.
Je retiendrai autant ce "dégueulasse" que ce que j'ai vu, comme j'avais retenu le "t'as vu l'endroit ?". 
Je ne trouve pas cet endroit dégueulasse, ni le fait de me le montrer avec outrance tout en rigolant. Il ne m'était rien demandé de plus : de rigoler. Hé bien oui, c'est drôle, un mini-gouffre. C'est beau, même. Étrange, certes, mais beau. (Ce qui est intrigant s'avère toujours être, immanquablement, beau.) 
Elle m'aimait bien, voilà tout.


Plus tard, les démonstrations d'amour se traduiront par, en vrac : 

– Un blotissement le long de mon dos alors que nos situations respectives nous l'auraient interdit (première fois que je me rends compte du potentiel explosif de la peau, de la simple peau d'une Elle contre moi, contre la mienne de peau).

– Un boob-pic (et, il me semble, un pussy-pic) envoyé sans que je n'en ressente l'attente. À partir de là, non, ça allait trop loin, je ne savais plus si j'aimais ça, si je voulais tant que ça ne pas rester puceau. À la gare, la même (tout entière, non découpée, non pixellisée) m'arrache presque la peau près des lèvres (celles de la bouche, me concernant, car je n'ai que celles-ci). 
Je n'ai pas envie de faire tout ce que l'on va être amenés à faire. 
Je découvre que je ne ressens rien au bout du gland, que si ça se trouve, 50 ou 40 ou 30% des mecs ne ressentent rien au bout du gland mais ne le disent pas par crainte de voir leur cote de masculinité baisser. Du coup je fais semblant d'éprouver le plaisir d'une fellation, avec une personne pour qui je ne ressens aucune attirance. 

Oui.
Tout cela a donc très mal commencé. 
Même le goût du savon.
Comme souvent dans ces cas-là, tout va être occasion de dégoût : là je finis par m'apercevoir que ce n'est pas sa chatte qui a ce goût (bien que, de fait, si, aussi), mais que c'est son savon.
Trop pour moi. (Ça devait être "lavande", je déteste "lavande".)
Je dirai devant le juge des amours volontaires et émancipateurs : "c'est elle qui s'est jetée sur moi, après je n'ai rien pu faire !". Elle avait une façon de me garder dans son antre que je ne m'explique pas aujourd'hui. 
Parmi les gens avec qui j'en ai parlé, parfois plus de dix ans plus tard, deux camps : "si tu as pris ça pour une agression, c'est qu'elle t'a agressé", "on est prêt à se nier à ces âges-là, tu voulais juste te nier, te dire que l'étape était passée, voilà".
Elle passa mais avec du temps, car la mononucléose en fut la cerise sur le gâteau. Mon immunité s'en souviendra à tout jamais. (Ça a son côté émouvant.)



Bon, en fait, finalement, qu'est-ce qu'on voit, qu'est-ce qu'on sait de ces choses au final ? (Si l'on excepte bien sûr le "porn" qui nous fait croire qu'on voit tout : on verra peut-être tout, mais pas avec les vrais yeux de notre peau.)
Cela fait aujourd'hui, à l'instant où j'écris, plus de cinq ans que je ne l'ai pas fait (le sexe).
À peu près autant (un peu moins) qu'entre le moment où j'ai vraiment commencé à avoir envie de le faire et le moment où je l'ai "fait" pour la première fois. Mais, comme je l'ai raconté, ce fut un faux "moment". Il ne comptait pas. 
Ce qui a compté, c'est quand elle (une autre, un an plus tard) m'a pris la main et que j'ai pu parcourir la sienne avec mes lèvres. Ça, OK, ça compte. 
Ce qui a compté, c'est quand je lui faisais (à Elle, pas la même) tellement de caresses sur le bras qu'au bout d'un moment c'est son pouls, le pouls de son cou qui a parlé pour elle. On a tout fait ensemble ensuite. On était de vrais corps, de vraies peaux. Ça a duré longtemps. 


Depuis, rien.
Ah si, juste une fois : on m'a taquiné, palpé, pour vérifier que je n'étais pas "pas un mec" et pour savoir combien de temps je tenais sous hypoglycémie avec une fille me faisant ce genre de choses-là.
On n'est pas allés bien loin de toutes façons, je ne pouvais pas et elle ne le voulait pas.
J'ai fini par pouvoir me relever, affamé mais d'autre chose que de peau d'elle.
Mais on s'est quand même fait quelques câlins. Je lui ai massé le dos. Elle aimait bien mes doigts, le mouvement de mes doigts sur son dos, leur "timidité" autant que leur "douceur", je crois. 
Arpenter une peau est de toutes façons, me semble-t-il, la seule chose valant pleinement la peine ici-bas, non ?
Rien d'autre ne s'est passé depuis, pourtant. C'était maintenant il y a plus de deux ans. 
Je ne sais plus si tout ce que je viens de raconter peut encore exister. 
Personne n'en parle à part ici.

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21 février 2023

Tes fesses.J’aimerais dire juste tes

Tes fesses.
J’aimerais dire juste tes fesses.
Voilà, tes fesses, le livre est fini.
Ça devrait être juste ça, le livre.
Tes fesses.

Car je trouve que le dire juste comme ça, par ces deux simples mots, « tes fesses », c’est ce qui sonne le mieux.
Ça me fait quelque chose au cerveau, ça me fait quelque chose au cœur, ça me fait quelque chose dans tout le corps, ça claque (sans mauvais jeu de mot) de juste dire « tes fesses ».

Tout ce qu’on pourrait ajouter serait de trop, quand bien même cela partirait d’une bonne volonté.
« Tes fesses sont, gnagnagna », non, pas envie de lire ça, « je souhaite que tes fesses, blablabla, j’apprécie tes fesses », non, qui peut avoir envie d’écrire ça ? Tout de suite, quand on rajoute des mots, ça sonne faux.
Quand on rajoute des mots à tes fesses. À « tes fesses », point.

Juste tes fesses.
Juste dire tes fesses.
Tes fesses.

Pourrait-on s’aventurer dans une description ?
Hé bien non, pas davantage, car il n’est pas question ici de faire comprendre quoi que ce soit à qui que ce soit, simplement de faire saisir la secousse émotionnelle et sensitive que l’on perçoit parfaitement par le simple syntagme « tes fesses », sans prédicat.
Je suis sûr que tout le monde saisit tout ce que ça implique rien qu’en prononçant tout haut, ou en chuchotant tout bas, « tes fesses ».
Allez-y : « tes fesses ».
« Tes fesses »…

Voilà, je suis sûr que vous avez compris, il n’y a rien besoin d’autre, tout est dit.

Si je me mettais à imaginer des détails, à plaquer des attributs, même prétendant s’approcher d’un certain « réel », ça casserait tout.
Rien que le mot « réel » ne va pas, ne peut pas aller avec « tes fesses ».
Car c’est juste tes fesses. « Elles » n’ont rien à prouver à la réalité, « elles » sont là et… point, elles sont là. Tes fesses. Même lorsque je ne parle d’aucune en particulier – en fait c’est comme vous voulez ; vous verrez que ce livre est surtout pour vous, moi je ne voudrais pas l’écrire, du moins rien écrire d’autre que « tes fesses ».

Je le dis encore : tes fesses.
Je ne me lasserai jamais de le dire : tes fesses.
On pourra bien me demander des précisions quant à…, je répondrai juste « tes fesses » car ça veut tout dire, on dit tout, en disant ça.
Tes fesses.
Répétez encore au cas où vous ne compreniez pas le choc que ça peut vous faire dès que vous y pensez vraiment, que vous faites glisser lentement les phonèmes sur vos lèvres (simplement les phonèmes, pour l’instant) : « tes fesses ».

Le livre devrait déjà s’être arrêté depuis longtemps.

Dites-moi si je suis le seul à être à ce point troublé par simplement « tes fesses ».
Je pourrais dérouler des anecdotes, mais ça serait moins fort. Ça serait moins fort que juste « tes fesses ».

Première anecdote, éventuellement : la fois où je marchais derrière elle et où ça faisait tellement longtemps que je l’avais pas vue que je l’ai reconnue par ses fesses.
Après coup, j’avais sans cesse cette phrase en tête : « je l’ai reconnue par ses fesses », « je l’ai reconnue par ses fesses ».
Mais on pouvait croire que tout le reste ne me faisait rien, alors qu’au contraire, c’était peut-être bien le verbe « reconnue » qui était central là-dedans ; j’étais heureux de la revoir, je ne m’y attendais pas, on a un peu parlé, elle m’a souri, elle semblait heureuse elle aussi. Simplement, il se trouve qu’au départ je l’ai vue de dos, qu’elle avait changé de coupe et que j’ai été sûr que c’était elle grâce à ses fesses.
Et que je trouvais que ça méritait d’en être ému ou amusé, donc de se chanter, ensuite, tralala, dans la rue, « je l’ai reconnue par ses fesses ».
Mais c’est une ritournelle, on l’oublie vite, elle aurait pu ne pas avoir la force qu’elle a eu (il aurait suffi d’une humeur différente, d’un regard modifiant sa direction d’à peine quelques centimètres…).
Ça n’a pas eu la force de tes fesses, je le dis pleinement.
C’était juste pour l’anecdote, ça ne joue pas au même niveau.
Rien à voir avec tes fesses, avec « tes fesses », avec le fait de dire, paf, d’un coup, « tes fesses ».
Je suis sûr que vous comprenez.
Fin de la première anecdote.

Deuxième anecdote, à la rigueur :
Cela faisait bien huit ans qu’on était ensemble donc elle s’en doutait depuis longtemps, surtout que je l’avais déjà écrit une fois mais bref, c’est toujours plus difficile de le développer « par oral », je devais être un peu dans les vapes pour que ça me sorte comme ça sur l’oreiller (c’était peut-être même avant de dormir et non pas avant de…), je lui ai dit quelque chose comme, en substance, « tu sais qu’il suffit que… enfin comme plein de garçons, sûrement, bien que parfois je me demande si j’en suis bien un mais… pour ça, en revanche, je t’assure qu’il suffit qu’il y ait tes fesses, là, et que… », je voyais pas ce qu’il y avait d’étonnant à ça, mais elle me reprend tout de suite en disant « ah oui ? simplement juste de voir mes fesses, comme ça ?… », et là elle me montre ses fesses, et… pendant longtemps, qu’est-ce que vous voulez que des fesses fassent pendant longtemps comme ça, elle… comme si elle commençait une sorte de danse mais c’était pour rire, faut bien meubler quand on fait que montrer ses fesses, je peux comprendre, et donc oui, j’étais obligé d’avouer que ça me…, « hé bien oui, voilà, il y a juste tes fesses là devant moi et oui, déjà, je… ça suffit pour… », ça l’amusait et ça m’amusait aussi de voir que ça l’amusait, qu’elle semblait le découvrir, comme si je lui avais révélé un profond secret, alors que quand même, depuis le temps, elle devait bien s’en douter, que ses fesses, quand même…
Voilà, ça se décrit, ça se raconte, ça fait sans doute quelque chose, ça peut faire écho, mais je trouve qu’on entre alors dans un autre type d’intimité ; il faudrait tout décrire, tout ce dont les deux êtres en question ont pu disposer en terme de personnalités, vécus, façons d’être, d’être mus, d’être émus… Le grand bazar habituel…
…Qui peut être très beau, je n’en disconviens pas, mais qui n’a pas la force de, juste, « tes fesses ».
Vous trouvez pas ?
Si vous trouvez pas, argumentez ci-dessous ou sur papier libre à l’adresse de l’éditeur.
Fin de la seconde anecdote.

Troisième anecdote, tant qu’à faire :
On vient de sortir du resto, ils discutent tous les deux, ils se connaissent depuis plus longtemps que je ne la connais et dans quelques années ce sera lui qui sera avec elle, tant mieux pour elle, ce n’est pas le sujet, simplement je me souviens qu’il s’était mis, ce jour-là, à lui confier un peu grotesquement qu’il ne pouvait pas s’empêcher de « regarder les fesses » des filles ou « leur fessier », je ne sais plus comment il disait (preuve que cela ne peut pas avoir autant d’efficacité émotionnelle que « tes fesses »), et voilà qu’ils plaisantaient là-dessus, plaisanteries éculées, vues et revues, archi-rebattues, et je me demandais ce qu’il leur prenait, ce qui lui prenait surtout à elle, qu’est-ce qu’il y avait donc dans l’évocation banale de ces « fesses » ce jour-là, durant cette discussion post-dînatoire en équilibre sur un trottoir à deux pas de son vélo à lui qu’il s’apprêtait à réenfourcher, qu’est-ce qu’il y avait pour que sa façon à lui de parler banalement des « fesses » qu’il regardait puisse apparaître à ses yeux à elle d’un quelconque intérêt humoristique ou même anecdotique, malgré leur complicité à tous les deux, qui ne m’avait jamais semblé reposer sur ce genre de choses. Je ne crois pas que ce soit ces fesses-là, les « fesses » en question de ce jour-là, qui annoncèrent quoi que ce soit entre eux. Je ne le crois pas. C’est juste histoire de dire qu’on ne peut pas mettre sur le même plan un « j’aime regarder les fesses… » même mentionné de façon impromptue à une amie de longue date que l’on va finir par séduire quelques années plus tard aux dépends de l’auteur, qu’on ne peut pas mettre ces « fesses » (s’il s’agit bien de fesses et pas de fantômes de fesses, purement déclaratives ou déclamatoires et donc abstraites) au même niveau que « tes fesses », que juste « tes fesses ».
Je crois qu’il n’y a pas besoin de pousser la démonstration plus loin, je n’aurais d’ailleurs jamais reparlé de cette histoire s’il ne s’agissait pas de prouver par l’absurde à quel point rien ne justifie que l’on puisse dire autre chose, pour vraiment secouer l’émotion et tout le reste, que « tes fesses ». Je ne veux plus que savoir que ça, que « tes fesses ».
Fin de la troisième anecdote.

Je… je tiens à préciser ou à repréciser que depuis le début je ne parle pas de fesses en particulier, du moins j’essaie (car ça pourrait être le cas, pourquoi pas, mais ce n’est pas le sujet), je parle juste de « tes fesses », du fait de dire « tes fesses ».
Ainsi je me dis que possiblement chacune et chacun pourra s’y reconnaître, reconnaître que ces deux mots peuvent claquer (avec possible jeu de mots, cette fois-ci) tant en image sonore qu’en parole symbolique, paf, je parle du fait de ressentir à coup sûr quelque chose lorsqu’on dit juste « tes fesses ».

Croyez bien que je n’ai aucune envie d’écrire quelque chose sur mon rapport aux fesses de qui que ce soit, que je pense la plupart du temps à d’autres choses qu’à « tes fesses », mais que je me devais de reconnaître, cela faisant partie de la liste des faits à reconnaître voire même à célébrer, que les deux simples mots « tes fesses » me font quelque chose, indépendamment du contexte.
Le contexte, comme je viens déjà suffisamment de le prouver, c’est ce qui fait tout s’évanouir dans le commun. Je n’avais aucune envie d’écrire tout ce que je viens d’écrire précédemment, croyez bien que je me serais simplement contenté, comme précisé au tout début, de simplement « tes fesses ».
Mais je me dis que vous seriez du genre à ne pas comprendre pourquoi je m’arrêterais là, et surtout pourquoi acquérir ou même lire un livre qui ne ferait apparaître comme seuls caractères à déchiffrer que « tes fesses ».
Du coup il faut bien que j’explique, mais si ce n’était que moi, si j’avais pu décider de tout, je n’aurais pas écrit autre chose que « tes fesses ».
(Voyez comme le langage est piégeux : j’allais écrire « je ne serais pas allé plus loin que tes fesses », malheureuse formulation qui, en plus de sembler être drôle là où l’on ne souhaite pas l’être – au sujet de « fesses » en particulier –, donnerait l’impression d’une sorte d’arrêt nécessaire d’un parcours, alors que l’on ne s’élance vers rien en disant « tes fesses », tout est déjà contenu en soi dans la proposition, rien n’est caché, rien ne suit.)

Croyez bien que je n’ai aucune envie de continuer à écrire autre chose que « tes fesses ».
Croyez bien que j’espère avoir fini par vous convaincre de la nécessité, de la beauté pure qu’il y a à simplement, en toute acceptation, sans mauvaise conscience aucune, apprécier le doux choc que constitue « tes fesses », le fait de dire, de lire, d’entendre « tes fesses ».
Tes fesses.
Je n’irai pas plus loin.

……

…Mais je veux bien revenir pour préciser que l’essentiel est d’avoir en tête que je ne voulais surtout pas écrire ce que je viens d’écrire, et que d’ailleurs personne ne peut avoir envie d’écrire ou de lire ça, des évocations de ce type (je parle des anecdotes, qui n’ont pu s’inviter ici que pour servir de contre-exemples).

C’est cela que j’aimerais faire « passer », comme on dit, que j’aimerais faire comprendre : il faudrait qu’il n’y ait que « tes fesses », point. Et ça me semble faisable, il faut y tendre.

À partir de là, j’admets que vous pouviez mettre un certain contenu derrière « tes fesses » – éventuellement les « fesses » que vous aimez, dont vous rêvez, que vous attendez, bref celles auxquelles vous aimez penser. Mais ça ne doit pas venir faire écran à la simplicité du mantra : « tes fesses », point. « Tes fesses » pour se tourner loin du passé – pas forcément loin de « fesses » et vers d’autres « fesses » mais comme vous voulez, je tolère, l’essentiel étant de passer outre le passé.
Pour le dire très basiquement :
Le passé : pas bien.
Le futur : « tes fesses ».
Ou pour être plus clair, car je ne sais pas si c’est suffisamment parlant (vous voyez, je fais des efforts) :
Ce qui n’est pas bien : le passé.
Ce qui est un futur très bien : « tes fesses ».

Mettez ce que vous voulez derrière ce futur, qu’il soit fait de « vraies » fesses ou non, mais essayez de vous imaginer la sensation que cela vous ferait éprouver s’il pouvait se résumer à « tes fesses », s’il pouvait tout entier être contenu (là : pas le droit au jeu de mots, on est dans le plus sérieux) dans « tes fesses », point.
Le futur : « tes fesses ». Fini le passé, avec « tes fesses ».

Y’aurait-il d’autres techniques, d’autres pensées possibles ?
Éventuellement, mais prenez conscience de la douceur qu’il y a à prononcer « tes fesses » en l’envisageant comme le son d’un avenir, la musique phonématique d’un futur.
À l’avenir : « tes fesses ».
À l’avenir, il y aura « tes fesses » et point.

Bien sûr, rien ne peut être réduit simplement à « tes fesses », on sait bien que c’est plus compliqué. Mais on essaie de se le dire, simplement le temps d’un instant précieux que l’on s’accorde. On a bien le droit, on sait qu’on ne pense pas à mal.
On dit juste « tes fesses ».
Essayez.


Tes fesses.

Je vous remercie.

(C’est surtout pour vous.)

2 février 2023

Le temps-zéro en février 2023Les "abandonniques"

Le temps-zéro en février 2023

Les "abandonniques" – mot que j'ai lu pour la première fois sous la plume de Frantz Fanon – , m'apparaissons comme des êtres foncièrement accrochés au réel (peut-être trop ?). Généralement, il n'y a pas plus acceptants de la mort que nous, souvent parce qu'on l'a vécu (et que c'est cela qui expliquerait, selon certaines théories, notre statut d'abandonnique). Toutes sortes de morts, de pertes, d'absences, semble-t-il, mais relevant toujours foncièrement d'une interprétation en terme de mort réelle, de séparation irrémédiable. Quand on voit, qu'on sait pourquoi c'est irrémédiable, il me semble qu'il n'y a pas plus rationnel que nous, j'en connais qui... Je ne crois pas que c'est ce déni d'une non-acceptation à ce sujet qui créerait, par déplacement ou "projection", la peur de l'abandon d'un vivant, d'une individualité continuant à faire sens dans notre monde. À moins de se situer psychiquement hors de celui-ci (et ça peut exister, et ça doit être une sacrée épreuve quotidienne), nous restons perpétuellement ancrés dans le monde tel qu'il existe, tel qu'il a existé un jour tellement fort pour nous qu'on a bien conscience que dans les données telles qu'elles sont présentes – l'individualité qui nous manque étant bel et bien encore vivante –, il existera toujours, ce monde. Et cette individualité. C'est très concret, il n'y a rien de plus concret, on ne rêve pas à l'édification de figures irréelles, on ne fait toujours que penser, au-delà de tout ce qui pourrait relever du "sentiment" ou de l'émotion passagère, au monde réel.

Est-il possible qu'un être, toujours vivant aux dernières nouvelles, ou plusieurs êtres éventuellement, plusieurs individualités (même si chacune de façon différente, avec sa propre couleur), nous manque(nt) durant toute une vie, que l'on ne puisse jamais dépasser ce temps-là, ce monde-là ? Cela me semble possible, puisque tout cela est bien réel. Nous ne rêvons pas, nous visons* une personne, une voix. Qui a existé, qui existe. Elle seule a ce timbre. On n'utilisera pas l'imparfait puisqu'on sait qu'elle est toujours de ce monde et qu'il ne s'agit pas de faire perdurer une chimère, un fantôme. Il y a quelqu'un, souvent une seule personne par devant tout mais possiblement plusieurs autres personnes par derrière, reliées directement ou non à la première personne, qui sont encore vivantes et qui nous manqueront toute notre vie.
Cela est un fait à prendre en compte et nous ne voyons pas ce qu'il y aurait à rajouter à cela, à interpréter, à dénier. On ne voit pas contre quoi il faudrait se révolter, même quand il nous arrive de pleurer à ce sujet.

Il ne faut pas croire que parce que le temps est zéro, il n'avancerait jamais. Il se fait, jour après jour, de plus en plus concret. Nous savons que nous ne pensons qu'à un monde réel. Que ce sont celles et ceux qui préfèrent les figures qui bougent vite hors de leur vue (par "peur de l'attachement", sorte de syndrome opposé au nôtre), qui ne sont pas assez ancrés dans ce monde. Nous, on y a bien les deux pieds. 

*j'avais écrit, au départ, "nous vivons" : il n'y a pas plus rassurant comme lapsus, nous sommes bien de cette vie. 

 

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