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18 juillet 2021

Au début je croyais que mon anarchisme était un

Au début je croyais que mon anarchisme était un centrisme. Le vrai centrisme. Celui entre l'individu et le collectif : le vrai, le seul vrai – la droite faisant croire qu'elle préserve les deux à sa manière (la liberté individuelle d'agir du riche, la propension à enrôler le pauvre dans son ordre collectif), la gauche oubliant trop souvent d'étendre l'éventail des possibilités des aux-noms-de-quoi chacun idiosyncrasiquement empruntera le chemin d'une cause plus grande que lui. 
C'était le juste milieu, le vrai juste milieu.

En fait, c'était encore trop se définir par rapport aux deux bouts : si c'est le centrisme qui fait croire aux extrêmes, c'est parce que ce sont bien ces extrêmes, leurs contenus respectifs qui créent l'existence d'un centrisme ayant à se définir en rapport, uniquement en rapport, par rapport, sans que l'on parvienne à définir précisément son contenu substantiel. Si je m'étais mis à croire que j'étais au milieu de tout, c'est parce que ce tout environnant était arrivé à me faire croire qu'il était la seule réalité possible, que l'on ne pouvait prendre le monde que par ces biais. Erreur éternelle.

(Par exemple : la croyance selon laquelle libertaires, antiracistes ou féministes, avec leurs histoires de prison, de police, de patriarcat feraient preuve d'un esprit analytique, très doués pour se pencher sur des questions spécifiques mais incapables de penser synthétiquement la totalité capitaliste dans sa logique de rapport social global à considérer prioritairement. Bref, croyance en l'innocence et l'évidence de la segmentation du monde, découpé tel un puzzle. En affirmant être le garant de la pensée de la totalité, on oublie que c'est en la tranchant préalablement que l'on peut se coiffer ensuite de la couronne de la dernière analyse, du dernier mot. Et on la tranche selon son bon vouloir. On passe son temps à diviser, quand l'on souhaite ainsi rassembler. Ceux qui ne divisent jamais, c'est ceux qui sont tout entiers plongés dans des mondes de vérité considérés en tant que tels, comme ce qu'ils sont phénoménalement lorsqu'on les vit : des fins en soi ; les mondes concrets de la violence qui existent tous autant qu'ils sont, qui ne connaissent pas les causes premières ou les fins dernières, le social ni le sociétal ; bref, là où ça se passe pour les humains, tous les humains d'un monde donné, le seul monde qui soit, le seul vrai.)

De la même façon : mon incapacité à trancher entre quête anxieuse d'ordre explicatif et quête anxieuse de justesse de rythme, entre la pensée (ou le discours) et l'art (ou le langage), n'était-ce pas une pure vue de l'esprit centriste, beaucoup trop dupe de ce qui l'encerclait autoritairement ? Il y avait des vérités bonnes en elles-mêmes à faire apparaître, indépendamment de leur appartenance conventionnelle, presque administrative, à tel ou tel champ constitué. Tout risquait de me dégoûter et je risquais de les dégoûter tous, mais peut-être que ça en valait le prix (à défaut de la peine, car rien ne justifie d'être aussi fatigué ; comment les autres peuvent-ils se souvenir qu'ils m'ont un jour croisé alors que j'avais eu dès le lendemain un refus farouche et fiévreux d'avoir été ce que j'avais été ce jour-là ?) : le prix d'avoir trouvé ce qu'il y avait précisément à faire ressortir de ma compréhension en cet instant.

De la même manière : suis-je trop attaché ou trop détaché ? « En fait tu n'es pas un vrai solitaire, m'a t-elle dit ; tu sais que j'ai déjà fait une retraite monacale sans parler ? ». À voir ce dont je serais capable ou pas, à voir, à voir... J'enrage de voir toujours l'Autre s'échapper alors que je n'ai fait que chercher sa présence à mes côtés. Ensuite, pour ce qui est d'être au clair sur ce que j'attends de cette présence, il n'y a qu'un pas, encore difficile à franchir. Cette présence peut être beaucoup de choses, tout comme elle ne peut pas en être certaines autres. Mais il faut en tout cas qu'elle soit là, que je sois sûr qu'elle soit là et bien là, car il n'y a que ça, dans la vie. Il n'y a que ça pour vivre pleinement, sinon on ne tient à rien. Même pas au centre.

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