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Définitivement

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Définitivement
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31 mai 2020

Faire savoir la vérité relève sans aucun doute

Faire savoir la vérité relève sans aucun doute d'une pulsion sadique. Ce n'est pas nécessairement se sentir supérieur en soi (en tout et pour tout), ni forcément prendre sa revanche en tant qu'inférieur (on ne se regarde pas ainsi de haut), c'est une pure action qui se vit dans le moment : c'est dire ce qu'on a trouvé, montrer ce qu'on sait. 
Le sage a alors raison de désapprouver : est-ce vraiment ce dont a besoin l'autre ? Qu'en fera t-il ? Il faudrait plutôt lui confier nos intuitions (qui reviennent souvent au même), sans dévoiler par où l'on est passé. 
Le sage conclura alors : autant ne passer nulle part, tout est déjà là, tâchons d'y être réceptif. Mais c'est alors lui qui cède trop facilement à ses penchants pour la fin en tant que fin, à atteindre d'emblée. Or, l'essentiel est dans le chemin. Là où le sage aura toujours tort, c'est dans sa conception de l'aboutissement : il sait vers où il veut aller. Personnellement, je ne le sais pas.
La science cherche la plupart du temps à se faire croire qu'elle le sait (le fameux théâtre méthodologique où elle se donne fière allure) ; la preuve qu'elle ne le sait pas, c'est le plaisir sadique qu'elle prend à trouver, à montrer qu'elle a trouvé. Et le public en redemande. Ce qu'il demande, ce n'est non pas qu'on lui trouve (qu'en saurait-il, ce qu'il faut trouver ?), c'est qu'on lui montre.
Le sage souhaite au contraire ne rien montrer, ou tout du moins montrer qu'il n'a rien à montrer, rien à prouver. Mais à trop s'arrêter à ses souhaits (il fait une éthique de ses souhaits, le zigoto), il manquera ce qui fait tout le sel des étapes. Il croira être tout fier de ne rien avoir besoin de trouver, alors qu'il aura au contraire trop trouvé pour se demander même une seule seconde s'il n'y avait pas autre chose à chercher. 

Personne n’aime être tout seul dans sa vérité, ni le scientifique ni le sage. Il faut toujours qu’ils l'imputent aux objets qu'ils construisent. Comme par hasard, les choses de la science se prêteront à elle, épouseront ses formes ; comme par hasard, les choses de la sagesse rejoindront les visées préalables du sage. 
Espérons tout de même qu'ils auront passé un bon moment (sans que l'obsession ne gâche la passion).

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23 mai 2020

Rien ne m'angoisse tant que la pensée d'une

Rien ne m'angoisse tant que la pensée d'une séance chez un psy. Son attente, mon devoir de sens et de sincérité. Je préférerais braver toutes mes autres peurs, habiter au 7ème étage et devoir ouvrir ou fermer la fenêtre, développer séance tenante un discours théorique suffisamment construit sur un sujet encore inconnu quelques secondes avant mais aux enjeux brûlants, affronter le vent sans écharpe... Tout plutôt que le regard posé sur moi d'un praticien de l'âme. Il faut donc remédier à un tel blocage : prendre rendez-vous chez un psy afin de soigner mon anxiété à aller voir un psy. Mais ce psy, devrai-je donc me tenir face à lui aussi ? (Ou dans son dos, mais c'est kif-kif.) Vais-je réellement devoir lui exposer mes intenses réticences à la psy' ? Je ne crains rien autant que ce moment. Je préférerais que l'on me lance d'une poussée sèche le long du descente en ski, que l'on me fasse chanter en public cette mélopée contre laquelle ma voix de tête bute et se perd, que l'on m'oblige à tenir sur un vélo tant que je n'ai pas trouvé la stabilité requise. Tout plutôt qu'avouer dans le détail le malaise que je ressens à me confesser auprès d'un psy. Ce n'est pas très glorieux, je sais. Il faut remédier à cela. Seule solution : un psy spécialisé dans les gens qui rechignent à aller voir le psy qui leur permettrait de prendre conscience de leur problème avec le fait d'aller voir un psy. Cherché dans l'annuaire, trouvé. Numéro composé, mais vite raccroché (de mon côté ; du sien, pas eu le temps de quoi que ce soit). Car rien n'est aussi effrayant pour moi que ce tableau-là. Un obstacle insurmontable. Tout plutôt que ça. Plutôt un bain de lombrics, plutôt dix ans sans amour, plutôt dix ans de salariat, plutôt réparer un lave-linge que mettre les pieds chez quelqu'un qui attendrait de moi que je lui parle de mon trouble profondément ancré, de ma quasi-phobie (possiblement avérée, mais je ne le saurai jamais), de ma panique ultra-circonscrite, ne portant que sur une seule action (mais quelle action décisive !) : celle qui consisterait (j'en tremble rien qu'en l'écrivant) à aller raconter ce qui caractérise mon refus buté de consulter un psy compétent concernant la pathologie se manifestant par le symptôme unique d'effroi envers l'idée de parler à un psy formé aux questions de terreur envers le fait possible de devoir, plutôt que n'importe quoi d'autre dans la vie (même le mal de mer, même un moniteur autoritaire de nage), aller dire des mots à un psy. 

Mais il faudra régler ça, c'est sûr. Peut-être qu'un psy...

15 mai 2020

On ne pouvait que réagir ainsi. C'est à chaque

On ne pouvait que réagir ainsi. C'est à chaque fois à cause de lui. Il est fait pour qu'on l'aime et qu'on soit si affecté par sa capacité à ne pas nous en vouloir même quand il ne comprend pas ce qu'on lui fait.
Mon organisme s'est définitivement chamboulé à partir du moment où l'on devait lui faire des perfusions – à lui, pas à mon organisme (pas pour l'instant). Son regard, son refus, son feulement, c'était trop d'incompréhension. Impossible pour moi de le voir si incompréhensif : comment un être qui l'aime pourrait lui faire ça ? Allait-il, après ça, pouvoir continuer à nous aimer ? Le fait est que oui et que c'est sans doute ça le plus bouleversant : ce genre d'être passe outre, revient de l'incompréhension, tandis que nous en sommes incapables. Ils ont cherché à me faire un truc bizarre ? Qu'importe, je les aime ! Je ne crois pas qu'il sache, dans l'action, qu'on l'aurait fait "pour son bien" ; il sait juste, hors de l'action, durant tout le reste qui n'est pas cette incompréhensible action, qu'on l'aime et c'est ça qui importe, qui emporte tout. 
À partir de là, il est évident que ce genre d'être est le plus aimable qui soit, que c'est son bouleversement à lui qui va nous bouleverser le plus. Ce genre d'être est celui qui est le plus fait au monde pour être aimable, indépendamment de tout ce qu'on pense des autres (et ce n'est pas de leur faute, de toutes façons).
Trois ans de bonus à nos côtés, à ses côtés, ça valait le coup, il a assuré. On n'aura pas vu la différence avec avant. Trois ans après les tentatives de perfusions, il a malgré tout usé la corde et même si c'est compréhensible cela restera incompréhensible : gradation du bouleversement de mon organisme lorsque je dois attendre la mort avec lui tandis qu'il ne le sait pas. "Pour son bien" ? Là encore je n'en sais rien, pas sûr (peut-être encore un peu vivre en un sursaut certes précaire et provisoire mais toujours bon à prendre, non ? non ? non.), mais là encore, tout ce dont je suis sûr c'est que jusqu'au bout il nous aimait et qu'à partir de là ça ne peut être que lui qui soit le genre d'être le plus aimable et qui par conséquent bouleverse à tout jamais mon organisme.
C'est forcément lui qui devait causer tout ça, il n'y a que lui pour. Le plus aimable. Le seul fait pour être aimable, fait pour ça au sens où nos ancêtres ainsi que les siens l'ont voulu, donc ont voulu aussi être bouleversés à ce point (en tout cas de notre côté). Les autres, à savoir les gens, ce n'est pas parce qu'ils sont aimables qu'on les aime, c'est même parfois pour tout l'inverse. Ils ne nous pardonnent rien, ont leurs visières qui les empêchent de trop aimer, ce qui ainsi est réciproque. Ils choquent, je dis pas, mais ça fera pas le même effet.
Oui, vraiment l'impression que c'est à cause de lui, car seul lui peut. 

5 mai 2020

La phrase que je n'ai jamais écrite “La preuve,

La phrase que je n'ai jamais écrite

 

“La preuve, un vigile est encore plus con qu'un flic !”. J'ai décidé de ne jamais écrire cette phrase et c'est ce jour, le jour de cette décision, que ma vie a basculé. 

Avant même cela, avant même d'avoir l'idée d'écrire cette phrase, elle (pas la phrase mais une humaine avec qui je vivais) m'avait foutu le doute : “mais es-tu bien sûr de connaître les tenants et les aboutissants du problème dont tu discutes ?”. Car comme toujours, le débat en ligne provoquait chez moi tension et angoisse. Impossible de savoir si l'autre n'allait pas, d'une minute à l'autre, ruiner définitivement notre estime de soi. Contrairement aux regards et mimiques perçus de vive chair, les mots surgissent toujours lorsqu'on s'y attend le moins.

(Cela m'était arrivé quelques années plus tôt et j'en porte encore aujourd'hui les séquelles. La majeure partie de mes malaises avec mon moi comme avec les autres trouve son origine dans l'ambiance de ce forum où c'était devenu une habitude de me traiter de "con". Je ne sais plus vraiment qui je suis depuis ce jour, je ne vis qu'à côté de ma personne. Réside sans cesse la possibilité – effrayante car sans possibilité d'anticipation – d'être un "con".)

J'étais tombé sur l'un des rares défenseurs contemporains du libéralisme. Sa pensée symétrique répondait à la mienne : la preuve que le marché était pire que l'État (qui n'était déjà pas la panacée), c'était qu'un vigile était encore plus con qu'un flic. Cette phrase, je ne l'ai jamais écrite. Elle avait pourtant un certain sens, mais tellement qu'elle n'en avait aucun, car tout son sens bouchait tout le reste du sens qu'il y a dans le monde réel. J'avais compris de quoi relevait ma déconnexion.

(J'avais écrit le brouillon manuscrit de mon texte dans un carnet de dessins. L'année dernière, alors que je devais montrer ce carnet à un artiste dans un but qui l'était aussi – artistique –, je choisis de détacher ces pages. Car au final je ne les ai jamais écrites.)

J'avais écrit le brouillon, je m'apprêtais à répondre, devais-je répondre, devais-je dire, devais-je écrire ? (C'est à cela que s'est résumé la majeure partie de mon existence jusqu'à présent : dois-je écrire ? Tout ce que vous lisez ici est le résultat d'un certain nombre de réponses à cette question, sans que vous ne sachiez jamais – vous ne saurez jamais – lesquelles – lesquelles de choses – j'ai finalement choisi de ne jamais écrire. Par exemple, il a bien failli y avoir un tout autre texte que celui-ci, texte qui existera peut-être un jour, peut-être jamais. C'est le principe.)

Avant de me décider, j'ai fait venir l'assemblée habituelle (mon éternel procès, parfois adjuvant, parfois enfonçant). Les remarques dont je me souviens : 

“Quand te rendras-tu compte que le monde ce n'est pas cela, ce n'est pas “un vigile” qui serait plus ou moins “con” que, c'est sa vie, ses conditions de vigile à déceler, déployer, explorer, rapporter, et qui montreront de quoi serait faite ou non sa présumée ou pas “connerie” qui soi-disant le définit ou le constitue présentement dans l'état actuel de l'histoire. Tu n'auras jamais accès à son moi, ne l'hypostasie donc pas ! Que tu le trouves haïssable, c'est une chose. C'en est une autre de refuser d'objectiver cette considération en toi, car toi aussi a une histoire. Toi aussi vit ici et là la “connerie” présumée, ressentie, imputée. Tu l'as dit. Disserter sur le monde social n'est pas un jeu. Et même quand ça l'est, ça ne l'est pas car alors on le poursuit en étant immergé dans un bain adulte d'illusion qui constitue ce jeu comme règle à poursuivre, à continuellement investir : le Professeur Choron aurait pu écrire cette phrase, mais c'était le Professeur Choron. Il poursuivait la vie du Professeur Choron, il existait comme Professeur Choron. Il avait choisi d'apparaître ainsi objectivement. De ton côté, tu n'es qu'un individu pratiquant le débat en ligne. Rien de plus. Et à partir de  là, tu seras ce que ton choix d'être t'aura déterminé à être, et non pas ce qu'une phrase plus ou moins bien tournée aura choisi pour toi. Es-tu cette phrase ?”

Je ne l'étais pas, donc je ne l'ai pas écrite. Je n'ai jamais écrit cette phrase. Et maintenant je comprends mieux pourquoi, car depuis j'ai appris tout le reste de ce que cette phrase ne contenait pas, ou en tout cas pas mal de choses.

 

26 mars 2020

Quand je n'écris rien, c'est que je comprends

Quand je n'écris rien, c'est que je comprends tout, qu'il n'y a rien à redire. Quand ça reprend, c'est que je suis redevenu un peu bête.

Par exemple, j'annote ce bouquin de façon rigoureusement pertinente, je trace des interprétations qui ne regardent que ma propre recherche ; mais soudain, cette trace, cette façon de la former, de former la lettre avec le crayon me rappelle que je pourrais, si je voulais – et je l'ai longtemps voulu –, me mettre à ne considérer plus que ce façonnement, cet allant de l'agencement, du mouvement qui forme la note (et même son envie – ne tient-elle qu'à ça ?). Et alors c'est reparti dans le fait de dire que je dis ce que je dis, dans juste le langage – alors que deux secondes avant je tenais à faire apparaître avant tout le contenu en tant que démonstration, principe de division du monde. Et donc ça reprend.

Comme si ce qui comptait était avant tout le mouvement. Les carnets de course turfique de mon grand-père sont remplis de telles traces, bien qu'il considérait ce plaisir sous un jour nécessairement plus technique (si je les retrouve, je les garde à tout jamais) : il ne jouait jamais mais jouait tout le temps ; il ne pariait pas mais pariait en lui-même, pour lui-même, – ce qui nécessitait tout un travail de “veille” dirait-on aujourd'hui, de lectures-calculs-comparaisons par l'intermédiaire de toutes les sources d'informations disponibles –, déterminait l'ordre probable d'arrivée des chevaux et de leurs jockeys, voyait juste ou non, perdait ou gagnait mais sans jamais rien perdre ni gagner. C'était juste pour l'activité. 

Le sage nous dit bien que si l'on agit c'est que l'on est encore trop (é)mû. Si l'on a l'impression que je ne mène pas ces mouvements avec suffisamment de sérieux, c'est parce que je pense que le sérieux consiste à ne plus les mener.

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8 février 2020

Une nouvelle preuve de la pop, quelle autre plus

Une nouvelle preuve de la pop, quelle autre plus belle preuve que celle-ci ? (ci-dessous)

J'entre dans un bus qui va me conduire au premier rendez-vous officiel qui me certifie que je suis diminué : soudain passe dans mes oreilles une chanson qui m'a toujours fait pleurer avant même qu'il y ait une raison pour cela et c'est justement parce que je sentais que la raison allait nécessairement venir qu'elle me faisait déjà tant pleurer et que c'était par conséquent encore plus triste de pleurer avant l'heure.

Dans la chanson en question, la chanteuse dit au guitariste avec qui elle est : “are you the right man for me, or are you toxic for me ?”. Ce qui fait pleurer, c'est à la fois la fin de l'histoire et le fait qu'elle se chante et se joue en même temps qu'elle se vive : c'est vraiment au guitariste que l'on entend que sa dulcinée chanteuse balance ça, c'est vraiment sur ces mots qu'il joue derrière et qu'elle chante avec. 

Ce qui est triste, à l'époque où je découvre la chanson, c'est non seulement cela, mais aussi que cela fasse écho : si cela fait écho, c'est que je ne sais pas si je suis le bon mec pour elle, c'est que je sens qu'elle me chantera ça un jour à sa manière, je le sens avant même que ce ne soit le cas. Je suis triste de ça avant même que ça ne le soit (le cas). De la même manière que tout se joue et se chante strictement en même temps dans la chanson (expéditrice et destinataire participant tous deux de l'aire musicale les mettant en jeu, le destinataire étant ainsi partie prenante de l'expédition et vice-versa), ici dans ma tête tout se déroule en avance et c'est ce pressentiment, inutile préparation me faisant beaucoup de mal pour (encore) rien (mais ça ne saurait tarder) qui participe de la tristesse du tableau. 

Dans le bus, c'est au carré, car depuis c'est arrivé ; elle m'a à peu près dit tout ça, depuis. Je pleure donc pour la situation présente qui confirma la situation vécue passée dans la chanson bel et bien toujours présente car évoquant pour toujours le passé ; mais je pleure aussi sur la tristesse de cette situation passée qui avait si bien eu l'intuition de ce qui l'a suivie, si bien eu l'intuition de ce tableau présent où je pleure en considérant après coup la tristesse de cette appréhension prématurée mais néanmoins visionnaire avec la chanson derrière me préparant plus que jamais à ce que la pop permet toujours de considérer avant l'heure, avant tout le monde, grâce au fait qu'elle est toujours avec nous donc sait tout mieux que nous.

Qui plus est, le jour où je suis certifié diminué ! Si ça c'est pas la preuve...

7 février 2020

Comment je suis redevenu un artiste (2)Ce fut

Comment je suis redevenu un artiste (2)

Ce fut finalement comparable à ma plongée – dont vous avez été témoins ici-même – dans le savoir animal. La chose socio-politique est aussi une plongée dans une drôle de pâte vivante, qui met en jeu de fervants élans. Cela me dépaysait de toutes mes habitudes de langage : il était enfin question d'avoir prise sur ce que les autres construisent pour leur propre compte. On oublie ainsi notre séparation d'avec eux.

Je ne sais pas quand je cesserai d'être revenu de tout (ma “transcendance se transcende sans cesse”, dirait l'existentialisme). Comme le savoir animal (qui est nous dans notre plus simple appareil), le savoir sociologique est indépassable en son fondement : notre propension à dépasser ceci en cela, par cela, parce que cela, après cela, malgré cela, relève de notre position sociale. Si je choisis désormais (semble t-il souverainement) de revenir éternellement à mes anciens ancrages et de refaire sans cesse le chemin qui me mène de l'ignorance au savoir, c'est parce que je fus déterminé comme ignorant et n'arrive pas à sortir de cette disposition. La revendiquer sera encore un reflet de là où je suis socialement rendu : la vérité de ma pratique m'est inaccessible, je le décrète, alors j'en appelle à l'ineffable. (Comment je suis redevenu un artiste.)

6 février 2020

Comment je suis redevenu un artisteLa vérité à

Comment je suis redevenu un artiste

La vérité à laquelle je crois est sociologique (plus précisément psychosociologique, mais de tradition disciplinaire sociologique). Je traduis cela dans une pensée d'ordre philosophique. Je ne peux ensuite que lui faire prendre une forme simili-artistique. 

Vérité, pensée, forme semblent nécessairement – par définition – ne pas s'accorder quant à leurs atours, mais sont pourtant érigées sur les mêmes socles.

Lorsque je tiens à faire savoir ma vérité (qui est d'ordre social), j'aimerais que l'esprit philosophique et l'esprit artistique ne fassent pas les dégoûtés, car je vous l'assure, c'est ce en quoi je crois. Le réel repose sur cela, peut être compris par ce biais (tout est biais, mais certains permettent de comprendre et d'autres de ne rien comprendre du tout ou pas grand chose). Mais en disant-croyant cela, je ne dis rien d'une quelconque propension à faire épouser telle forme à ma pensée ni telle pensée à ma forme. Tout peut convenir. La seule chose que je dis, c'est que c'est la vérité.

Lorsque je tiens à penser de façon philosophique ma vérité d'ordre sociologique, j'aimerais qu'un esprit scientifique ne s'en offusque pas, car ainsi j'ai l'impression de la creuser davantage. Je ne dis pas que l'on doit forcément creuser ainsi – et même au contraire, car la science doit faire avec ses propres contraintes – , je dis juste que chez moi c'est comme ça que je vais pouvoir pénétrer le cœur de ce dont je sens et sais la vérité. Cela va me permettre de mieux faire toucher du doigt les choses relevant de l'explication à mener, du regard à convertir. On va saisir ce sur quoi ça repose.

Lorsque je tiens, ou plutôt ne peux qu'exprimer la pensée de cette vérité dans la forme que je déploie encore et toujours – même ici –, cette sorte de vraie-fausse confession poétique, cela ne signifie pas que je ne mets pas plus haut que tout la vérité de ma pensée. Cela ne dit pas non plus que j'ai honte de cette forme, car elle est naturelle ; croyez bien que je l'utiliserais même – et ce fut avéré, acté – dans un cadre où je ne serais censé que faire savoir le savoir nu : s'il faut le faire savoir à un certain niveau (un niveau d'évidence), ce sera non seulement pensé de cette façon mais également formé selon cette expression, celle-ci ne pouvant jamais manquer d'apparaître comme la plus adéquate aux façons que j'ai d'apercevoir le vrai.

Il ne s'agit pas de dire qu'à chaque fois, immanquablement, la forme traitera de cette pensée qui elle-même traitera de cette vérité, ni que la vérité ne peut se concevoir que passée au filtre d'une pensée elle-même passée au filtre d'une forme. Pas de filtre, ni nécessairement de traitement. Chacune existe pour elle-même, je les reconnais et les aime pour ce qu'elles sont. C'est bien cela que l'on pourrait me reprocher. Chacune me dirait “eh mais alors, tu me lâches pour les deux autres ?”. Tout au contraire, je n'en lâche jamais une : elles sont le monde tel que je le vis. Reste que la vie m'a fait ainsi, sensible à cette vérité, formé selon cette pensée, barbotant dans cette forme.

En connaissant l'une, pas dit que l'on sache grand chose des autres ! Et pourtant, les trois c'est bien moi. (Pas forcément à la fois, mais puissamment une à une ; tellement en plein dans la force de chacune que les échos deviennent possibles : quand alors cette vérité est si criante que j'en ai une pensée prenant cette drôle de forme – transfigurée ? oui et non, c'est bien elle, c'est toujours elle que je crois, même lorsqu'elle n'apparaît pas ; de la même façon, c'est forcément vers cette façon d'être la forme de ma pensée que tend ma réception de la vérité : comment je suis redevenu un artiste).

17 janvier 2020

Les jeux entre animaux ne sont bien souvent

Les jeux entre animaux ne sont bien souvent décrits que sous un angle utilitariste ; il ne s'agirait pour les jeunes que de viser une finalité d'adulte accompli et fonctionnel (par exemple, devenir un bon chasseur), comme si le jeu ne pouvait pas être considéré en tant que pur mouvement vital. 

Il s'agit, pour l'humain qui choisit de décrire (et percevoir ?) les choses ainsi, de nier son propre chaos de sens, sa propre inversion des temporalités : dans les faits, ce plaisir apparemment responsable que tu prends à te perdre dans ton job, relève plus que jamais de l'enfouissement dans la dynamique ludique de ce qui se déroule ; tu semblais bien plus concentré quand tu te construisais toi-même, enfant, tes propres préoccupations ; tu te les construis toujours aujourd'hui, en dernière analyse, mais c'est plutôt l'habitude des catégories qui parle en toi.

D'une façon rigoureuse, on pourrait dire que petit, on joue non pas pour apprendre mais pour apprendre à jouer : c'est donc comme ça qu'il faudra faire pour plus tard jouer le garçon, jouer la fille, jouer le travailleur, jouer la ménagère, etc. On fait comme si on faisait déjà comme si. Est-on déjà dupe ou avons-nous conscience, en ces temps, qu'il s'agit ici de reproduire une comédie ? Il me semble qu'on semble le sentir parfois, qu'on ne nous la fait pas. On surjoue. Ce sera autre chose de s'apercevoir que le surjeu fait partie du jeu, ce sera tout de suite moins drôle. Le surjeu c'était pour montrer qu'on se tenait à distance du jeu, qu'il ne nous engageait pas encore (à cette époque) ; c'était sérieusement (et donc drôlement malicieusement) qu'on savait que c'était pour du faux. Puis on ne sait plus très bien, on se met à y croire avec des lumières plein les yeux (on devient alors ridicules).

(Savoir qu'on grandit, qu'on vieillit, ce n'est pas tellement se sentir soi-même mûrir, c'est s'apercevoir que les autres, les adultes sont mûs par des jeux. Ce n'est pas se dire “tiens mais je suis âgé”, c'est plutôt s'écrier, à la vue de nos parents : “mais ce sont des gamins, l'ont-ils donc toujours été ?”. Tout ça pour ça, alors ? Pour si peu de maîtrise ?)

5 janvier 2020

« Oh tiens, et moi qui m'attendais à ce que ça me

« Oh tiens, et moi qui m'attendais à ce que ça me vrille l'oreille, en fait c'est du piano tout doux ! Et l'on retrouve bien là son type de mélodie, c'est tout à fait lui. »

Ces deux phrases résument tout.

La première : on est toujours agréablement surpris quand c'est doux alors que l'on s'attendait, étant donné la fraction de classe de nos goûts, à tomber encore sur quelque chose d'intraitablement strident ; eh bien non, c'est enfin normal ; plaisir de la pop au sens large et digne de ce nom qui peut se découpler ainsi (pour la démonstration, car la plupart du temps, les deux temps – sous-temps de la première phase – sont indiscernables) : “allez on s'attend à de l'intraitablement rugueux, on connaît l'bonhomme / oh tiens non, maintenant il prend enfin le temps de se pencher sur lui-même, sur la quintessence de ses mélodies jusqu'à l'os, jusqu'à ce que l'on entende juste, plus que jamais qu'il est un humain qui aime tourner de cette façon-là (et d'aucune autre, on le reconnaîtrait entre mille) le fait d'être déchiré par l'émotion ou la sensation !”.

On est donc déjà dans la deuxième phrase-phase du « c'est tout à fait lui » : et c'est vrai que c'est comme l'amour. Un jour on a entrouvert les portes de sa façon à lui, bien à lui de tourner ses mélodies (je n'ose dire sa signature tant cela aurait des accents regrettablement administratifs), parfois ça nous a pris un peu de court, ça ne ressemblait pas à ce que l'on connaissait jusqu'alors (ça ne ressemble jamais à rien de connu quand c'est digne de ce nom) et on s'est ensuite laissé porter par son identité, on a lâché notre main dans la sienne (“tiens prends ça, prends ma main pour la peine, tu m'as eu hein”) et maintenant on reconnaît à chaque fois quand il est lui car oui, c'est bien lui, il nous est apparu ainsi et depuis il nous suit au rythme du cours à la fois stable et changeant de notre perception (la base de l'amour est assuré, on sait qu'il est digne de ce nom et il évoque tant de moments vibrants à ses côtés, mais à la fois ce n'est plus tout à fait comme au début, notre regard s'est nourri des aléas traversés pendant les diverses écoutes successives parmi de nouveaux paysages qu'on n'avait pas prévus). On sait pas ce qu'on préfère : quand on entre dans l'amour et qu'on entrevoit toutes les mélodies – dérivées de son type à lui – que l'on va pouvoir vivre encore, qui nous attendent et dont on n'a pas idée, ou bien quand on le connaît depuis longtemps et que l'on peut entonner ce qu'il vit, ce que nous vivons donc avec lui, en toute complicité douillette (libéré des enjeux à proprement parler, ou plutôt, les enjeux consistant désormais à pouvoir l'écouter sans enjeux, en toute connaissance de quintessence).

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