Plus je vis des choses, moins je comprends la littérature qui veut "rendre compte" (sic) de ces choses. C'est s'attacher à des futilités. Comment "rendre compte" (sic) de la tristesse que me cause la dépendance de ma grand-mère lors de mes visites à la clinique ? Sûrement pas en décrivant son visage, ses mouvements, le personnel de soin, les odeurs, les lumières, l'atmosphère : je ne toucherais rien qui appartienne à qui que ce soit en faisant ça, je reproduirais ce que le monde me dicte, je m'installerais dans un langage qui constate. Si la littérature est faite pour constater, pour se la jouer "ah donc tiens voilà, il y a eu ça, je vais vous le dire avec mes mots", c'est définitivement pourri comme truc, ça n'a aucun intérêt. Ce que je voudrais, c'est "rendre compte" (sic) de ce que les phénomènes produisent vraiment dans le dedans de quand je pense ou ressens, comment les flux passent dans ma tête en envoyant des signaux parfois contraires et paradoxaux, comment ça se télescope, comment ça me tarabuste. Oui mais cela, ce serait donc de la philo ou de la psycho, voire du journal intime ? Il faudrait choisir ? La littérature ne devrait pas être ça ? Oui mais merde à la fin, je ne veux pas choisir, je veux ça aussi. Ça doit être ça aussi.