Différentes preuves concernant la pop (11) L'une
Différentes preuves concernant la pop (11)
L'une des plus ultimes preuves, même si j'ai besoin alors d'une aire extérieure à elle, connexe, pour la prouver, c'est celle-ci : c'est elle qui m'aura fait découvrir des émotions de pop toute particulières, qui m'aura fait prendre des tournants émotionnels concernant la pop, notamment un tournant de gravité, de noirceur, qui est maintenant le mien à jamais et dont je porte le flambeau avec constance et responsabilité. Car cela me comble et m'incombe. C'est l'une des seules choses dont j'aimerais être pouvoir "digne" : cette pop-ci, cette pop grave, éthérée, agrandissante, supérieurement influente sur toutes sortes de membres, d'organes, de sensations de l'organisme. Et c'est elle qui l'a choisie, je veux dire c'est elle qui m'y a mené. Elle en tant que partenaire féminin.
Or, c'est une constatation féministe que j'ai toujours considérée comme première : celle selon laquelle c'est "le mec" qui fait découvrir la vraie, la belle culture dans la relation. "Je vais te montrer ça, c'est moi qui connais mieux que toi". De nos jours c'est comme ça, du moins entre petits-bourgeois ou classe moyenne inférieure. C'est toujours le mec qui "fait découvrir". Très tôt je ne voulais pas avoir cette place, qui me semblait tout spécialement dégueulasse, celle que je vois en premier comme dégueulasse (alors qu'il y en a bien sûr mille autres, mais j'étais à l'époque obnubilé par la culture, il n'y avait qu'elle, ce qui n'était certes pas très matérialiste mais ce qui permettait au moins de se rendre compte de dimensions essentielles que d'autres obnubilations avaient tendance à passer sous silence) : cette position du mec qui "fait découvrir la bonne culture", non, je ne serai jamais ça. Je me le suis dit à peu près dès quinze ans, je crois. Ce ne devait pas être une "place" que l'on se devait de prendre avec la présomption de l'évidence, comme un sans-gêne. Ce devait être une place à rejeter.
(S'il m'arrivait de vouloir en "montrer" plus que de raison dans d'autres arts moins essentiels pour moi, c'était plutôt parce que je me sentais nu sans ces œuvres ; mais ce n'était pas dans le but de faire emprunter un chemin plutôt qu'un autre. C'est elle qui m'a conduit sur un nouveau chemin concernant la pop.)
Et c'est sans doute ma seule fierté, se trouvant être l'une des différentes preuves concernant la pop : j'ai tenu. J'ai tenu à ne pas la tenir, cette place. C'est elle qui m'a fait prendre le virage musical quant à la pop. C'est elle, avec ses belles et graves musiques. C'est elle. J'étais un mec et pourtant c'est elle qui m'a donné ça. J'en serai à tout jamais digne.