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21 février 2023

Tes fesses.J’aimerais dire juste tes

Tes fesses.
J’aimerais dire juste tes fesses.
Voilà, tes fesses, le livre est fini.
Ça devrait être juste ça, le livre.
Tes fesses.

Car je trouve que le dire juste comme ça, par ces deux simples mots, « tes fesses », c’est ce qui sonne le mieux.
Ça me fait quelque chose au cerveau, ça me fait quelque chose au cœur, ça me fait quelque chose dans tout le corps, ça claque (sans mauvais jeu de mot) de juste dire « tes fesses ».

Tout ce qu’on pourrait ajouter serait de trop, quand bien même cela partirait d’une bonne volonté.
« Tes fesses sont, gnagnagna », non, pas envie de lire ça, « je souhaite que tes fesses, blablabla, j’apprécie tes fesses », non, qui peut avoir envie d’écrire ça ? Tout de suite, quand on rajoute des mots, ça sonne faux.
Quand on rajoute des mots à tes fesses. À « tes fesses », point.

Juste tes fesses.
Juste dire tes fesses.
Tes fesses.

Pourrait-on s’aventurer dans une description ?
Hé bien non, pas davantage, car il n’est pas question ici de faire comprendre quoi que ce soit à qui que ce soit, simplement de faire saisir la secousse émotionnelle et sensitive que l’on perçoit parfaitement par le simple syntagme « tes fesses », sans prédicat.
Je suis sûr que tout le monde saisit tout ce que ça implique rien qu’en prononçant tout haut, ou en chuchotant tout bas, « tes fesses ».
Allez-y : « tes fesses ».
« Tes fesses »…

Voilà, je suis sûr que vous avez compris, il n’y a rien besoin d’autre, tout est dit.

Si je me mettais à imaginer des détails, à plaquer des attributs, même prétendant s’approcher d’un certain « réel », ça casserait tout.
Rien que le mot « réel » ne va pas, ne peut pas aller avec « tes fesses ».
Car c’est juste tes fesses. « Elles » n’ont rien à prouver à la réalité, « elles » sont là et… point, elles sont là. Tes fesses. Même lorsque je ne parle d’aucune en particulier – en fait c’est comme vous voulez ; vous verrez que ce livre est surtout pour vous, moi je ne voudrais pas l’écrire, du moins rien écrire d’autre que « tes fesses ».

Je le dis encore : tes fesses.
Je ne me lasserai jamais de le dire : tes fesses.
On pourra bien me demander des précisions quant à…, je répondrai juste « tes fesses » car ça veut tout dire, on dit tout, en disant ça.
Tes fesses.
Répétez encore au cas où vous ne compreniez pas le choc que ça peut vous faire dès que vous y pensez vraiment, que vous faites glisser lentement les phonèmes sur vos lèvres (simplement les phonèmes, pour l’instant) : « tes fesses ».

Le livre devrait déjà s’être arrêté depuis longtemps.

Dites-moi si je suis le seul à être à ce point troublé par simplement « tes fesses ».
Je pourrais dérouler des anecdotes, mais ça serait moins fort. Ça serait moins fort que juste « tes fesses ».

Première anecdote, éventuellement : la fois où je marchais derrière elle et où ça faisait tellement longtemps que je l’avais pas vue que je l’ai reconnue par ses fesses.
Après coup, j’avais sans cesse cette phrase en tête : « je l’ai reconnue par ses fesses », « je l’ai reconnue par ses fesses ».
Mais on pouvait croire que tout le reste ne me faisait rien, alors qu’au contraire, c’était peut-être bien le verbe « reconnue » qui était central là-dedans ; j’étais heureux de la revoir, je ne m’y attendais pas, on a un peu parlé, elle m’a souri, elle semblait heureuse elle aussi. Simplement, il se trouve qu’au départ je l’ai vue de dos, qu’elle avait changé de coupe et que j’ai été sûr que c’était elle grâce à ses fesses.
Et que je trouvais que ça méritait d’en être ému ou amusé, donc de se chanter, ensuite, tralala, dans la rue, « je l’ai reconnue par ses fesses ».
Mais c’est une ritournelle, on l’oublie vite, elle aurait pu ne pas avoir la force qu’elle a eu (il aurait suffi d’une humeur différente, d’un regard modifiant sa direction d’à peine quelques centimètres…).
Ça n’a pas eu la force de tes fesses, je le dis pleinement.
C’était juste pour l’anecdote, ça ne joue pas au même niveau.
Rien à voir avec tes fesses, avec « tes fesses », avec le fait de dire, paf, d’un coup, « tes fesses ».
Je suis sûr que vous comprenez.
Fin de la première anecdote.

Deuxième anecdote, à la rigueur :
Cela faisait bien huit ans qu’on était ensemble donc elle s’en doutait depuis longtemps, surtout que je l’avais déjà écrit une fois mais bref, c’est toujours plus difficile de le développer « par oral », je devais être un peu dans les vapes pour que ça me sorte comme ça sur l’oreiller (c’était peut-être même avant de dormir et non pas avant de…), je lui ai dit quelque chose comme, en substance, « tu sais qu’il suffit que… enfin comme plein de garçons, sûrement, bien que parfois je me demande si j’en suis bien un mais… pour ça, en revanche, je t’assure qu’il suffit qu’il y ait tes fesses, là, et que… », je voyais pas ce qu’il y avait d’étonnant à ça, mais elle me reprend tout de suite en disant « ah oui ? simplement juste de voir mes fesses, comme ça ?… », et là elle me montre ses fesses, et… pendant longtemps, qu’est-ce que vous voulez que des fesses fassent pendant longtemps comme ça, elle… comme si elle commençait une sorte de danse mais c’était pour rire, faut bien meubler quand on fait que montrer ses fesses, je peux comprendre, et donc oui, j’étais obligé d’avouer que ça me…, « hé bien oui, voilà, il y a juste tes fesses là devant moi et oui, déjà, je… ça suffit pour… », ça l’amusait et ça m’amusait aussi de voir que ça l’amusait, qu’elle semblait le découvrir, comme si je lui avais révélé un profond secret, alors que quand même, depuis le temps, elle devait bien s’en douter, que ses fesses, quand même…
Voilà, ça se décrit, ça se raconte, ça fait sans doute quelque chose, ça peut faire écho, mais je trouve qu’on entre alors dans un autre type d’intimité ; il faudrait tout décrire, tout ce dont les deux êtres en question ont pu disposer en terme de personnalités, vécus, façons d’être, d’être mus, d’être émus… Le grand bazar habituel…
…Qui peut être très beau, je n’en disconviens pas, mais qui n’a pas la force de, juste, « tes fesses ».
Vous trouvez pas ?
Si vous trouvez pas, argumentez ci-dessous ou sur papier libre à l’adresse de l’éditeur.
Fin de la seconde anecdote.

Troisième anecdote, tant qu’à faire :
On vient de sortir du resto, ils discutent tous les deux, ils se connaissent depuis plus longtemps que je ne la connais et dans quelques années ce sera lui qui sera avec elle, tant mieux pour elle, ce n’est pas le sujet, simplement je me souviens qu’il s’était mis, ce jour-là, à lui confier un peu grotesquement qu’il ne pouvait pas s’empêcher de « regarder les fesses » des filles ou « leur fessier », je ne sais plus comment il disait (preuve que cela ne peut pas avoir autant d’efficacité émotionnelle que « tes fesses »), et voilà qu’ils plaisantaient là-dessus, plaisanteries éculées, vues et revues, archi-rebattues, et je me demandais ce qu’il leur prenait, ce qui lui prenait surtout à elle, qu’est-ce qu’il y avait donc dans l’évocation banale de ces « fesses » ce jour-là, durant cette discussion post-dînatoire en équilibre sur un trottoir à deux pas de son vélo à lui qu’il s’apprêtait à réenfourcher, qu’est-ce qu’il y avait pour que sa façon à lui de parler banalement des « fesses » qu’il regardait puisse apparaître à ses yeux à elle d’un quelconque intérêt humoristique ou même anecdotique, malgré leur complicité à tous les deux, qui ne m’avait jamais semblé reposer sur ce genre de choses. Je ne crois pas que ce soit ces fesses-là, les « fesses » en question de ce jour-là, qui annoncèrent quoi que ce soit entre eux. Je ne le crois pas. C’est juste histoire de dire qu’on ne peut pas mettre sur le même plan un « j’aime regarder les fesses… » même mentionné de façon impromptue à une amie de longue date que l’on va finir par séduire quelques années plus tard aux dépends de l’auteur, qu’on ne peut pas mettre ces « fesses » (s’il s’agit bien de fesses et pas de fantômes de fesses, purement déclaratives ou déclamatoires et donc abstraites) au même niveau que « tes fesses », que juste « tes fesses ».
Je crois qu’il n’y a pas besoin de pousser la démonstration plus loin, je n’aurais d’ailleurs jamais reparlé de cette histoire s’il ne s’agissait pas de prouver par l’absurde à quel point rien ne justifie que l’on puisse dire autre chose, pour vraiment secouer l’émotion et tout le reste, que « tes fesses ». Je ne veux plus que savoir que ça, que « tes fesses ».
Fin de la troisième anecdote.

Je… je tiens à préciser ou à repréciser que depuis le début je ne parle pas de fesses en particulier, du moins j’essaie (car ça pourrait être le cas, pourquoi pas, mais ce n’est pas le sujet), je parle juste de « tes fesses », du fait de dire « tes fesses ».
Ainsi je me dis que possiblement chacune et chacun pourra s’y reconnaître, reconnaître que ces deux mots peuvent claquer (avec possible jeu de mots, cette fois-ci) tant en image sonore qu’en parole symbolique, paf, je parle du fait de ressentir à coup sûr quelque chose lorsqu’on dit juste « tes fesses ».

Croyez bien que je n’ai aucune envie d’écrire quelque chose sur mon rapport aux fesses de qui que ce soit, que je pense la plupart du temps à d’autres choses qu’à « tes fesses », mais que je me devais de reconnaître, cela faisant partie de la liste des faits à reconnaître voire même à célébrer, que les deux simples mots « tes fesses » me font quelque chose, indépendamment du contexte.
Le contexte, comme je viens déjà suffisamment de le prouver, c’est ce qui fait tout s’évanouir dans le commun. Je n’avais aucune envie d’écrire tout ce que je viens d’écrire précédemment, croyez bien que je me serais simplement contenté, comme précisé au tout début, de simplement « tes fesses ».
Mais je me dis que vous seriez du genre à ne pas comprendre pourquoi je m’arrêterais là, et surtout pourquoi acquérir ou même lire un livre qui ne ferait apparaître comme seuls caractères à déchiffrer que « tes fesses ».
Du coup il faut bien que j’explique, mais si ce n’était que moi, si j’avais pu décider de tout, je n’aurais pas écrit autre chose que « tes fesses ».
(Voyez comme le langage est piégeux : j’allais écrire « je ne serais pas allé plus loin que tes fesses », malheureuse formulation qui, en plus de sembler être drôle là où l’on ne souhaite pas l’être – au sujet de « fesses » en particulier –, donnerait l’impression d’une sorte d’arrêt nécessaire d’un parcours, alors que l’on ne s’élance vers rien en disant « tes fesses », tout est déjà contenu en soi dans la proposition, rien n’est caché, rien ne suit.)

Croyez bien que je n’ai aucune envie de continuer à écrire autre chose que « tes fesses ».
Croyez bien que j’espère avoir fini par vous convaincre de la nécessité, de la beauté pure qu’il y a à simplement, en toute acceptation, sans mauvaise conscience aucune, apprécier le doux choc que constitue « tes fesses », le fait de dire, de lire, d’entendre « tes fesses ».
Tes fesses.
Je n’irai pas plus loin.

……

…Mais je veux bien revenir pour préciser que l’essentiel est d’avoir en tête que je ne voulais surtout pas écrire ce que je viens d’écrire, et que d’ailleurs personne ne peut avoir envie d’écrire ou de lire ça, des évocations de ce type (je parle des anecdotes, qui n’ont pu s’inviter ici que pour servir de contre-exemples).

C’est cela que j’aimerais faire « passer », comme on dit, que j’aimerais faire comprendre : il faudrait qu’il n’y ait que « tes fesses », point. Et ça me semble faisable, il faut y tendre.

À partir de là, j’admets que vous pouviez mettre un certain contenu derrière « tes fesses » – éventuellement les « fesses » que vous aimez, dont vous rêvez, que vous attendez, bref celles auxquelles vous aimez penser. Mais ça ne doit pas venir faire écran à la simplicité du mantra : « tes fesses », point. « Tes fesses » pour se tourner loin du passé – pas forcément loin de « fesses » et vers d’autres « fesses » mais comme vous voulez, je tolère, l’essentiel étant de passer outre le passé.
Pour le dire très basiquement :
Le passé : pas bien.
Le futur : « tes fesses ».
Ou pour être plus clair, car je ne sais pas si c’est suffisamment parlant (vous voyez, je fais des efforts) :
Ce qui n’est pas bien : le passé.
Ce qui est un futur très bien : « tes fesses ».

Mettez ce que vous voulez derrière ce futur, qu’il soit fait de « vraies » fesses ou non, mais essayez de vous imaginer la sensation que cela vous ferait éprouver s’il pouvait se résumer à « tes fesses », s’il pouvait tout entier être contenu (là : pas le droit au jeu de mots, on est dans le plus sérieux) dans « tes fesses », point.
Le futur : « tes fesses ». Fini le passé, avec « tes fesses ».

Y’aurait-il d’autres techniques, d’autres pensées possibles ?
Éventuellement, mais prenez conscience de la douceur qu’il y a à prononcer « tes fesses » en l’envisageant comme le son d’un avenir, la musique phonématique d’un futur.
À l’avenir : « tes fesses ».
À l’avenir, il y aura « tes fesses » et point.

Bien sûr, rien ne peut être réduit simplement à « tes fesses », on sait bien que c’est plus compliqué. Mais on essaie de se le dire, simplement le temps d’un instant précieux que l’on s’accorde. On a bien le droit, on sait qu’on ne pense pas à mal.
On dit juste « tes fesses ».
Essayez.


Tes fesses.

Je vous remercie.

(C’est surtout pour vous.)

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