« Mais termine tes phrases ! », me dit-il, comme
« Mais termine tes phrases ! », me dit-il, comme me disait déjà cet autre patron artistique ; dès qu'il faut faire croire que je suis artiste, je ne pense qu'à me cacher, je patauge. Puis à un moment il faut développer des idées concernant du savoir, et alors là je sens que ma voix devient plus grave, plus assurée, ce qui a l'air de l'étonner. Comme ça depuis toujours : dès qu'il faut dire des trucs sur des trucs, je me sens légitime, par contre dès qu'il faut me présenter comme un être répondant de sa situation, croyant en les agissements qu'il va commettre (pourquoi eux plutôt que d'autres ?), il n'y a plus personne.
(Souvenez-vous de ma liste de « métiers que je pourrais faire » de septembre 2013, tout y est déjà.)
Déjà pu noter que l'anxiété a lieu non pas tant par crainte de ce que je vais faire mais par crainte du jugement des autres concernant ce que je vais faire, d'où le fait que cela atteint aussi les dires qui m'engagent, ou plutôt non, c'est l'inverse, je dis "qui m'engagent" pour reprendre leurs critères mais ce sont plutôt les dires qui ne m'engagent pas (à mon sens) puisqu'ils sont contingents, à savoir qu'ils concernent tout ce que j'aurais pu faire autrement (des actes, des volontés...). En revanche, le Savoir, quand ça traite du Savoir, de ce que je sais que je le sais, de ce que je sais qui Existe, là elle disparaît.
Notons enfin l'ironie glaçante (pouvant expliquer mon statut d'aigri) : le refuge dans l'art était une façon de compenser l'anxiété puisque je me mettais ainsi en moi ; or, quand il a fallu concevoir ce refuge comme un choix, il est devenu la plus grosse source de malaise possible, de crainte quant à ma justification, puisque qui étais-je pour avoir choisi ça plutôt qu'autre chose ? Rien du tout, vous l'aurez compris !