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3 août 2022

Il semble que l'on souhaite me refiler le concept

Il semble que l'on souhaite me refiler le concept d'angoisse, or il n'évoque rien pour moi. 
Mais c'est peut-être à cela qu'il sert, à n'évoquer rien, l'angoisse étant censée être (du moins vulgairement) une peur vide, sans contenu précis ou du moins faisant de tout et n'importe quoi son contenu, quelque chose d'insidieux, toujours présent comme en fond.
Cette définition (si elle a un sens) me semble trop accorder à une sorte de juste milieu idéal, facilement circoncivable entre les étaux des mots. Car pour ma part, dans ma réalité de tous les jours, il y a l'anxiété à la visée claire, éventuellement obsessionnelle, éventuellement obnubilante mais pas spécialement "angoisssante" car pouvant même, lorsqu'avec le temps on s'y est familiarisé, être vécue sur le mode de la tranquillité. Et de l'autre côté il y a une agitation intérieure (celle par exemple de la douleur ou du malaise proprement dit) qui se situe en deçà de tout contenu. Si on peut dire qu'elle s'imprime comme un poids sur chaque seconde de ma vie depuis que je la "ressens" (ce qui me fait penser parfois : "je n'ai pas eu une seule seconde d'apaisement depuis 2015 ; lorsque je me le fais croire je mens et c'est cela qui me rendra fou, à la fois de le vivre et de me faire croire le contraire"), en revanche c'est se simplifier bien trop la tâche descriptive que de dire qu'elle serait simplement "sans contenu", car c'est encore sous-entendre qu'il y aurait un "contenu" possible, c'est se situer encore dans les coordonnées des visées à "contenus", c'est simplement rajouter un "sans" pour faire croire que l'on s'efforce de bien expliquer le phénomène ; or, lorsque l'on est dans l'ordre dans l'en deçà de tout contenu, il n'y a justement pas de "contenu" qui tienne, même dans l'absence : on ne peut pas évoquer l'absence de quelque chose qui ne se situe pas dans la même réalité ; cette agitation intérieure n'est pas vécue dans les coordonnées de la conscience ou même de l'envers de la conscience (désolé de refaire un peu mon sartro-cartésien, mais il faut bien être conscient de son "angoisse", même sans la nommer comme telle, conscient des sensations angoissantes qu'elle nous fait éprouver, pour répondre à sa définition), au contraire elle doit toujours se rappeler qu'elle a affaire à un "cerveau" ou même à des "sensations" quelconques, elle ne se vit, du moins à la base, que comme état de fait : une agitation me prend, "vide" si l'on veut mais non, c'est encore trop croire qu'elle pourrait être "pleine" de quoi que ce soit, elle est juste un poids, une vigilance, une attente de délivrance, d'emblée un espoir que cesse le malaise.

Elle est donc, dans le même temps, empâtement et transcendance, amoindrissement et promesse d'extraction, ce qui explique qu'elle puisse être (semble-t-il paradoxalement) vécue dans la simple évidence et dans l'acceptation. J'ai toujours été comme ça (par exemple : le sucre m'a toujours rendu bizarre ; ah bon, ce n'est pas le cas de tout le monde ?). Elle est aussi toujours surgissement et donc (autre paradoxe) acceptation sans possibilité d'habituation : elle est à chaque seconde un scandale en plus d'avoir toujours été là, ou du moins depuis longtemps. La lutte contre elle est infinie puisqu'elle est en deçà ou au-delà de tout "contenu de pensée" ou de "ressenti" possible ; c'est sourd, c'est continu, ça peut certes se teinter d'une visée claire (l'anxiété circonscrite, "je vais me faire déborder par elle de telle ou telle façon, à tel ou tel moment") mais ça ne peut jamais se situer dans le vide, dans un "sans" : c'est juste la vie telle qu'elle s'incarne toute entière dans une agitation sourde qui m'accompagne depuis qu'elle me prend ainsi, mais qui ne dit rien sur comment elle va se colorer (par des pleurs, par une simple colère, une certaine euphorie ou une indifférence). J'aimerais bien pouvoir l'appeler "angoisse", mais je crains qu'elle ne se laisse pas s'enfermer ainsi (tout comme elle ne "m'enferme" ni plus ni moins qu'elle me fait être tel type d'être humain, dysfonctionnant comme ceci et pas autrement). Elle est bien plus fruste (n'est parfois rien de plus qu'un certain type de mouvement, d'élan ou de tremblement, sans que l'on puisse dire que je "l'éprouve" et à partir de là qu'elle "perturberait" une condition abstraitement idéale, immaculée, qui n'a jamais existé ou du moins qui n'existe plus dans les coordonnées dont on parle ici) et donc bien plus fondamentale : elle est malheureusement devenue mon être. En sortir, c'est comme me rappeler ce que j'étais "avant", c'est devenir un tout autre être. Ce ne serait plus moi, de la même manière qu'avant elle, ce n'était pas non plus moi (je ne me souviens plus qui c'était, ni bien souvent qui "je suis" à tel instant puisque je suis juste quelqu'un qui est "pris" ; non, pas par "l'angoisse", vous n'avez rien écouté, par une secousse, simplement par une secousse, toujours là mais qui – peut-être même pour cela, parce qu'elle est toujours là – ne dit rien de comment elle sera vécue, donc). Ce serait autre chose si ce n'était plus là. Et malgré tout j'y crois encore, j'ai toujours hâte (dans une impatience d'autant plus douloureuse).

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