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4 février 2022

Le prolo lettré, variations[vient après la

Le prolo lettré, variations

[vient après la "Phénoménologie du prolo lettré", sept. 2018]


Le prolo lettré, c'est pas qu'il est clivé en deux, c'est qu'il est clivé en son sein dès le départ en lui-même. Synchroniquement et pas diachroniquement. C'est pas ce qu'il est devenu qui le met mal à l'aise (contrairement au prolo devenu lettré), c'est la contradiction qu'il était de base.

La distance sociale à parcourir, l'ascension à mener, elle est entre lui-même et lui-même, entre ses différentes données immédiates, originelles. Le lettré en lui est aussi éloigné que ne l'est le prolo en lui du point de vue du lettré (et vice-versa). Les belles choses de la culture, elles sont pas lointainement hautes, elles sont lointainement en haut de son cœur à lui, son cœur et ses belles exigences qui le rendent tout rabougri lorsqu'il ne s'en sent pas à la hauteur, pas à la hauteur de lui-même, de la belle hauteur qui est en lui, comme toujours aux aguets derrière son dos, imprimée derrière chaque chose sans qu'elle soit objectivée dans un quelconque statut (ce qui le rendrait alors lettré non prolo).

L'étrange et belle hauteur de la culture est ainsi encore plus longue à atteindre puisqu'elle n'est nulle part ailleurs qu'en soi, et pour cela sans doute irrémédiablement étrangère (tandis qu'un prolo non-lettré pourra se faire lettré). 

Dès le départ on l'a eu, mais dès le départ sans les clés, donc à tout jamais sans les clés, car dès le départ on l'a eu sans les clés pour l'avoir.

Le prolo lettré et la gentrification : dans les quartiers bobos-prolos, s'il s'y sent bien c'est parce qu'il peut se diviser dans les autres au lieu d'être divisé en lui-même (c'est plus reposant) ; il tiendra à ce qu'il y ait toujours des prolos comme lui, on peut leur parler sans façon, mais il ne râlera pas contre l'arrivée des intellos bohème qui sont aussi lui-même et sa belle hauteur insouciante qu'il chérit.
Ce qui peut finir par irriter, c'est néanmoins... faut l'avouer... ne pas pouvoir les emboîter : il doit prendre des partis, tantôt celui des uns, tantôt celui des autres, tout le touche, tout est trop pour lui, l'inestimable nécessité de cette épicerie qu'il regrettera toute sa vie (car quelle idée d'aller danser au rez-de-chaussée ?), les habits, les styles de vie, les messages sur les murs qui disent avant tous les autres ce qu'il y a à dire sur le monde, qui prennent leur voix, leur voix à prendre, à dire avec des signes de lettrés. Mais sans croire qu'on a forcément raison, non ? Du moins, toi, tu crois que tu n'en es jamais sûr. Car la contradiction, c'est en toi qu'elle se fait jour. Prolo lettré pour toujours.

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Commentaires
D
Prose Taïebienne bien sympathique :). J'ai juste pas compris ce que venait faire l'épicerie là-dedans ;)
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