Faire savoir la vérité relève sans aucun doute
Faire savoir la vérité relève sans aucun doute d'une pulsion sadique. Ce n'est pas nécessairement se sentir supérieur en soi (en tout et pour tout), ni forcément prendre sa revanche en tant qu'inférieur (on ne se regarde pas ainsi de haut), c'est une pure action qui se vit dans le moment : c'est dire ce qu'on a trouvé, montrer ce qu'on sait.
Le sage a alors raison de désapprouver : est-ce vraiment ce dont a besoin l'autre ? Qu'en fera t-il ? Il faudrait plutôt lui confier nos intuitions (qui reviennent souvent au même), sans dévoiler par où l'on est passé.
Le sage conclura alors : autant ne passer nulle part, tout est déjà là, tâchons d'y être réceptif. Mais c'est alors lui qui cède trop facilement à ses penchants pour la fin en tant que fin, à atteindre d'emblée. Or, l'essentiel est dans le chemin. Là où le sage aura toujours tort, c'est dans sa conception de l'aboutissement : il sait vers où il veut aller. Personnellement, je ne le sais pas.
La science cherche la plupart du temps à se faire croire qu'elle le sait (le fameux théâtre méthodologique où elle se donne fière allure) ; la preuve qu'elle ne le sait pas, c'est le plaisir sadique qu'elle prend à trouver, à montrer qu'elle a trouvé. Et le public en redemande. Ce qu'il demande, ce n'est non pas qu'on lui trouve (qu'en saurait-il, ce qu'il faut trouver ?), c'est qu'on lui montre.
Le sage souhaite au contraire ne rien montrer, ou tout du moins montrer qu'il n'a rien à montrer, rien à prouver. Mais à trop s'arrêter à ses souhaits (il fait une éthique de ses souhaits, le zigoto), il manquera ce qui fait tout le sel des étapes. Il croira être tout fier de ne rien avoir besoin de trouver, alors qu'il aura au contraire trop trouvé pour se demander même une seule seconde s'il n'y avait pas autre chose à chercher.
Personne n’aime être tout seul dans sa vérité, ni le scientifique ni le sage. Il faut toujours qu’ils l'imputent aux objets qu'ils construisent. Comme par hasard, les choses de la science se prêteront à elle, épouseront ses formes ; comme par hasard, les choses de la sagesse rejoindront les visées préalables du sage.
Espérons tout de même qu'ils auront passé un bon moment (sans que l'obsession ne gâche la passion).