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Définitivement
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31 mai 2020

Faire savoir la vérité relève sans aucun doute

Faire savoir la vérité relève sans aucun doute d'une pulsion sadique. Ce n'est pas nécessairement se sentir supérieur en soi (en tout et pour tout), ni forcément prendre sa revanche en tant qu'inférieur (on ne se regarde pas ainsi de haut), c'est une pure action qui se vit dans le moment : c'est dire ce qu'on a trouvé, montrer ce qu'on sait. 
Le sage a alors raison de désapprouver : est-ce vraiment ce dont a besoin l'autre ? Qu'en fera t-il ? Il faudrait plutôt lui confier nos intuitions (qui reviennent souvent au même), sans dévoiler par où l'on est passé. 
Le sage conclura alors : autant ne passer nulle part, tout est déjà là, tâchons d'y être réceptif. Mais c'est alors lui qui cède trop facilement à ses penchants pour la fin en tant que fin, à atteindre d'emblée. Or, l'essentiel est dans le chemin. Là où le sage aura toujours tort, c'est dans sa conception de l'aboutissement : il sait vers où il veut aller. Personnellement, je ne le sais pas.
La science cherche la plupart du temps à se faire croire qu'elle le sait (le fameux théâtre méthodologique où elle se donne fière allure) ; la preuve qu'elle ne le sait pas, c'est le plaisir sadique qu'elle prend à trouver, à montrer qu'elle a trouvé. Et le public en redemande. Ce qu'il demande, ce n'est non pas qu'on lui trouve (qu'en saurait-il, ce qu'il faut trouver ?), c'est qu'on lui montre.
Le sage souhaite au contraire ne rien montrer, ou tout du moins montrer qu'il n'a rien à montrer, rien à prouver. Mais à trop s'arrêter à ses souhaits (il fait une éthique de ses souhaits, le zigoto), il manquera ce qui fait tout le sel des étapes. Il croira être tout fier de ne rien avoir besoin de trouver, alors qu'il aura au contraire trop trouvé pour se demander même une seule seconde s'il n'y avait pas autre chose à chercher. 

Personne n’aime être tout seul dans sa vérité, ni le scientifique ni le sage. Il faut toujours qu’ils l'imputent aux objets qu'ils construisent. Comme par hasard, les choses de la science se prêteront à elle, épouseront ses formes ; comme par hasard, les choses de la sagesse rejoindront les visées préalables du sage. 
Espérons tout de même qu'ils auront passé un bon moment (sans que l'obsession ne gâche la passion).

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23 mai 2020

Rien ne m'angoisse tant que la pensée d'une

Rien ne m'angoisse tant que la pensée d'une séance chez un psy. Son attente, mon devoir de sens et de sincérité. Je préférerais braver toutes mes autres peurs, habiter au 7ème étage et devoir ouvrir ou fermer la fenêtre, développer séance tenante un discours théorique suffisamment construit sur un sujet encore inconnu quelques secondes avant mais aux enjeux brûlants, affronter le vent sans écharpe... Tout plutôt que le regard posé sur moi d'un praticien de l'âme. Il faut donc remédier à un tel blocage : prendre rendez-vous chez un psy afin de soigner mon anxiété à aller voir un psy. Mais ce psy, devrai-je donc me tenir face à lui aussi ? (Ou dans son dos, mais c'est kif-kif.) Vais-je réellement devoir lui exposer mes intenses réticences à la psy' ? Je ne crains rien autant que ce moment. Je préférerais que l'on me lance d'une poussée sèche le long du descente en ski, que l'on me fasse chanter en public cette mélopée contre laquelle ma voix de tête bute et se perd, que l'on m'oblige à tenir sur un vélo tant que je n'ai pas trouvé la stabilité requise. Tout plutôt qu'avouer dans le détail le malaise que je ressens à me confesser auprès d'un psy. Ce n'est pas très glorieux, je sais. Il faut remédier à cela. Seule solution : un psy spécialisé dans les gens qui rechignent à aller voir le psy qui leur permettrait de prendre conscience de leur problème avec le fait d'aller voir un psy. Cherché dans l'annuaire, trouvé. Numéro composé, mais vite raccroché (de mon côté ; du sien, pas eu le temps de quoi que ce soit). Car rien n'est aussi effrayant pour moi que ce tableau-là. Un obstacle insurmontable. Tout plutôt que ça. Plutôt un bain de lombrics, plutôt dix ans sans amour, plutôt dix ans de salariat, plutôt réparer un lave-linge que mettre les pieds chez quelqu'un qui attendrait de moi que je lui parle de mon trouble profondément ancré, de ma quasi-phobie (possiblement avérée, mais je ne le saurai jamais), de ma panique ultra-circonscrite, ne portant que sur une seule action (mais quelle action décisive !) : celle qui consisterait (j'en tremble rien qu'en l'écrivant) à aller raconter ce qui caractérise mon refus buté de consulter un psy compétent concernant la pathologie se manifestant par le symptôme unique d'effroi envers l'idée de parler à un psy formé aux questions de terreur envers le fait possible de devoir, plutôt que n'importe quoi d'autre dans la vie (même le mal de mer, même un moniteur autoritaire de nage), aller dire des mots à un psy. 

Mais il faudra régler ça, c'est sûr. Peut-être qu'un psy...

15 mai 2020

On ne pouvait que réagir ainsi. C'est à chaque

On ne pouvait que réagir ainsi. C'est à chaque fois à cause de lui. Il est fait pour qu'on l'aime et qu'on soit si affecté par sa capacité à ne pas nous en vouloir même quand il ne comprend pas ce qu'on lui fait.
Mon organisme s'est définitivement chamboulé à partir du moment où l'on devait lui faire des perfusions – à lui, pas à mon organisme (pas pour l'instant). Son regard, son refus, son feulement, c'était trop d'incompréhension. Impossible pour moi de le voir si incompréhensif : comment un être qui l'aime pourrait lui faire ça ? Allait-il, après ça, pouvoir continuer à nous aimer ? Le fait est que oui et que c'est sans doute ça le plus bouleversant : ce genre d'être passe outre, revient de l'incompréhension, tandis que nous en sommes incapables. Ils ont cherché à me faire un truc bizarre ? Qu'importe, je les aime ! Je ne crois pas qu'il sache, dans l'action, qu'on l'aurait fait "pour son bien" ; il sait juste, hors de l'action, durant tout le reste qui n'est pas cette incompréhensible action, qu'on l'aime et c'est ça qui importe, qui emporte tout. 
À partir de là, il est évident que ce genre d'être est le plus aimable qui soit, que c'est son bouleversement à lui qui va nous bouleverser le plus. Ce genre d'être est celui qui est le plus fait au monde pour être aimable, indépendamment de tout ce qu'on pense des autres (et ce n'est pas de leur faute, de toutes façons).
Trois ans de bonus à nos côtés, à ses côtés, ça valait le coup, il a assuré. On n'aura pas vu la différence avec avant. Trois ans après les tentatives de perfusions, il a malgré tout usé la corde et même si c'est compréhensible cela restera incompréhensible : gradation du bouleversement de mon organisme lorsque je dois attendre la mort avec lui tandis qu'il ne le sait pas. "Pour son bien" ? Là encore je n'en sais rien, pas sûr (peut-être encore un peu vivre en un sursaut certes précaire et provisoire mais toujours bon à prendre, non ? non ? non.), mais là encore, tout ce dont je suis sûr c'est que jusqu'au bout il nous aimait et qu'à partir de là ça ne peut être que lui qui soit le genre d'être le plus aimable et qui par conséquent bouleverse à tout jamais mon organisme.
C'est forcément lui qui devait causer tout ça, il n'y a que lui pour. Le plus aimable. Le seul fait pour être aimable, fait pour ça au sens où nos ancêtres ainsi que les siens l'ont voulu, donc ont voulu aussi être bouleversés à ce point (en tout cas de notre côté). Les autres, à savoir les gens, ce n'est pas parce qu'ils sont aimables qu'on les aime, c'est même parfois pour tout l'inverse. Ils ne nous pardonnent rien, ont leurs visières qui les empêchent de trop aimer, ce qui ainsi est réciproque. Ils choquent, je dis pas, mais ça fera pas le même effet.
Oui, vraiment l'impression que c'est à cause de lui, car seul lui peut. 

5 mai 2020

La phrase que je n'ai jamais écrite “La preuve,

La phrase que je n'ai jamais écrite

 

“La preuve, un vigile est encore plus con qu'un flic !”. J'ai décidé de ne jamais écrire cette phrase et c'est ce jour, le jour de cette décision, que ma vie a basculé. 

Avant même cela, avant même d'avoir l'idée d'écrire cette phrase, elle (pas la phrase mais une humaine avec qui je vivais) m'avait foutu le doute : “mais es-tu bien sûr de connaître les tenants et les aboutissants du problème dont tu discutes ?”. Car comme toujours, le débat en ligne provoquait chez moi tension et angoisse. Impossible de savoir si l'autre n'allait pas, d'une minute à l'autre, ruiner définitivement notre estime de soi. Contrairement aux regards et mimiques perçus de vive chair, les mots surgissent toujours lorsqu'on s'y attend le moins.

(Cela m'était arrivé quelques années plus tôt et j'en porte encore aujourd'hui les séquelles. La majeure partie de mes malaises avec mon moi comme avec les autres trouve son origine dans l'ambiance de ce forum où c'était devenu une habitude de me traiter de "con". Je ne sais plus vraiment qui je suis depuis ce jour, je ne vis qu'à côté de ma personne. Réside sans cesse la possibilité – effrayante car sans possibilité d'anticipation – d'être un "con".)

J'étais tombé sur l'un des rares défenseurs contemporains du libéralisme. Sa pensée symétrique répondait à la mienne : la preuve que le marché était pire que l'État (qui n'était déjà pas la panacée), c'était qu'un vigile était encore plus con qu'un flic. Cette phrase, je ne l'ai jamais écrite. Elle avait pourtant un certain sens, mais tellement qu'elle n'en avait aucun, car tout son sens bouchait tout le reste du sens qu'il y a dans le monde réel. J'avais compris de quoi relevait ma déconnexion.

(J'avais écrit le brouillon manuscrit de mon texte dans un carnet de dessins. L'année dernière, alors que je devais montrer ce carnet à un artiste dans un but qui l'était aussi – artistique –, je choisis de détacher ces pages. Car au final je ne les ai jamais écrites.)

J'avais écrit le brouillon, je m'apprêtais à répondre, devais-je répondre, devais-je dire, devais-je écrire ? (C'est à cela que s'est résumé la majeure partie de mon existence jusqu'à présent : dois-je écrire ? Tout ce que vous lisez ici est le résultat d'un certain nombre de réponses à cette question, sans que vous ne sachiez jamais – vous ne saurez jamais – lesquelles – lesquelles de choses – j'ai finalement choisi de ne jamais écrire. Par exemple, il a bien failli y avoir un tout autre texte que celui-ci, texte qui existera peut-être un jour, peut-être jamais. C'est le principe.)

Avant de me décider, j'ai fait venir l'assemblée habituelle (mon éternel procès, parfois adjuvant, parfois enfonçant). Les remarques dont je me souviens : 

“Quand te rendras-tu compte que le monde ce n'est pas cela, ce n'est pas “un vigile” qui serait plus ou moins “con” que, c'est sa vie, ses conditions de vigile à déceler, déployer, explorer, rapporter, et qui montreront de quoi serait faite ou non sa présumée ou pas “connerie” qui soi-disant le définit ou le constitue présentement dans l'état actuel de l'histoire. Tu n'auras jamais accès à son moi, ne l'hypostasie donc pas ! Que tu le trouves haïssable, c'est une chose. C'en est une autre de refuser d'objectiver cette considération en toi, car toi aussi a une histoire. Toi aussi vit ici et là la “connerie” présumée, ressentie, imputée. Tu l'as dit. Disserter sur le monde social n'est pas un jeu. Et même quand ça l'est, ça ne l'est pas car alors on le poursuit en étant immergé dans un bain adulte d'illusion qui constitue ce jeu comme règle à poursuivre, à continuellement investir : le Professeur Choron aurait pu écrire cette phrase, mais c'était le Professeur Choron. Il poursuivait la vie du Professeur Choron, il existait comme Professeur Choron. Il avait choisi d'apparaître ainsi objectivement. De ton côté, tu n'es qu'un individu pratiquant le débat en ligne. Rien de plus. Et à partir de  là, tu seras ce que ton choix d'être t'aura déterminé à être, et non pas ce qu'une phrase plus ou moins bien tournée aura choisi pour toi. Es-tu cette phrase ?”

Je ne l'étais pas, donc je ne l'ai pas écrite. Je n'ai jamais écrit cette phrase. Et maintenant je comprends mieux pourquoi, car depuis j'ai appris tout le reste de ce que cette phrase ne contenait pas, ou en tout cas pas mal de choses.

 

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