Franchement, c'est pas dit ! C'est pas dit que ça aurait changé quelque chose, que j'en serais pas là aujourd'hui à écrire ce texte, si j'avais pas choisi la pop. Je me doutais bien qu'il y avait un risque à l'investir ainsi aux dépends du reste de la vie, mais je me disais aussi que rien ne prouvait qu'en l'oubliant davantage (si j'avais fait le choix cruel de l'oublier) on m'aurait considéré autrement. Certes, aujourd'hui je n'ai plus rien que la pop, mais si j'avais pas eu la pop il ne me resterait même plus la pop, il ne me resterait plus rien. Comment savoir si cela a réellement joué un rôle dans le fait qu'on semblait ne pas être convaincu par mon existence ? Je n'étais pourtant pas sans arrêt rivé à mon baladeur !
La pop, cela prenait sans conteste du temps d'écoute. Tout en l'écoutant, je suivais spontanément le reste des choses à faire suivant les préoccupations du moment. J'ai toujours été préoccupé par les mêmes contenus, mais ceux-ci ont pris des dehors toujours changeants. Me revoici ici aujourd'hui avec ce texte, situation la plus solitaire du monde (je n'ai quotidiennement plus que la pop dans ma vie, tout le monde est parti), situation qui en évoque d'autres, de plus anciennes qui ont déjà existé et dont je pensais m'être extirpé en poursuivant mes diverses obnubilations successives, mais sans que celles-ci ne me permettent pourtant, apparemment, de me prémunir contre le retour de la situation présente, principalement caractérisée par l'écriture de ce genre de texte.
À un moment, j'ai sérieusement commencé à me sentir bien, je ressentais de l'intérêt pour tellement de choses différentes, je faisais preuve de tellement d'esprit que je me suis senti invincible. Cette euphorie m'a vite paru louche (elle l'avait souvent été jadis) et la peur a donc grandi, la peur du retour du malaise, du doute. C'est là que ça s'est précipité : je sentais que je ne tenais qu'à un fil, qu'il suffisait de n'être brusquement (moi-même ou les autres) plus convaincu(s) par mon existence pour perdre l'entièreté de mon assurance acquise. Il s'est passé ce que j'avais pressenti mais sans l'avoir prémédité : ce sont essentiellement les partages qui se sont avérés précaires, mon lien au monde ne s'était, il faut croire, pas suffisamment affermi. J'avais pourtant l'impression que ça y est, c'était parti. Mais me revoici aujourd'hui ici.
Croire que tout serait la faute de la pop serait risqué. Elle est tout ce qu'il me reste ; si je devais elle aussi la remettre en question, je me verrais dans l'obligation de me conduire vers une illusoire indépendance affective de l'ordre du virilisme qui ne durerait sûrement qu'un temps et verrait naître une peur du retour du rien encore bien plus puissante que celle que j'ai déjà connue. Telle serait ainsi vraiment ma fin (et c'est ce qui fait la misère qui nous entoure, que je ne souhaite pas rejoindre). C'est justement en me penchant sur ce gouffre repoussant que je saisis ma dernière chance intérieure : je n'irai jamais dans cette négation, je tiendrai la route, la seule route qui vaille, sans cesse similaire et changeante à la fois, la seule pop digne de ce nom, le cœur de ma croyance ; en tentant dans le même temps de me réaccrocher au monde, de lui expliquer que je n'ai pas spécialement voulu ce texte, que bien qu'actuellement inévitable (ce genre de texte) je me serais bien passé de l'écrire, qu'il en soit certain !