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Définitivement

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28 septembre 2021

Intersectionnalité Ce n'est pas parce que je suis

Intersectionnalité


Ce n'est pas parce que je suis un mec que j'en ai toujours envie.
Je ne crois pas d'ailleurs que je sois un mec, pas plus qu'un Blanc.
À cause que vraiment, je me sens souvent si aphone, si en porte-à-faux...
Ça c'est à cause que je ne suis pas tout à fait valide, pas tout à fait d'attaque.
Pas tout à fait d'attaque pour lutter virilement contre le capitalisme, pas tout à fait d'attaque pour m'intégrer civilement dans le capitalisme.
Pas assez Blanc pour ça, pas assez confiance en ma culture.
Je vous assure que je n'ai pas d'assurance.
Je me sens tout perdu à cause de mes malaises, à cause de ma viabilité non assurée.
À cause de ma fiabilité non genrée.
Pas assez mec pour ça, pas assez confiance en ma validité.
J'ai trop perdu pied face à eux, ceux qui commandaient.
Je veux dire ceux qui semblaient bien ancrés, bien enracinés, bien sûrs d'être là.
Je veux dire les mecs, ceux qui ne flanchent pas.
À fond dans la certitude de l'efficience de leurs références, je veux dire les Blancs.
Je ne crois pas que j'en sois, tout simplement parce que je ne digère pas ce qu'ils boivent.
J'ai pu tenter parfois de m'y inclure, par exemple en parlant fort, en parlant grave.
Mais c'est comme si les plis du corps appuyaient trop, avaient le dernier mot.
Pas possible d'être un vrai mec quand on semble s'excuser de tout.
D'être là ou de ne pas être là, de ne pas parvenir à rester debout.
De ne pas parvenir à tenir la barre, de ne pas parvenir à tenir tout court.
De ne pas parvenir à tenir, de ne pas parvenir à tenir plus que tout à certains bouts.
À certains bouts prédéfinis, prédéfinis par les Blancs.
Je veux dire bien sûr par les mecs, par les normaux.
Ceux qui ne sont pas malades chroniquement, je veux dire.
Qui sont tout le temps Blancs, qui sont tout le temps mecs.
Qui peuvent en témoigner, qui y ont intérêt, qui en ont les centres d'intérêt.
Quelle imagerie reconstruire à côté ?
Aucune idée.
Pas vraiment d'idées innées quand on est peu alerte, peu au fait.
Je veux dire peu au fait de ce que ce serait, vraiment, que de ne pas être flageolant.
Que de ne pas être un mec, que de ne pas être un Blanc.
Et si on était tout le reste ?
(Et si eux aussi, un jour ?)

 

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8 septembre 2021

Ça commençait toujours par « vous voyez, je

Ça commençait toujours par « vous voyez, je n’apporte pas de réponse ». Grrr, les secouer par les jambes ! J’en voulais, des réponses !
Mais du côté de ceux qui en apportent, il fallait toujours que tout soit bien rangé, découpé, pour remédier à l’angoisse. Et non seulement y remédier, mais s’assurer qu’on l’avait bien cernée en repassant toujours par les mêmes lieux, en contrôlant les citations, les façons de parcourir ; à savoir que non seulement on reparcourait, mais on s’assurait qu’on avait bien reparcouru de cette façon et pas de telle autre – et du coup on reparcourait encore une fois, une fois de plus.
Vraiment pas la même manière d’écarquiller, n’est-ce pas ? 
Mais vraiment, du côté des artistes, ce qui était insupportable, c’était cette façon de parfois regarder dans le vide, comme à distance de tout, et de dire « oh vous avez vu comment cette ligne passe ici, hi hi ? », alors qu’on s’en foutait tous royalement. Je les soupçonnais même de s’en foutre eux aussi mais de justement se complaire dans le fait de s’en foutre, de préférer se foutre de quelque chose que d’investir quoi que ce soit de dicible.
À l’inverse, de l’autre côté, si on était bloqués, c’était moins dans le vague que dans l’établissement d’un surlignage : « vous avez entendu ce qu’il a dit ? eh bien je vais le redire à ma façon ! ». Sauf que « sa façon » consistait à bien vérifier que c’était comme ceci qu’il fallait le dire et pas autrement, ce qui au final revenait bien souvent au même que de le redire exactement de la même façon.
Vraiment perdus à jamais, je sais pas où on finira par les retrouver.

12 août 2021

Tendre vers un art avec zéro pensée et une pensée

Tendre vers un art avec zéro pensée et une pensée avec zéro art (le seul commentaire-mélange des deux étant autorisé sur le blog Définitivement), avec simultanément, en les faisant, chacun de leur côté, chacun pour lui-même, une quête portant autant sur leur accomplissement spécifique que sur la visée asymptotique de l'arrêt de l'autre, la promesse future de cet arrêt formant une partie de cet accomplissement.

L'un des moteurs les plus puissants de ma conversion à la pensée fut la promesse inespérée, jamais vraiment poursuivie depuis mon adolescence, de l'arrêt de l'art. En creusant la pensée, en m'y mêlant définitivement (car, quoi qu'il arrive, cela est assuré en tant que mouvement, cela est acquis), j'affirmais dans le même temps, je visais impatiemment l'arrêt de l'art. Cela ne m'empêchait donc pas de penser à l'art en faisant de la pensée, au contraire : chaque nouvelle étape franchie dans la pensée était un message adressé à l'art (nargué) comme quoi je le quittais avec soulagement et fierté. La pleine joie du zéro art dans la pensée, c'était encore prendre en compte l'art et en quelque sorte le chérir : le chérir tellement qu'on l'avait dépassé, que l'on pouvait s'en délaisser. (On était passé à autre chose et c'était toute la route qu'il fallait prendre en compte, tout ce mouvement.)

Et d'une certaine manière, même quand je reprends l'art – et même quand je reprends la pensée après avoir repris l'art –, je ne cesse pas de penser à son possible arrêt futur ainsi qu'au possible arrêt futur de l'autre (art ou pensée) : j'ai tout autant hâte d'arrêter que j'ai hâte d'arrêter l'autre. Les deux arrêts probables forment l'intérêt, le goût de la poursuite. Ce n'est pas qu'en pensant toujours à l'autre (art ou pensée) je cesse d'avoir la tête à ce dans quoi je suis à un instant donné (pensée ou art), c'est au contraire par cette pensée de la prochaine victoire (ou défaite) de l'autre que je saisis pleinement le goût de la quête présente, celle-ci se colorant de tous les attraits que peuvent avoir sa défaite (ou sa victoire) en regard à la victoire (ou à la défaite) de l'autre. J'aurai donc fait ceci pour enfin affirmer son arrêt, ou pour affirmer enfin l'arrêt de l'autre malgré sa propension à poursuivre l'arrêt de ceci. Dans les deux cas, c'est fort, ça grandit.

Je me sens plein. « Gros de... ». 
Je peux l'affirmer.

18 juillet 2021

Au début je croyais que mon anarchisme était un

Au début je croyais que mon anarchisme était un centrisme. Le vrai centrisme. Celui entre l'individu et le collectif : le vrai, le seul vrai – la droite faisant croire qu'elle préserve les deux à sa manière (la liberté individuelle d'agir du riche, la propension à enrôler le pauvre dans son ordre collectif), la gauche oubliant trop souvent d'étendre l'éventail des possibilités des aux-noms-de-quoi chacun idiosyncrasiquement empruntera le chemin d'une cause plus grande que lui. 
C'était le juste milieu, le vrai juste milieu.

En fait, c'était encore trop se définir par rapport aux deux bouts : si c'est le centrisme qui fait croire aux extrêmes, c'est parce que ce sont bien ces extrêmes, leurs contenus respectifs qui créent l'existence d'un centrisme ayant à se définir en rapport, uniquement en rapport, par rapport, sans que l'on parvienne à définir précisément son contenu substantiel. Si je m'étais mis à croire que j'étais au milieu de tout, c'est parce que ce tout environnant était arrivé à me faire croire qu'il était la seule réalité possible, que l'on ne pouvait prendre le monde que par ces biais. Erreur éternelle.

(Par exemple : la croyance selon laquelle libertaires, antiracistes ou féministes, avec leurs histoires de prison, de police, de patriarcat feraient preuve d'un esprit analytique, très doués pour se pencher sur des questions spécifiques mais incapables de penser synthétiquement la totalité capitaliste dans sa logique de rapport social global à considérer prioritairement. Bref, croyance en l'innocence et l'évidence de la segmentation du monde, découpé tel un puzzle. En affirmant être le garant de la pensée de la totalité, on oublie que c'est en la tranchant préalablement que l'on peut se coiffer ensuite de la couronne de la dernière analyse, du dernier mot. Et on la tranche selon son bon vouloir. On passe son temps à diviser, quand l'on souhaite ainsi rassembler. Ceux qui ne divisent jamais, c'est ceux qui sont tout entiers plongés dans des mondes de vérité considérés en tant que tels, comme ce qu'ils sont phénoménalement lorsqu'on les vit : des fins en soi ; les mondes concrets de la violence qui existent tous autant qu'ils sont, qui ne connaissent pas les causes premières ou les fins dernières, le social ni le sociétal ; bref, là où ça se passe pour les humains, tous les humains d'un monde donné, le seul monde qui soit, le seul vrai.)

De la même façon : mon incapacité à trancher entre quête anxieuse d'ordre explicatif et quête anxieuse de justesse de rythme, entre la pensée (ou le discours) et l'art (ou le langage), n'était-ce pas une pure vue de l'esprit centriste, beaucoup trop dupe de ce qui l'encerclait autoritairement ? Il y avait des vérités bonnes en elles-mêmes à faire apparaître, indépendamment de leur appartenance conventionnelle, presque administrative, à tel ou tel champ constitué. Tout risquait de me dégoûter et je risquais de les dégoûter tous, mais peut-être que ça en valait le prix (à défaut de la peine, car rien ne justifie d'être aussi fatigué ; comment les autres peuvent-ils se souvenir qu'ils m'ont un jour croisé alors que j'avais eu dès le lendemain un refus farouche et fiévreux d'avoir été ce que j'avais été ce jour-là ?) : le prix d'avoir trouvé ce qu'il y avait précisément à faire ressortir de ma compréhension en cet instant.

De la même manière : suis-je trop attaché ou trop détaché ? « En fait tu n'es pas un vrai solitaire, m'a t-elle dit ; tu sais que j'ai déjà fait une retraite monacale sans parler ? ». À voir ce dont je serais capable ou pas, à voir, à voir... J'enrage de voir toujours l'Autre s'échapper alors que je n'ai fait que chercher sa présence à mes côtés. Ensuite, pour ce qui est d'être au clair sur ce que j'attends de cette présence, il n'y a qu'un pas, encore difficile à franchir. Cette présence peut être beaucoup de choses, tout comme elle ne peut pas en être certaines autres. Mais il faut en tout cas qu'elle soit là, que je sois sûr qu'elle soit là et bien là, car il n'y a que ça, dans la vie. Il n'y a que ça pour vivre pleinement, sinon on ne tient à rien. Même pas au centre.

27 juin 2021

Certaines situations existentielles du passé sont

Certaines situations existentielles du passé sont parfois tellement éloignées de celles du présent – pas forcément dans le temps mais simplement par comparaison – que j'ai peine à croire que ce fût vraiment moi. Je me le demande. "Était-ce vraiment moi ?". Oui, ça l'était, ce qui est finalement plus plaisant que déplaisant comme conscience, même avec le défaveur de la comparaison – car il s'agit toujours en général de situations plus complètes, plus intenses et accomplies, plus belles. Comment fais-je pour ne pas bloquer sur la perte ? 
En me disant justement que c'était moi, que c'était bien moi. Ça me communique de la force, un paysage de force, ça va chercher de quoi me reconsidérer, j'en ramène une certaine croyance en mon existence (puisqu'il s'agit bien de cela, tout simplement de cela : j'ai existé, ce qui est déjà proprement incroyable). De ce passé, je me dis, mon moi d'alors me dit que ça a existé, que c'était ainsi, il vient me le confirmer. 
Est-ce qu'il y a forcément l'espoir que par conséquent cela puisse se reproduire, pas exactement mais les mêmes sortes de beautés ? Ça n'est pas l'enjeu principal, même si cela peut en effet contribuer à l'assurance que... peut-être... Mais plus fondamentalement, il s'agit, plus modestement, de constater simplement que ça a existé. Ça a eu lieu. Rien que de me dire ça, c'est déjà me dire beaucoup. J'en verse alors une larme, sans savoir de quelle nuance elle relève.

Et puis... de toutes façons... quelle cumulation ! Je dis "de toutes façons" car cela suffit déjà, cette cumulation. Cette cumulation qui est la preuve que tout additionné, c'est toujours plus grand que moi, ça fait un compte plus grand que moi pris isolément de façon actuelle, actuellement de façon isolée, donc que ça existe bien davantage, même si ce n'est qu'en tant que « gros de... », qu'en tant qu'état « gros de tout ce que... », gros de potentialités car gros de tout ce qui est accumulé. C'est toujours bien plus là, bien plus moi que le « simplement là, simplement moi ». 
Dans ces moments-là, tous ces passés se superposent. Dans chaque rue, par exemple, il y a une vie qui a eu lieu, une vie de moi où je me dirigeais vers tel mouvement, telle pensée, tel endroit : et alors tout cela est possible en même temps puisque ça a existé. Je suis gros de tout ça, de tout ce qui a existé en moi et avec moi. C'est autant là que le présent puisque c'est bien plus important mathématiquement, ça peut se compter de façon bien plus conséquente : c'est accumulé. Ça revit donc autant que la vraie vie, C'EST même la vie, c'est ma vie, c'est LA preuve que ma vie ça a été ça aussi, que c'est toujours ça en plus d'être ce qui est dans le même temps sous mes pas. Tout est dans le même temps, tout se superpose.
Je peux tout faire revivre. C'est autant là que tout le reste. Ça existe.
J'existe.

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25 juin 2021

De l'art dans la vie sans art...Mais est-ce que

De l'art dans la vie sans art


...Mais est-ce que ça ne serait pas l'inverse ? (Ben oui, c'est l'inverse vu qu'elles sont inséparables.)
La conscience de ne pas l'être (ou la non-conscience de l'être), ne serait-ce pas le summum de l'action ? 
Et l'action sans conscience, ne serait-ce pas le summum de la conscience qui n'a pas besoin de l'être ?
C'est justement en ne me pensant jamais dans l'art que je m'y immisce le plus. C'est ma seule façon d'en « faire ».

[« En ce sens, on peut dire que le doute spontané qui m'envahit lorsque j'entrevois un objet dans la pénombre est une conscience, mais le doute méthodique de Descartes est une action, c'est-à-dire un objet transcendant de la conscience réflexive. », Sartre, La transcendance de l'Ego]

Les plus anxieux sont-ils les artistes ou les penseurs ? Ils le sont différemment.
À première vue, il semble évident que l'esprit de système, d'inventaire, de répertoire soit une ordonnance de l'incertitude. Mais n'est-ce pas à cette recherche progressive de certitude que nous devrions tous nous consacrer ?
Or, en répondant « non, je n'apporterai aucune réponse », c'est bien l'artiste qui avoue être le plus agité : il voit trop de choses se recouvrant, s'additionnant, se découpant selon des plans contradictoires, il en est débordé et est ainsi empêché de se consacrer à ce à quoi il faut bien se consacrer (la recherche de liens logiques, de cases nommées, de grilles tracées). Il est pour toujours empêché, du moins c'est ce qu'il tient à faire perdurer : il en fera un « métier ».

24 juin 2021

Pas d'art dans la vie avec l'artPour résumer, je

Pas d'art dans la vie avec l'art


Pour résumer, je n'ai jamais « voulu » l'être, bien qu'à des périodes je n'aie fait que ça.

C'est à la fois une certaine séparation de l'action et de la conscience, et en même temps la fin de toute séparation.

On pourrait croire : « tiens, comme il ne se donne pas les moyens de... comme il ne se pense pas en tant que... comme il ne se considère pas comme... c'est donc qu'il n'en est pas vraiment un ! ». Alors que dans les faits, je n'ai souvent fait que ça, même quand j'en faisais moins.
C'est pas parce qu'il n'y a pas la conscience qu'il n'y a pas l'action.

On pourrait croire : « tiens, comme il est toujours en train de... comme il peut pas s'empêcher de... comme il se met parfois à abandonner le reste pour... c'est donc qu'il en est un ! ». Alors que dans la tête, ça se fait sans « choix » de l'être, en gardant ses distances, même quand il y a pratique de.
C'est pas parce qu'il y a l'action qu'il y a la résolution.

Mais du coup, l'une n'empêche jamais l'autre. Elles sont chacune là, à leur façon. Mais toujours incomplètes, par définition.

14 juin 2021

Faire et ne pas faire C’est justement parce qu’il

Faire et ne pas faire



C’est justement parce qu’il y avait l’évidence qu’il y a eu la honte.

Justement parce que c’était trop normal d’être un artiste, trop l’exemple recommandé, qu’il y a eu l’envie trop spontanée de l’être et à partir de là, la peur du ridicule.
Tous ceux qui paraissent ne pas avoir de problème à l’affirmer, à nager dans le bain, c’est sûrement après tout parce qu’à la base ils ont eu l’impression d’obtenir quelque chose contre une évidence adverse, qu’ils sont pas gênés. C’est la fierté, l’affirmation, l’orgueil d’en être contre tout ce qui n’en est pas.
À l’inverse, quand il a paru (à moi) que c’était la banalité du destin que d’y tendre, d’essayer de me trouver « mon truc » à moi dans l’art et que cette recherche, par sa candeur trop empressée, me conduisait à investir des choses trop fortes pour moi, me conduisant au ridicule, je ne pouvais que me sentir perpétuellement honteux. Je disais donc : la honte d’une évidence trop grande (trop grande dans l’absolu, trop grande pour moi).

J’ai retardé le plus longtemps possible le moment où j’allais devoir me saisir moi-même de mes dires, au lieu de les laisser aux autres. Banalité de démarrer en tant qu’interprète ? Certes, sauf que c’était ainsi, déjà, que j’avais l’impression de « faire » (l’art). Être tellement nourri, y plonger tellement et en répéter les atours et les contours, que l’évidence perdait sa sécheresse (la sécheresse crucifiante du « allez, vas-y, à toi ! ») et prenait toutes les couleurs possibles du monde. C’est quelque chose que j’ai retrouvé tout au long de mon parcours : les périodes où j’ai l’impression de « faire » le plus, à savoir d’être le plus (vous m’accorderez l’équation faire = être), sont rarement celles où j’ai « fait » proprement dit au sens où l’entendent ceux qui « s’y mettent » vraiment. « S’y mettre » me semble même parfois la meilleure façon de se défiler, de passer à côté non seulement de soi, mais aussi carrément de l’art en tant qu’en-soi (celui-ci devenant alors sec, trop accessible à l’individu pour être honnête).

À partir de là, ma démarche d’artiste, épousant à son corps défendant, par la force des choses, de façon non préméditée, une propension conceptuellement postmoderne à la « monstration de soi », allait reposer sur cette source fort riche en surprises, dont le plus grand mystère est pour moi qu’elle ne convainc pas davantage de monde : celle de l’alternance entre « faire et ne pas faire », sans que l’on sache jamais très bien de quel côté l’on se situe.
Dit de façon plus sociale : c’est justement parce que l’art était l’évidence de ma vie qu’il ne fallait pas que je m’y consacre. « M’y mettre » entièrement aurait été une preuve d’une trop grande légèreté vis-à-vis de lui. C’est justement en ne m’y « mettant » pas entièrement que je m’y suis mis tout entier, au sens où ainsi c’était complètement moi : ce fait de ne pas « s’y mettre », ça ne pouvait pas être plus moi. Et c’est cela que je voulais montrer, développer.
Ainsi, parfois, j’ai été encore plus proche de l’art quand je m’en éloignais, car cette volonté d’éloignement ne pouvait avoir lieu que sous son commandement, témoignait de son importance tellement haute qu’il pouvait me conduire à vouloir m’en préserver (pour ne pas le gâcher, et puis toujours à cause de sa trop grande force pour mes faiblesses).

Hors de question de faire de l’art, tellement je suis un artiste ! C’est pour ça que je n’en parle pas à grand monde. Ça doit rester entre l’art et moi. Ainsi, c’est l’être encore plus, c’est faire juste pour faire, ce qui est bien le plus bel hommage que l’on puisse faire au faire.
Ceux qui sont « dedans », est-ce qu’on peut dire qu’ils continuent vraiment à l’être, à en faire ? Franchement, pas tout le temps, pas souvent. C’est autre chose : c’est leur raison de vivre ; moi, c’est ma raison d’être. Ma raison de vivre, c’est le sentiment de l’art dans la vie, ce qui suppose parfois de laisser un peu l’art pour mieux le retrouver dans la vie. Quant au sentiment de la vie dans l’art, je connais aussi, je m’y suis attaqué dans ma jeunesse, quand je m’y isolais du reste. Mais alors c’était trop « faire » pour que ce soit vraiment du « faire » digne de la vie, c’était trop s’obnubiler, s’illuminer : il faut que « faire » sache passer par « ne pas faire » pour rester pleinement vivant.

Me soigner, il me semble que c’est souvent passé par « ne plus faire » (de l’art). Car c’était ainsi me délester de manies, de lubies. Or, l’artiste qui « y est », qui « s’y met », il doit accepter de s’y enfermer, dans ses lubies. C’est ainsi qu’il fait son métier. Il devient ainsi à la fois non-sain, contraire à la vie et donc à l’être et donc à l’art, tout en étant officiellement artiste et même le seul « vrai », le seul qui soit. Il y a quelque chose qui cloche, ça colle pas. Quand c’est qu’ils nous montreront lorsqu’ils ne font plus ? On aimerait les voir (aussi) lorsqu’ils ne font pas ou plus ! Mais ça, ils le gardent pour eux, alors que c’est ce qu’il y a de plus intéressant.

Je suis sûr que vous savez que c’est quand je ne fais pas que je fais le plus, je suis sûr que ça se sent. Le faire sentir, c’est ce à quoi je me suis consacré, ce qui suppose donc (aussi) (parfois) de volontairement et sereinement ne plus faire.

Dans chaque période, dans chaque virage, je suis conscient que ça ne durera qu’un temps, que ce n’est qu’une période, qu’un virage, mais ce sentiment n’empêche pas d’y aller délibérément et frontalement. Au contraire. Ça fait partie de la richesse de la décision. Quand je refuse l’art, c’est tout l’art qui m’entraîne ainsi et que j’ai hâte de retrouver dans quelques mois ou quelques années (suivant la durée de la période, du virage) ; mon refus, c’est encore lui, c’est encore de l’art. Le goût pour m’en sortir, pour le réfléchir, m’en distancer d’un regard distancié, sociologique, psychologique, c’est encore lui, c’est toujours lui, c’est toujours l’art qui me fait être ainsi. Ce serait pas possible autrement. Ça n’aurait pas lieu.

Le fait d’écrire tout cela, c’est y revenir pleinement (dans une exposition proprement artistique où le ton, le ton du soi a toute son importance). Mais je sais qu’en y revenant, je voudrai dans quelques temps m’en éloigner de nouveau et rejouer au « revenu de tout », au sachant. Et alors je n’écrirai de nouveau plus pareil, à ce point que je ne voudrai plus écrire (au sens d’écrire) : je voudrai alors dire (alors que dire, dans l’art, ça ne se fait pas, ça n’est pas des manières). J’en ai tout à fait conscience en ce moment, au moment où précisément je dis, tout en écrivant, je fais croire que je dis alors que j’écris et vice-versa, en fait je ne sais pas forcément où j’en suis. Mais quoi qu’il en soit, bientôt, je ferai croire que j’écris alors que je dirai. Vous verrez.

 

28 mars 2021

Les autres n'existent pas M : Vous voulez

Les autres n'existent pas

 

M : Vous voulez vraiment entendre parler de moi ?

A1 : Oui, enfin pour mon article.

M : Pour votre article ?

A1 : Oui, ou mon émission, bref ce sera pour faire savoir. Vous inquiétez pas, je serai neutre.

M : Je comprends pas ce mot. Tout ce que je veux comprendre, pour m'y préparer, c'est comment vous me parlerez. Qu'est-ce que je pourrai entrevoir de vous à travers comment vous me considérerez.

A1 : Ah mais rien, vous ne saurez rien de moi. Je veux juste vous faire savoir vous, vous faire savoir à ceux qui m'entendent.

M : Mais à qui ? À la cantonade ? Ça existe pas. Je connais que des gens, des autres.

A1 : Je vous redis : ne vous inquiétez pas, je ne serai ni spécialement bienveillant, ni spécialement malveillant.

M : Ah donc vous n'existerez pas, en gros ?

A1 : Je ferai mon boulot : j'exposerai les choses, je chercherai à savoir. Je me ferai la voix de ceux qui veulent savoir ce que vous avez à dire.

M : Mais c'est qui ? Et comment être sûre que quand vous direz quelque chose, ce sera bien vous qui le direz ?

A1 : Aucun moyen de le savoir, je ne dévoilerai pas mes penchants : je me ferai parfois l'avocat du diable, parfois l'avocat de l'ange ; parfois l'avocat du sachant, parfois l'avocat du benêt. On ne saura jamais ce que je pense de quoi que ce soit, je me tiendrai entre les flots pour faire advenir la nuance à apporter à votre parole. 

M : À apporter ? Mais pourquoi faudrait-il lui apporter quelque chose ?

A1 : Parce que c'est ça le principe de l'esprit critique. Je suis journaliste.

M : Je vous laisse, je veux être sûre de pouvoir parler à quelqu'un.

 

M : Et vous, vous voulez vraiment entendre parler de moi ? 

A2 : Oui, enfin pour mon article.

M : Ah, vous aussi c'est pour un article ? Ça vous avance à quoi ?

A2 : Un article mais fouillé, qui prend le temps. Et vous, ça vous avance à quoi de me parler ?

M : Oh, vous me posez une question sur moi, c'est déjà un point touchant. Vous vous intéressez à moi ?

A2 : Oui, vous êtes représentative.

M : Comprends pas ce mot. Ce que je veux comprendre, pour m'y préparer, c'est comment vous me parlerez. Ce que je pourrai entrevoir de vous à travers comment vous me considérerez.

A2 : J'ai beaucoup réfléchi à ce sujet mais ça me regarde. Je ne vous dirai pas pourquoi je vous interroge.

M : Comment ça ? Vos raisons sont-elles à ce point inavouables ?

A2 : Au contraire, mais je ne voudrais pas qu'elles vous influencent. Qu'elles influencent vos dires, je veux dire.

M : En quoi c'est un problème que quelque chose influence mes dires, puisque vous voulez que je vous parle ?

A2 : Parce que ce n'est pas n'importe quels dires que je recherche. Mais je ne vous dirai pas lesquels.

M : Je vous dérange tant que ça dans ce que je suis ?

A2 : Au contraire, mais je veux être sûr que ce soit bien vous.

M : Si je vous dis que c'est bien moi, toujours moi, vous faites quoi ?

A2 : Je note, mais je reviendrai quand même à mon fil. Il faut un fil pour espérer être sans filtre, si je peux me permettre cette image.

M : Mais c'est vraiment moi qui vous intéresse ? Comment je saurai qui vous êtes, ce que vous pensez de moi ?

A2 : Vous ne le saurez jamais, du moins dans un premier temps. Je vous enverrai les résultats de l'enquête.

M : Pas de possibilité de compte-rendu de vos réactions avant cela ?

A2 : Pas. C'est le principe de la distance scientifique. Je suis sociologue.

M : Je vous laisse, je veux être sûre de pouvoir avoir quelqu'un en face de moi.

 

M : Et vous, c’est vraiment moi que vous voulez entendre ou juste ma parole ?

A3 : Houla, vaste question qui forme tout le nœud du problème. Il n’y a pas de doute qu’à travers vous, ça parlera, oui.

M : Comment ça ? Le fond qui vous intéresse, c’est les dires ? C’est eux qui sont la vérité de ma personne ? Je croyais que c’était l’inverse (que c’était ma personne qui était la vérité de mes dires).

A3 : Vous vous situez dans de fausses alternatives, comme tout le monde. Ce n’est ni vous, ni pas vous, ni spécialement vos dires à vous. Ce sont des dires à travers vous. Et ça oui, ça m’intéresse.

M : Mais quel rapport ai-je avec eux ?

A3 : Oh, plein ! Plein de rapports. Vous avez tout construit à partir d’eux. Vous vous en êtes fait une étoffe, mais elle est à déchirer pour en connaître la structure.

M : Je ne sais pas si je vous le permettrai, c’est tout de même un peu intime… Mais enfin, si c’est pour qu’on se connaisse, moi ça me va.

A3 : Hé hé, oui, vous croirez me connaître, c’est bien ça le truc. Continuez à le croire, ça vous poussera en retour à vous connaître mieux.

M : Hein ? Ah mais ce sera comme un jeu, une mise en scène ? Le but ce sera seulement moi avec moi ?

A3 : Appelez ça « mise en scène » si vous voulez, en tout cas oui, c’est bien vous qui devez advenir. Je ne le ferai pas à votre place.

M : Vous ne devez pas advenir, vous ? Vous ne serez pas là avec moi ?

A3 : Je m’effacerai d’autant que je peux. Je saurai ponctuer quand il le faut, mais sans prendre toute la place, je le redis : c’est votre place à vous, asseyez-vous.

M : Oh mais vous n’êtes même pas en face ? Donc c’est bien ce que je disais, c’est comme si vous n’étiez pas là ?

A3 : Le support est là. Je suis un support, pas plus, pas moins. Je suis psychanalyste.

M : Vous m’excuserez mais je croyais parler à un être humain, au revoir.

 

M : Ils me font chier tous ces gars dont le principal but semble être de ne pas exister vraiment… Toi au moins tu existes, Gino ?

G : Mais oui Maria, tu sais bien que j’existe. Depuis tout ce temps, hein…

M : Oui mais n’empêche qu’en parlant de temps, eh bien ces derniers temps, tu… tu as tendance à…

G : On en a déjà parlé, Maria, tu le sais bien ça aussi : j’ai quelqu’un. J’ai quelqu’un, quoi.

M : « Quelqu’un »… Tu me réponds toujours ça mais je ne suis pas plus avancée. « Quelqu’un », je vois ce que c’est (en gros), mais « avoir »… Comment peut-on « avoir » « quelqu’un » ?

G : Ben c’est que ça prend du temps, tu sais ! On en revient toujours là… Il faut prendre le temps de partager des choses avec celle que l’on a choisi. Elle le mérite. Et on le mérite nous aussi.

M : Et moi tu m’as pas choisi ? C’est parce qu’on se connaît depuis « trop de temps », c’est ça ? C’est ça que tu répondrais ?

G : Toi c’est pas pareil.

M : Hop, je connais cette formule et d’ailleurs elle ne me pose pas problème : personne n’est pareil à qui que ce soit. Mais pourquoi ça voudrait dire que tu peux pas me considérer comme quelqu’un d’aussi dense que l’autre ? Pourquoi le périmètre s’est-il forcément restreint depuis qu’il y a l’autre ?

G : Avec l’autre, c’est la vie à deux, quoi. Tu sais ce que c’est…

M : Non, justement, pas trop. Ou disons simplement le versant arithmétique ; attends, tu vas voir, je nous compte : moi ça fait 1, toi ça fait 2. Nous aussi on est deux, aussi. C’est pas la vie, nous ? On compte pas dans la vie ?

G : Écoute, je serai toujours là pour parler avec toi, c’est juste que…

M : T’es sûr que ce sera « toi » qui seras là ? Le « toi », il est pas seulement là-bas, avec elle, l’autre ?

G : …Ah ben j’ai la tête ailleurs depuis que je l’ai rencontrée, oui. Mais je ne t’oublie pas.

M : Mais comment savoir si c’est vraiment toi, si en même temps tu es ailleurs ?

G : Écoute, on reprendra une autre fois, là justement je dois rentrer. C’est l’heure.

M : L’heure que vous soyez ensemble ?

G : Oui, si tu veux. C’est le principe du truc, tu l’auras compris. Je suis amoureux.

M : Tu as changé. J’ai l’impression que tu existes moins. Un peu comme les autres dont je te parlais.

G : Bon… À bientôt ?

M : Je sais pas. On sait jamais avec eux. Avec les autres, je veux dire (vu que maintenant tu en fais partie). C’est jamais sûr. Même pas le fait qu’ils existent, comme je t’ai dit. Je crois d’ailleurs que c’est ça, que c’est pas le cas. Les autres n’existent pas.

 

23 octobre 2020

Ils n'ont pas envie d'être qualifiés de "Blancs",

Ils n'ont pas envie d'être qualifiés de "Blancs", par contre ils ne semblent pas gênés d'être désignés comme "mecs".
Perso : l'inverse.
Disons : j'entends bien le besoin de nommer les "Blancs" (même si je ne pense pas en être), ça me paraît clair comme de l'eau de roche (sans mauvais jeu de mot), par contre est-on bien sûr de ce qu'est un "homme" avec un petit h ?
Tout le monde a l'air de trouver ça évident, en tout cas beaucoup plus que "Blanc", alors que je trouve que ça l'est beaucoup moins.
Résumons : les seuls moments où j'accepte de me regarder en tant qu'homme, c'est quand je suis tout entier dirigé vers les filles (ce qu'on appelle l'hétérosexualité). Hormis ces moments – qui ne sont pas toute une vie –, je ne sais pas ce que c'est, ou plutôt ce que je peux savoir n'a rien à voir avec ce que je pourrais être ou pas, ça fait partie d'un catalogue d'attitudes qui ne me concerne pas, disons encore moins que celles des Blancs (car à la rigueur, j'écoute beaucoup de musique de Blancs, mais je ne vois pas ce que je pourrais consommer comme "culture de mecs").
Néanmoins, c'est parce que je pense tout ça, c'est parce que je peux écrire ce genre de paragraphe que j'admets objectivement qu'il existent – puisque je n'en suis pas : les "mecs". Mais ça demande davantage de travail que pour les Blancs. Les Blancs, je les avais repérés depuis le début ; les "mecs", c'était juste ceux qui n'avaient pas d'intérêt (puisque dans le cadre de l'hétérosexualité, seules les filles en avaient). Il se pourrait bien alors que ce soit ça qu'apporte un certain féminisme : sortir les "mecs" de la neutralité ; qu'on en soit un ou pas, ça permet de les nommer et de se rendre compte qu'ils existent. 
Je m'aperçois que je ne savais déjà que trop qu'ils existaient, malheureusement ; que c'est en partie à cause d'eux que j'avais choisi l'hétérosexualité (c'est le principe même) : pour leur échapper en choisissant les autres, celles qu'on appelle les "filles". J'avais tout à fait saisi qu'ils étaient pas beaux (c'est le principe même), qu'il valait mieux s'enticher des autres qui sont quand même mieux en tout point (c'est le principe même de l'hétérosexualité).
Mécanisme en effet étrange : notre propre "sexe" est la chose que l'on voit le moins au monde, du moins lorsqu'on est hétéro, puisque l'on a choisi d'être aspiré par l'autre. 
Mais là encore, la même seconde où l'on aura appris qu'on est (semble t-il) un "mec", la seconde d'après on l'est encore moins puisqu'en s'objectivant on s'en est déjà distancé.
En gros, jamais vraiment été, et encore moins depuis que je sais que je peux passer pour l'être – puisque je refuse vraiment de passer pour tel (je refuse qu'on réduise mon hétérosexualité – qui ne regarde que moi – à la même "masculinité" que les plus démonstratifs des "mecs" ; seuls eux sont les vrais).

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