J'avais vu ça :
Rencontres Économiques - Concours « La parole aux étudiants »
Rédigez un essai sur le thème « Imaginez votre travail demain ! » - 5 pages, 15 000 signes maximum
Vous vous interrogez sur l’avenir du travail, écrivez vos idées et donnez libre cours à votre imagination ! Essai, récit, dialogue, aventure : choisissez la forme que vous voulez ! Technologie, rapports humains, politique, loisirs, économie : vous êtes libre d’aborder le sujet proposé sous le prisme que vous aurez choisi, et ce quel que soit votre cursus ou votre niveau d’étude supérieure.
Je voulais le faire car j'avais besoin d'argent (on pouvait en gagner). Sauf que la tête de Christine Lagarde parmi les participants du colloque et la mention d'Erik Orsenna parmi les membres du jury (Orsenna, celui qui utilise l'adjectif magique de manière péjorative pour désigner toute pensée politique un peu de gauche) me faisaient bien apparaître que ça n'allait pas pouvoir coller. Je voulais quand même essayer de faire le nombre de pages demandé et leur envoyer, juste pour voir (pour voir quoi ?). Je n'ai pas réussi. (Il faut dire qu'il y a l'expression dans le cul dès le quatrième paragraphe ; pas sûr qu'ils auraient continué plus loin.)
Ça donne ça :
Je me lève. Je veux voir des gens. Je veux vivre, bien vivre. Bien manger. Jouer. Écouter. Ça veut dire vraiment toucher ce pour quoi je veux être. Essayer à chaque minute que ce qu’il y a dans mes mains corresponde à ce qu’il y a dans ma tête.
Pour tout ça je ne vois pas le rapport avec le travail. Je veux dire : je ne pense pas que le travail puisse avoir un rapport avec tout ça, je ne vois pas en quoi le travail peut se rapporter à ça, alors qu’à la base il devrait. Donc problème.
Parler du travail lors de Rencontres Économiques c’est donc parler du travail comme moteur de l’économie. Le travail est un membre de l’économie. Ou l’économie est membre du travail, au choix. Car oui, le travail est quand même plus vieux que l’économie, donc il doit lui intimer du respect. Les mains dans le cambouis sont nées avant le calcul du nombre de mains à remplir de cambouis durant toutes leurs vies de mains.
Le membre de l’économie rentre dans le cul du travail. L’économie a un gros membre.
Un jour, on travaille ; le lendemain on apprend qu’on a servi l’économie. On n’en attendait pas tant. Bizarrement, ça ne change rien à l’état de nos mains. « Mais il faut bien ça ! » nous dit-on. Oui, bien ça pour qu’après on puisse se dire qu’on n’a pas servi à rien et que même si on n’a rien aimé de la pièce on a quand même aimé la conclusion, à savoir que rien en fait, rien du tout, ça serait revenu au même de rien faire puisqu’apparemment c’était encore trop d’acquis d’enfant pourri-gâté.
Le chômeur ne connaît pas sa chance : ceux qui l’envient sont à la fois ceux qui glorifient le travail et ceux qui le conchient. Les premiers le traitent de fainéant bienheureux alors qu’ils devraient en toute logique le plaindre (« Quel accomplissement que le travail ! Mais quand même, quels privilégiés ces chômeurs ! »), les deuxièmes idéalisent son quotidien sans changer un iota du leur (« Que j’aimerais être chômeur, la belle vie sans boulot à la con… Bon allez, c’est pas tout ça mais faut payer l’écran plasma ! »). On ne sait plus qui envie qui, qui est qui, si c’est les mêmes.
En travaillant il paraît que je dois grandir, alors que ce n’est que l’économie qui grandit, et jamais assez. Moi j’ai juste mal aux jambes.
Bizarrement, c’est pas forcément quand je me sens utile que je le suis pour l’économie et c’est pas forcément quand je me sens vivre que je suis utile.
« Imaginez votre travail demain ». Ce que j’imagine : que demain j’aurai enfin le temps de ne plus devoir travailler. « Technologie, rapports humains, politique, loisirs, économie ». Ce que j’imagine : que ma vie se définira autrement que par ces mots qui codent, qui séparent. « Rapports humains ». Tout sera rapports humains.