Vous allez arrêter un jour de faire les pitres, tous les deux ?
D'un côté, voici Monsieur « L'être humain a vraiment tout perdu, quelle dégénérescence après la pureté instinctive de nos ancêtres, nous il faut nous cadrer ! » ; de l'autre, Monsieur « Que l'être humain est noble avec son langage digne de ce nom, complexe et équivoque, les animaux eux ne font que communiquer ! ».
Déjà, vous remarquerez que ces deux zigotos se positionnent chacun par rapport à l'autre. Le premier a quelque chose à régler avec « ceux qui disent trop de bien de l'homme » et le second avec « ceux qui disent trop de bien de l'animal ». Il semble qu'il faille toujours se positionner par rapport ; c'est ça être un pitre. Non seulement par rapport, mais par rapport à ce qui se dit de bien ou de mal sur ; propension quasi-naturelle qui peut avoir ses richesses — car après tout c'est celle que je suis en train d'adopter : je me positionne par rapport à ces zigotos – mais qui doit prendre conscience d'elle-même pour ne pas rester sèche et naïve.
Ensuite, on est tout de suite frappé par une contradiction : la frontière est bien tracée (humains/animaux), mais elle refuse d'accepter la principale conséquence de son tracé, qui serait l'incompréhension méthodique. Si je dis que les modes d'être de l'humain sont radicalement différents de ceux de l'animal, en quoi puis-je donc me permettre de comprendre ces derniers sous mes propres et uniques critères d'homme, et pire encore, de les juger ? Certes, j'ai développé le langage, mais en quoi celui-ci devrait-il constituer un outil de mesure des modes animaux, puisque je dis qu'il n'est pas de leur monde ? Certes, je me trouve immoral, mais en quoi puis-je plaquer mes éloges de moralité sur ceux que je considère justement n'avoir jamais été atteints par les flétrissures que je déplore ?
On retrouve chez nos deux pitres tout ce qui les illusionnera toujours : l'art et la loi, qui les font se sentir si beaux, si forts.
Tant que nos deux pitres passeront leur temps à se répondre l'un à l'autre, on continuera le cirque.
(Car l'un mène sans cesse à l'autre, circulairement. Celui à qui la croyance en l'homme manque est conduit à déplorer son immoralité puis à proclamer fièrement, pour avoir quelqu'un face à qui se positionner : « oui mais au moins je suis un homme avec un langage, ça vous pouvez pas me l'enlever ! », proclamation prenant insensiblement une dimension individualiste : « et puis ça veut rien dire un homme, je suis pas un homme comme tous ces cons, je suis unique, je n'ai pas à porter le poids de ces charniers ! », donc retour à la croyance impossible, à la déploration et ainsi de suite...)