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Définitivement

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2 décembre 2022

Différentes preuves concernant la pop (11) L'une

Différentes preuves concernant la pop (11)

L'une des plus ultimes preuves, même si j'ai besoin alors d'une aire extérieure à elle, connexe, pour la prouver, c'est celle-ci : c'est elle qui m'aura fait découvrir des émotions de pop toute particulières, qui m'aura fait prendre des tournants émotionnels concernant la pop, notamment un tournant de gravité, de noirceur, qui est maintenant le mien à jamais et dont je porte le flambeau avec constance et responsabilité. Car cela me comble et m'incombe. C'est l'une des seules choses dont j'aimerais être pouvoir "digne" : cette pop-ci, cette pop grave, éthérée, agrandissante, supérieurement influente sur toutes sortes de membres, d'organes, de sensations de l'organisme. Et c'est elle qui l'a choisie, je veux dire c'est elle qui m'y a mené. Elle en tant que partenaire féminin.

Or, c'est une constatation féministe que j'ai toujours considérée comme première : celle selon laquelle c'est "le mec" qui fait découvrir la vraie, la belle culture dans la relation. "Je vais te montrer ça, c'est moi qui connais mieux que toi". De nos jours c'est comme ça, du moins entre petits-bourgeois ou classe moyenne inférieure. C'est toujours le mec qui "fait découvrir". Très tôt je ne voulais pas avoir cette place, qui me semblait tout spécialement dégueulasse, celle que je vois en premier comme dégueulasse (alors qu'il y en a bien sûr mille autres, mais j'étais à l'époque obnubilé par la culture, il n'y avait qu'elle, ce qui n'était certes pas très matérialiste mais ce qui permettait au moins de se rendre compte de dimensions essentielles que d'autres obnubilations avaient tendance à passer sous silence) : cette position du mec qui "fait découvrir la bonne culture", non, je ne serai jamais ça. Je me le suis dit à peu près dès quinze ans, je crois. Ce ne devait pas être une "place" que l'on se devait de prendre avec la présomption de l'évidence, comme un sans-gêne. Ce devait être une place à rejeter.
(S'il m'arrivait de vouloir en "montrer" plus que de raison dans d'autres arts moins essentiels pour moi, c'était plutôt parce que je me sentais nu sans ces œuvres ; mais ce n'était pas dans le but de faire emprunter un chemin plutôt qu'un autre. C'est elle qui m'a conduit sur un nouveau chemin concernant la pop.)

Et c'est sans doute ma seule fierté, se trouvant être l'une des différentes preuves concernant la pop : j'ai tenu. J'ai tenu à ne pas la tenir, cette place. C'est elle qui m'a fait prendre le virage musical quant à la pop. C'est elle, avec ses belles et graves musiques. C'est elle. J'étais un mec et pourtant c'est elle qui m'a donné ça. J'en serai à tout jamais digne. 

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17 novembre 2022

Les quatre textes suivants furent publiés entre

Les quatre textes suivants furent publiés entre 2013 et 2014 dans le périodique La Cacahuète dirigé par Jessica Garcia et Geoffroy Monde. Merci à eux. 


Sous ta perruque



Sous ta perruque, qu'y-a-t-il ? Tout et rien.


Le tout je le déchiquète tellement fort qu'il m'assomme de sentences péremptoires avec plein de fois le mot "définitivement" dedans, celui que je déteste le plus. Et quand il le dit ça fait des postillons (essayez vous aussi).

Le rien j'aimerais bien le déchiqueter mais comme il est léger il rebondit et il est rose, tendre et sensuel. J'ai envie de le... Mais ces choses ne se disent pas.

Si j'admire autant ta perruque c'est parce qu'elle arrive à contenir ces deux zigotos qui n'ont rien à se dire mais sont quand même inséparables. C'est à l'image de nous deux : c'est quand on parle le moins qu'on s'embrasse le plus. 

Et j'mange jamais tes cheveux. 


(mai 2013, thème : perruque)

 

La démocratie moderne


"J'te jure, prépare-moi un dessert !

– Mais pourquoi donc ce serait la peine de me le jurer ?"

Je te jure que c'est le dialogue auquel j'ai assisté tout à l'heure. Dans la rue. Je n'ai pas pu me prendre compte de l'identité des protagoniste car j'avais le nez dans mon dessert. Vraiment dedans. Quand c'est tellement bon t'as forcément envie que le nez aussi en profite, il doit pas y en avoir tout le temps que pour la bouche, c'est ça la démocratie. La démocratie moderne. 

Ça, c'est l'introduction de mon cours de sciences politiques, j'ai trouvé ça plutôt culotté, il faut dire que le prof a l'air trop cool, il a le style "à la cool", tu vois l'genre cool que ça peut être, déjà il nous fait le cours cool dans un café trop chouette, un café-bar où on est attablés tranquilles les jambes écartées presque inconvenants, un mignon petit troquet qui sert aussi du manger solide à mâcher ou à grignoter entre ses dents, moi j'avais pas trop faim j'ai pris qu'un dessert


À la crème.

ÇA A VRAIMENT UN BON GOÛT SUCRÉ ET ÇA VIENT EN FIN DE REPAS


(septembre 2013, thème : dessert)



À temps ou à fond


"Eh, tu rattrapes l'oreille ? À temps ou à fond ?"


On a l'habitude de dire comme ça car ainsi on exprime bien le fait qu'il y a deux techniques : celle où t'es sûr de tendre la main suffisamment au bon moment pour la saisir et celle où t'y vas en force et en puissance pour assurer tes arrières au cas où tu manques d'agilité. 

Dans ce sport les circonstances sont assez justes et égales pour les mécréants : même si t'as pas de dextérité ou que t'as des petits bras tout secs tu peux tirer l'épingle de ton jeu en ayant une bonne vision du chemin plein d'air et de vent que prendra l'organe auditif propulsé par la bouche expéditrice.
Normalement tout le monde possède les mêmes atouts car les gens ont eux aussi sur leur visage les excroissances mises en jeu (1. oreilles ; 2. lèvres qui s'époumonent) donc on peut dire qu'ils savent ce qu'il en est ou en tout cas qu'ils peuvent s'attendre à ce qu'il peut y avoir (ce qu'il est possible qu'il se passe comme chose).

Je rappelle juste la règle : tu coupes l'oreille du mec, elle se détache et après il souffle dessus le plus fort possible au-dessus d'une falaise et t'essayes de la rattraper. Ouais, de la manière que tu veux, je l'ai déjà expliqué.  


(mars 2014, thème : oreille)



Petit Renardeau manque à l'appel
Fable fruitière de toutes les couleurs

La maîtresse crie dans le rang : 
"Êtes-vous tous bien là ? Petit Framboisier, Petit Abricotier, Petit Pommier, Petit Bananier ? Oui, vous quatre êtes là mais dans le décompte de ma tête j'ai oublié un autre d'entre vous qui, lui, n'est pas là.
– Petit Renardeau, madame ! Vous avez oublié Petit Renardeau ! s'exclame Petit Framboisier.
– Il est pourtant goûteux avec son excroissance caudale chamarrée, ajoute Petit Abricotier.
– J'parie qu'tu dis ça parce qu'il est orange comme toi ! rétorque Petit Pommier. Le orange t'est bon parce que tu t'es bon à toi !"
La maîtresse crie dans le rang :
"Et si vous appeliez tous en chœur Petit Renardeau pour qu'il déferle enfin parmi nous ?
– Ça fait pas mal de déferler ? demande Petit Bananier. Ça fait pas se décomposer ?
– Non, car il a pour pelure une épiderme qui se renouvelle grâce à de solides tissus.
– Mais ça va finir par s'arrêter à un moment donné ? Ça va pas trop s'amonceler vu qu'il a pas de racines ?"
La maîtresse hypocrite bobo franc-maçon, avec ses grands airs, ne sait que répondre.
Soudain, Petit Renardeau déferle jusqu'à n'en plus finir. 

Moralité : Fermons nos frontières à ce qui sent la fourrure. 

(septembre 2014, thème : renard)

30 octobre 2022

Tiens, en ce moment j'aurais quelque chose à te

Tiens, en ce moment j'aurais quelque chose à te dire, à dire à toi, à quiconque, mais il n'y a personne à côté de moi.
J'ai eu l'idée d'avoir envie de te dire ça, ça m'est venu comme ça, mais personne n'est là.
Il faudrait que tu sois là, que quiconque soit là !
Je pense à toi, je pense à quiconque !
Ô, quiconque, où donc es-tu ?
Ô, quiconque, quand reviendras-tu ?

Je suis d'accord pour dire qu'il y aurait un inconvénient, c'est que je suis potentiellement lourd à porter dans la conversation (et pas que dans la conversation). Cela pourrait te rendre triste, comme en écho.
Tu ferais écho à tout ce que je porte (mais qui peut être beau, je te l'assure).
Je te promets qu'en contrepartie, quand tu partiras (car forcément un jour tu partiras), la tristesse en écho sera de mon côté. Ton départ créera en écho ma tristesse.
Alors on sera quittes. On aura parlé, tu m'auras porté, tu m'auras quitté et on sera quittes.

Au final, on sera ex æquo. 
C'est moi qui aurai dû te convaincre, mais c'est toi qui décideras du moment où tu ne le seras plus (convaincue).
C'est souvent comme ça que cela se fait donc ça peut se faire. Encore.
Avec toi, avec quiconque. 

Mais pour l'instant j'ai beau chercher à mes côtés, je ne vois pas à qui dire ce que j'aurais rêvé d'exprimer. 
Il faudrait que tu sois là, que quiconque soit là.
Qu'il y ait toi, qu'il y ait quiconque.
Ô que je pense à toi, ô que je pense à quiconque !
Quiconque, où es-tu ? 
Quiconque, qui es-tu ?

27 octobre 2022

Il n'y a que les autres qui peuvent me dire ce

Il n'y a que les autres qui peuvent me dire ce que j'ai envie d'être.
Ne plus jamais compter que sur les autres pour confirmer mon existence.
Si j'existe auprès des autres, c'est juste grâce aux autres.
À chaque fois que j'oublie que je ne suis qu'ainsi grâce aux autres, ne plus rien faire d'autre que tenter de rejoindre les autres dans leur image du monde qui est la seule existence possible – notre "propre" image du monde formant bien sûr l'une des innombrables facettes de cette gigantesque "image du monde" additionnée que constituent toutes celles des autres et qui est à partir de là la seule réalité conséquente que l'on puisse prendre en compte, étant donné sa force, son contraste, sa richesse incomparables.
Ne plus croire que ce que me disent les yeux des autres, les voix des autres, les gestes des autres.
S'attacher précisément à chérir tous ces yeux, toutes ces voix, tous ces gestes.
Ne viser que leur existence, la seule sur laquelle on puisse compter, dont on puisse croire la réalité puisqu'ils sont là. (Tandis que "je", "je" ne sais jamais si je suis là.)
"Conduire son existence d'après celle des autres" serait déjà trop peu dire puisqu'il n'y a pas de "conduite" possible, j'allais dire de "conduction" (et pour cause !), hors de toute confirmation par les autres de son existence. La confirmation est première, ensuite vient l'éventuelle action. Ce n'est pas l'action qui nous fera confirmer par les autres, si à la base il n'y a pas cette confirmation, on pourrait dire cette reconnaissance, hors de toute conduite. Le langage de la conduite n'a pas de sens lorsqu'on se situe encore dans celui de la confirmation : une existence ne peut pas avoir lieu lorsqu'elle n'a pas encore été confirmée comme telle. 
Ce sont les autres qui apportent cette confirmation, qui donnent le signal.
Ce sont leurs yeux, leurs voix, leurs gestes.
Écoutez ces yeux, écoutez ces voix, écoutez ces gestes. Il n'y a qu'eux qui peuvent vous dire ce que vous avez envie d'être.
Il n'y a qu'eux dans l'existence, pour ce qui concerne la réalité puisqu'ils sont là.

13 octobre 2022

Une individualité. C'est une individualité.La

Une individualité. C'est une individualité.
La semaine dernière, pareil, j'ai croisé une individualité. Mais c'était une autre, une tout autre. C'est le principe.
Je n'en reviens pas. C'est assez nouveau, chez moi, de n'en revenir pas.
De goûter chaque individualité pour ce qu'elle est, pour sa différence d'avec les autres. 
"Incroyable, elle n'a pas dit la même chose à ce propos et je me sens davantage proche de son propos à elle que du propos de l'autre, quand bien même l'autre avait l'air d'avoir une sacrée assurance qui m'a fait croire quelques instants, quelques années à l'inexistence ou du moins à la quantité négligeable des autres individualités !". Je n'en reviens pas. Et c'est nouveau, chez moi.
C'est juste une individualité. Une belle individualité, sans doute, mais déjà juste une individualité, ça c'est certain. C'était inespéré.
C'est inespéré de rencontrer ainsi, même lorsqu'on les connaît déjà un peu (ou pas du tout, pas encore tout à fait), presque chaque jour, des individualités. Il y a des individualités. Il y a chaque individualité. Toutes me parlent, toutes ont des choses à me dire, toutes sont des êtres humains et pas une ne ressemble à une autre, quand bien même leur appartenance commune à la catégorie d'êtres humains pourrait le laisser penser. Je n'en reviens pas. De moins en moins. C'est assez fou et inédit, chez moi, de ne pas en revenir à ce point.
Oh tiens, là, encore une fois, à l'horizon, en pensée ou en présence, pendant que j'écrivais ce texte, une individualité ! Encore une individualité ! 
Mais il y en a combien ?
Attends, je vérifie quand même, on sait jamais, ce serait quand même trop fou, trop beau que ce soit...
Hé ben si, ça en est encore une, c'est elle, la voilà.
Une individualité. 

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28 septembre 2022

J'ai pas compris ce qui s'est passé avec ta

J'ai pas compris ce qui s'est passé avec ta peau.
J'ai pas compris.
Il y avait ta peau, il y avait la mienne, et c'est comme si, attends je crois pas pouvoir dire ça avec des mots mais on va essayer : il y a ta peau et là, ça fait comme quelque chose qui se parcourt tout au long le long de la mienne bien qu'elle ne soit pas tout entière complètement contre la tienne, d'ailleurs je me dis que c'est comme si c'était ça le paradoxe particulier ou la particularité paradoxale, c'est que malgré qu'il y ait pas ta peau tout entière contre la mienne (comment cela pourrait-il se faire ? essaie une seconde de t'imaginer ta peau tout entière, je veux dire tout le long complètement de tout son long, contre la mienne, moi perso je n'y arrive pas, je ne conçois pas l'image, je me dis qu'il y a forcément des surfaces qui en sont un peu distantes ou qui se décollent ici ou là ou sont barrées par des trucs comme par exemple des poils, malgré que tout ceci soit innervé, je le reconnais),
je disais donc, malgré qu'il y ait pas complètement ta peau à 100% totalement contre la mienne, c'est comme si je ressentais toute une sensation qui me parcourait de tout mon long à chaque fois que ta peau est entrée en contact avec la mienne, je veux dire lorsque l'occasion s'est présentée (il y a des occasions, elles se présentent, "bonjour, comment ça va, je suis une occasion et toi ?", "ah tiens moi aussi je suis une occasion, ça tombe bien", etc.)

je crois que c'est beaucoup moins simple que ce que l'on pense à première vue, qu'il faut s'y repencher sans cesse concrètement : il y a ta peau, il y a la mienne (ou d'abord la mienne et ensuite la tienne, comme tu veux selon ton point de vue, je suis ouvert à toutes les vues que tu pourras prendre sur la question), et là, c'est exactement comme si, quand elles se touchaient, tout un... toute une sorte de... quelque chose... enfin il y a quelque chose qui a lieu... mais dès que j'ai l'impression d'avoir un mot sur le bout de la langue (c'est pas forcément le cas de le dire car il n'y a pas toujours la langue qui est en jeu, des fois oui mais des fois non, des fois c'est simplement nos peaux, ça arrive, ce sont des occasions qui arrivent, "salut, j'arrive, je suis...", etc.), 
je disais donc, dès que j'ai l'impression d'avoir un mot sur le bout de la langue pour décrire ce qui se passe, ce n'est pas le bon, ça n'évoque pas ce qui se ressent dans ces moments, ce genre de... de façon de... d'être complètement... alors que par ailleurs, comme je le rappelle, il n'y a pas toujours 100% de ta peau qui... il ne peut y avoir que certains endroits bien particuliers qui... et des fois pas forcément des endroits auxquels on penserait en premier lieu, ni en second lieu, ni même en troisième lieu... c'est juste que dans ces moments c'est comme si tout... 

oui voilà, c'est peut-être juste ça qu'il faut garder dans la description, pour le moment : c'est comme si "tout", comme s'il était question de "tout", je veux dire de "tout" ce qui fait "nous" à ce moment, de "tout" ce qui fait "de nous" des êtres pour qui ce moment est "tout" ce que l'on peut ressentir de plus... et hop, là, ça y est, il n'y a plus les mots, il fallait juste dire "tout".

ça a l'air simple comme ça mais il faudrait s'y repencher encore et encore, j'y reviendrai sûrement.

Mais en tout cas j'ai pas compris. 
Ta peau, là, et tout ce que je viens de dire, ou du moins d'essayer.
J'ai pas compris.
J'ai pas compris ce "tout".
Je connaissais pas.

25 septembre 2022

Il faut quand même que je le dise, que je dise au

Il faut quand même que je le dise, que je dise au moins ça afin de corriger les éventuelles mésinterprétations, en premier lieu les miennes : le temps-zéro a commencé dès que je suis venu habiter ici, entre ces murs. C'est cela qui sidère, qui bloque désormais toute pensée : c'est cette envie rageuse, désespérée d'effacer ces presque-deux années passées ici (j'écris ces lignes alors que je me pousse moi-même dehors).
Pour une fois, oui, j'accepte le verbe, je "fuis", car je fuis tout simplement la mort ou du moins la non-vie. Cet appartement m'a sans cesse renvoyé une vie empêchée, la mienne, la sienne (celle de celui qui habita ces murs avant moi), la leur (celle des "miens", tous plus ou moins déchus au seuil même de leur... bien plus que de leur "rêve", carrément de leur vie). Moi là-dedans, et qui plus est sans toi (voire, encore pire, "moi là-dedans PARCE QUE sans toi"), ça a tout de suite été inconcevable : c'est cela le temps-zéro, qui m'a mis en face de l'apnée qu'avaient constitué les trois années précédentes mais sans que ce soit cette apnée qui soit à proprement parler impensable ni même inacceptable, car malgré son aspect irréel (et de plus en plus à mesure que j'y repense) elle avait pu avoir ses moments de réalité (par exemple, la preuve de l'attachement réciproque que l'on avait su préserver). Ce qui n'était pas la réalité, en revanche, c'était le fait de venir ici, comme ça, dans cette situation, comme si je n'avais pas vécu de vraie vie avant. Le temps-zéro, c'est cette affirmation, que l'on peut considérer comme une affirmation de vie en face d'une expérience de mort ou du moins de non-vie : "il n'y a pas que ce qu'il y a actuellement, cela n'a pas de réalité ; j'ai connu la vie avant ; il n'y a même eu que cette vie ; tout ce qui n'est pas cette vie, c'est du zéro ; j'en suis là, à ce quai-là, à destination pour peut-être nulle part, cela ne me regarde pas, ne me regarde plus ; tout ce qui me regarde, c'est la vraie vie, la vraie réalité, tout ce qui a vraiment été vécu ; bloquer sur ça, être sidéré par ça, j'appelle ça le temps-zéro".
Et cela dure depuis que je suis arrivé ici. Et il faut que cela se termine d'une manière ou d'une autre, sans que la question de la nature de mon devenir puisse avoir une quelconque pertinence puisqu'elle n'est pas en jeu.
Il y aura de la vie lorsque la vie m'aura retrouvé.

16 septembre 2022

Je ne l'ai pas fait dans la réalité, alors ça me

Je ne l'ai pas fait dans la réalité, alors ça me prend dans mes rêves : je te supplie. Mais tu es toujours la plus forte.
Cette nuit par exemple, ton regard inflexible tandis que je te disais tout ce que je ressentais, ce que j'avais enduré, que je souhaitais simplement un réconfort auprès de toi (par exemple dans tes bras parce que c'était pratique, même si je comprenais l'éventuelle réticence), au début tu m'écoutais silencieusement (comme quelqu'un qui écoute dans un rêve), puis au bout d'un moment tu me disais "attention, si tu continues on ne se verra plus jamais !". Je compris tout de suite la force de l'avertissement, tu étais la plus forte. Tu es toujours la plus forte.
Je prens cet exemple mais je pourrais retourner dans la réalité : si je t'ai toujours admirée, si je t'admire encore aujourd'hui, c'est parce que j'ai l'impression que tu es la plus forte. Que même les incohérences, le hasard, tu sais les faire tiens, comme tu as su maîtriser les obsessions ou du moins bâtir un équilibre dessus, sans que ta force ne soit compromise. Tu sembles avoir un esprit fait pour construire la vie que tu te seras décidée, tandis que je ne suis encore aujourd'hui pas capable de savoir ce qu'est une "décision", ni même la vie que "je" souhaiterais (qui est ce "je", comment fais-tu pour savoir parler en première personne ?). Et même s'il y a une part de reconstruction dans ta construction (de réinterprétation des incohérences, du hasard), c'est bien cela aussi qui prouve que tu es la plus forte. Tu es toujours la plus forte. 
Et figure-toi que même si tu me disais, là, "arrête ton char, je ne suis pas la plus forte", j'y croirais derechef, ce qui fait que tu serais quand même, encore et toujours la plus forte. 
Je te crois toujours quand tu parles. Je ne sais pas si tu l'as toujours su.

14 septembre 2022

Tant que je pourrai parler du temps-zéro, il

Tant que je pourrai parler du temps-zéro, il existera et ainsi nous existerons.

(Larmes du temps-zéro.)

Je ne sais pas exactement quand il a commencé. Je dis qu’un temps « moins-un » aurait duré quatre ans et demi, mais en y repensant j’ai eu plusieurs bouffées de temps-zéro qui l’ont prévenu, qui l’ont annoncé.

(Conscience proche de zéro lorsque j’écris ce texte, comme arrêtée, subjuguée. Il n’y a que toi de possible, en tout cas c’est ce que je conclue du fait qu’il y a un trou profond depuis que je t’ai senti t’en aller, aux différents degrés de « t’en aller », géographiquement mais déjà au niveau de tes mots, de ton regard que j’ai bien moins vu à partir du moment où tu as décidé de me quitter, comme s’il y avait un rapport entre les deux faits ; tu rigoles peut-être mais ce n’est pas si évident : j’ai vraiment cru un temps que tu pourrais continuer à être avec moi tout en n’étant plus là, tu sais sûrement de quoi je parle puisque tu as pu vivre des choses semblabes bien que non-comparables.)

Au moment où j’écris ces lignes, je suis replongé dans le cadre qui fut celui du premier temps-zéro, juste après ta décision, juste après le coup sur la tête ; le coup sur la tête mais pas encore la tête coupée à l’époque, car je semblais regarder en face ton absence, par moments, comme je regarde ce mur actuellement (le même mur qu’à l’époque), mais ça n’a duré qu’un temps, après je me suis tout coupé les fils de la tête et je me suis fait croire que tu pouvais encore être là malgré tout, que rien ne l’empêchait ou pas grand chose, qu’il suffisait d’y penser et bien plus qu’y penser, de le vivre.

Le temps-zéro, c’est aussi le vivre, vivre ta présence, mais la présence de ton absence. À la fois c’est encore plus fort, car en l’écrivant je me rends compte que quoi qu’il arrive nous avons existé, que nous sommes là, que rien ne peut être effacé et qu’à partir de là il peut bien y avoir le vide ensuite, le vide pour toujours, ça n’enlève rien à ce qu’il y a eu avant, à ce que nous avons été. Ça n’enlèvera rien à tout jamais.

À la fois c’est pour ça que je pleure, parce qu’il suffit de faire vivre ce lien en moi, et à la fois je pleure parce qu’il manque ta voix et ton regard, qu’ils apporteraient tout de même quelque chose en plus, quelque chose d’un peu plus « toi » et d’un peu moins « moi » dans ce lien que je souhaite voir durer toujours.

À la fois je trouve ça vachement beau d’être devenu si plein de pleurs tout le temps, que ça veut dire que je vis, que nous avons vécu, c’est définitivement la preuve qu’il y a eu quelque chose de plus grand que tout et que c’était toi, et à la fois je sais pas comment je vais faire pour la suite pour continuer l’autre vie, celle où il faut faire croire qu’il y a autre chose, qu’il peut y avoir autre chose, qu’il peut y avoir des choses sans toi (ce que j’ai pu parfois me faire croire au temps « moins-un » mais qui est inconcevable au temps-zéro).

Je suis très très fier d’écrire des choses aussi banales que celle-là car j’ai toujours dit qu’il y aurait principalement l’amour dans ma vie, ce qui semble vouloir dire (je n’arrive pas à faire autrement) « principalement toi ». Même si je ne vis plus jamais l’amour, je le vivrai quand même, car c’est justement parce que je le vis trop, que je n’arrive pas à en vivre d’autre, que je le vis. Donc je vis l’amour. Je l’ai vu, je l’ai vécu, je le vis. Et il se trouve (cela s’est imposé, je constate) qu’il n’y a que toi (c’est le temps-zéro).

9 septembre 2022

Et si le plus subjuguant dans l'histoire n'était

Et si le plus subjuguant dans l'histoire n'était pas plutôt le temps moins-un ? C'est lui sur lequel il faut se pencher, qu'il faut chercher à creuser jusqu'à plus soif. C'est lui la bizarrerie. 
Moi avec toi, c'est la seule chose que je "conçois" proprement dit, c'était hier. Moi sans toi (le temps-zéro, la conscience de la perte irrémédiable), je peine à le "concevoir" (si je me mettais à le concevoir trop longtemps je finirais par être empêché de faire quoi que ce soit, même de penser) mais en revanche je peux dire que je le "ressens", oui, c'est d'ailleurs cela qui fait que tout compte fait il est précieux, comme je l'ai dit, c'est que je "ressens" enfin. Je sais que c'est la fin, je le vis. Il n'y a plus rien à faire, mais c'est justement cette sensation qui est enfin un "faire", qui est la seule vraie pensée-action non-hypocrite, réellement consciente que j'ai eu depuis plus de quatre ans et demi.

Cette espèce d'entre-deux sans conscience que fut le temps moins-un, c'est cela qui est à interroger. J'y repense désormais comme une sacrée drôle de période au potentiel de fascination non négligeable : je continuais à "vivre" alors qu'en dedans je ne vivais pas. Si je faisais des choses, c'est parce qu'en moi je pensais que tu étais encore avec moi ; "dans le fond" (comme on dit, et c'est le cas de le dire), en profondeur, je croyais que tu serais encore là toujours, que c'était juste le dehors qui se donnait des airs différents, qui s'amusait à me faire tourner en bourrique mais finirait par dévoiler le pot aux roses : tout ceci était une vaste blague pour me faire patienter (mais de quoi ? de ton manque passager d'amour pour moi ?), avant que tout rentre dans l'ordre un jour ou l'autre, nécessairement. En attendant, il fallait que je croie que je vive (car bien sûr, en réalité, il n'y avait pas de vie proprement dite puisqu'il n'y avait pas de conscience, pas de sensation de la vérité ; tout était coupé, interrompu, en attente).

Je peux dire que le temps-zéro, c'est rigoureusement l'inverse. En dedans, ça vit enfin, je me rends compte de la vérité (que tu n'es plus là), mais alors c'est d'autant plus difficile de poursuivre le versant apparent-apparat de la "vie". Et pourtant, il faut bien ; de la même manière que le temps moins-un était nécessairement une coupure, un entêtement dans la fausseté, le temps-zéro est un courant de force, d'ancrage dans la terre de mon effondrement sans toi. Il faut donc, pour savoir où il va déboucher (car je reste curieux de tout), tenter avec toute cette force effondrante de se soulever de terre, car si elle est faite pour me faire avoir conscience de la fin, elle est toute aussi faite pour me dire quel goût a cette fin (que je souhaite, sans doute par amour pour toi, pouvoir qualifier même en ton absence ; c'est toi qui a choisi la fin donc je dois la qualifier pour pouvoir te la montrer : "voici la fin telle que je l'ai comprise, telle que je la vis réellement, consciemment, sensiblement et non pas avec la tête coupée"). 
Je dois, à chaque seconde, "vivre" à l'extérieur tout en vivant la fin à l'intérieur, et ainsi on verra la vérité. On verra si la vérité conduit à la vérité. Je pars déjà sur de bonnes bases – celles de la vérité du temps-zéro, qu'on ne pourra jamais m'enlever, c'est déjà ça de gagné –, alors il faut mener les choses en se disant que quelles qu'elles soient, elles doivent faire avec la vérité de l'effondrement, elles doivent avoir le goût de la vérité pour pouvoir avoir leur propre goût (dont le goût de la vérité sera nécessairement une partie, qu'elles le veuillent ou non).
Chaque seconde me coûte alors une fatigue extrême et je peux très bien tout perdre, mais plutôt que de me faire croire que rien n'a changé (alors que tu n'es plus là), il y aura quoi qu'il en soit la vérité au bout, la précieuse vérité.

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