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8 mars 2023

La nature technique (mai 2020)tu vois c’est pas

La nature technique

(mai 2020)


tu vois c’est pas compliqué

 

tu prends bien les deux bouts 

de façon symétrique pour qu’ensuite

là tu vois

ils viennent bien se ramener aux jointures

 

pour bien les prendre faut les étirer mais pas trop

juste avec l’extrémité de l’index
et pendant ce temps le pouce permet de les maintenir

enfin les maintenir dans un premier temps 

parce qu’ensuite forcément faut les lâcher d’un coup sec

pour que ça puisse bien s’accoler en s’imprégnant du bord

 

d’un coup sec j’ai dit

tu sais c’que c’est un coup sec ? 

 

attends je vais te montrer ce qui allait pas

t’avais trop mis de pression à la base

enfin trop de pression molle, c’était trop mou 

du coup ça a pas pu se maintenir, rah c’est malin

attends je refais

 

déjà pour commencer quand t’as affaire à un support comme ça

faut que tu t’dises qu’il faut bien vérifier avant 

bien vérifier pour que…

non mais pas vérifier la mine, bêta, qu’est-ce qu’on s’en fout de la mine dans c’contexte !
je parle de vérifier les extrémités, c’est ça dont il faut bien s’assurer

et putain mais libère un peu d’la place sur ton plan d’travail, on n’y voit pas clair

donc je disais, tu vois quand l’extrêmité est retournée comme ça, ben ça marchera jamais

c’est ça qui a merdé tout à l’heure

donc soit t’arranges le coup au ciseau, soit tu compenses

tu préfères quoi, ce serait avec quoi que tu serais le plus à l’aise

plutôt ciseau ou…

nan bon pas ciseau, laisse tomber, faudrait passer par toute la phase de voilure avant et ce serait trop long à t’expliquer

déjà que bon, tu m’as pas l’air…

alors pour la compensation, très simple

soit tu prends appui sur les repères que t’auras tracé avant 

soit tu te repères au bruit 

pour commencer je te conseille de plutôt choisir la seconde

parce que pour les autres repères l’inconvénient c’est…

enfin c’est pas un inconvénient quand on a bien en main le truc mais…

disons que t’auras toujours un décalage de cinq ou six cordes

mais qui est facilement rattrapable la plupart du temps

mais bon, faut connaître

 

et puis faudrait que tu saches anticiper pour bien délier au final…

parce que si tu tombes comme ça dans le déliage sans coup férir

genre « ah oh ça y est, okay, faut que j’délie »

ben c’est déjà trop tard, après t’as toute ta série qui est gâchée

donc pour l’autre repère faut juste bien être stable au sol

pendant que ton pied s’appuie sur la pliure

ton autre pied… ou le même mais c’est plus chaud donc…

donc disons ton autre pied (parce que sinon on n’est pas rendu avec toi)

ton autre pied donc vient délicatement saisir le drapé qui se sera formé

 

ben oui il se sera formé, tu verras

 

crois-moi, ça se drapera, eh oh tu crois que c’est l’enfer ce truc ou quoi ?

la nature technique fait bien les choses, tu sais

donc t’inquiète, fais-moi confiance ça se drapera

et donc ensuite tu fais bien suivre jusqu’au bout du nombre de millimètres que t’auras noté avant

mais en maintenant toujours le décalage à deux doigts du…

enfin disons à fleur de rayon, juste que…

enfin juste comme si tu sentais que hop, il borde le…

enfin presque comme si ça allait déborder mais juste à temps pour qu’il s’adapte au plot

 

oui, au plot, allez vas-y j’te regarde


non mais le plot jaune, putain, pas l’autre !!!!!

bon sang mais ça m’avait jamais fait ça, comment t’as fait pour…?

attends mais comment… je vois pas comment on…

ouais bon forcément si t’as pas pris le jaune ça a tout merdé mais…

mais quand même à ce point, ça avait jamais fait ça !

‘tain, à ce point c’est presque un talent, tu sais

bon allez tant pis, j’le ferai à ta place
occupe-toi plutôt du cernage, ça te f’ra les pieds

et façon d’parler, hein, car souviens-toi que faudra pas bouger pendant le développement !

 

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2 mars 2023

J’avais pas senti venir le retour de « ta chatte

J’avais pas senti venir le retour de « ta chatte », « ma chatte » (etc.) dans les mots qui se proclament gaiement.

L’impression d’être encore d’une génération – un peu coincée, comme entre ces tirets – qui réservait ce mot à l’infamie, à la moquerie, si ce n’est à l’injure. Pour moi, c’était la façon qu’avaient « les mecs », ces idiots, de la désigner lorsqu’ils faisaient part de leur violence prédatrice, en récit d’anticipation, d’affabulation ou de reconstitution.

J’avais bien pourtant entendu, une fois, presque « surpris » – j’avais bien pourtant surpris, une fois – une fille plutôt réservée de ma classe de Seconde employer le mot dans un contexte anodin et détendu. Il fallait éviter un obstacle, manier je ne sais plus quel outil de « travaux dirigés » et faire attention car si ça se trouve, si on se positionnait mal devant la paillasse (avec le bec bunsen et tout), ça allait « te rentrer dans la chatte », avec un sourire entendu à son amie (son amie qui, elle, aimait les filles ; l’autre, je ne sais pas).
Mais à part ça, sur toutes ces années, aucune entraperception de « ta chatte » (etc.), or mauvaises fictions salaces.
Pourtant, pour ma part, personnellement, de mon côté, quelque chose me plaisait. Ça sonnait comme il fallait que ça sonne. « Sa chatte ». Tout y était. Je l’écrivais dans mes poèmes d’imagination charnelle. Il y avait quelque chose d’évident.
Était-ce la même évidence du côté des « mecs » ? Il ne me semblait pas. Le mot ne veut pas dire la chose. Il y a l’usage, mais rien ne dit que le paysage implicite derrière est le même.
Je ne me reconnaissais pas dans le paysage de « sa chatte » (lorsqu’il m’arrivait de l’entendre de leur part).
Je me reconnaissais dans le paysage de « sa chatte » (lorsque je le disais juste pour moi).

Puis on grandit, le monde grandit aussi, souvent exactement en même temps que nous (pas forcément, mais quand c’est le cas c’est particulièrement beau), et je me suis mis à assister au retour de « ma chatte » revendiquée. Taguée. Hurlée. Avec le clito bien en avant, bien sûr, que j’avais également croisé dans les deux contextes opposés (littérature à destination de mâles : « le clitoris chaud de Neele » ; littératures politiques d’empowerment de l’autre partie de l’humanité), mais dont la chaleur, cette fois-ci, n’était plus « équivoque », ou plutôt une toute autre sorte d’équivocité. Je n’en pouvais plus depuis longtemps des tags de bites. L’avènement des tagues de chattes, de clitos, me confirma dans mon attachement sensible envers « sa chatte » (etc.). Il y avait quelque chose, c’était maintenant certain et ça ne faisait que commencer.
Je voulais moi aussi en être, crier.
Crier « sa chatte », « ta chatte », « ma chatte ».

La prochaine fois que tu traites sa chatte, elle déferlera sur toi tout ce qu’elle avait gardé en réserve comme déferlement !

(Peut-être un peu long. Je ne sais pas faire court. Ou alors, comme dans d’autres occasions, j’en resterais à « sa chatte », point, ce qui est alors « un peu court », comme on dit.)
(Mais je veux réessayer.)

Pas de concessions envers ma chatte !
Si elle décide de se montrer, va pour.
Si elle veut pas, va chier.
 

Tout ce qu’on a pu raconter sur ta chatte, sur ma chatte, sur sa chatte ! Oui, elles ont tout commis, parfois de leur plein gré, parfois contre leur volonté. Mais que ce soit sa chatte, ma chatte, ta chatte, elles te cracheront toujours à la gueule ! Elles ne sont pas ce qu’elles ont fait ou pas fait, elles sont ma chatte, ta chatte, sa chatte. Que ça te plaise ou non, c’est pareil.

Rêve pas de les approcher, c’est juste ma chatte, sa chatte (etc.).
On ne les approche pas, elles te mordent quand ça leur prend.

Quiconque diffamera la chatte à Sandra recevra le soutien des chattes de toutes ses sœurs et de tous ses frères (si elle en a) ! Quiconque croira que la chatte à Sandra en a quelque chose à foutre qu’on la diffame, celui-là, oui, en fait, n’y comprend rien ! (J’sais pas pourquoi on en parle.)

Ce n’est pas parce qu’on est des « pisseuses » (soi-disant) qu’on pisse sur tout le monde !
Je sais sur qui ma chatte pisse (j’ai ma liste).
Je sais sur qui ta chatte pisse (tu m’as passé la liste).
Je sais sur qui sa chatte pisse (elle nous a raconté).
Mais tout mis bout à bout, rassurez-vous, ça fait pas toute l’humanité, loin de là.

Si l’on apprend qu’on a médit sur une chatte de l’une d’entre nous, 1) on s’en fout, 2) on trouve ça tellement naze qu’on va aller trouver qui s’amuse à passer son temps à juger nos chattes, 3) on juge pas nos chattes, 4) c’est nous qui parlons de nos chattes, 5) c’est moi qui parle de ma chatte. 

Porte haut l’étendard de nos chattes ! Pour cela la tête à l’envers, la pisse le long du corps jusqu’au sol pour kiffer ?
Pas forcément ! Juste une pancarte avec ta chatte peut suffire ! (Ou la mienne, ou la sienne. Toutes différentes mais toutes ensemble.)

Il paraît qu’on les connaît pas bien, que c’est difficile de bien regarder sans miroir, qu’il n’y a que ta ou ton partenaire qui le pourrait le mieux, mais m’en fiche, je la dessine de mémoire ! Comment je la sens ou comment je la rêve ! Je l’ai pas appelée ainsi, on m’a appris à la nommer ainsi, mais j’ai adopté le vocable, en trouvant finalement que ça sonnait comme ça devait sonner. C’est juste ma chatte.
La voici sur l’affiche que je colle juste pour dire que cette fois-ci c’est moi qui en parle, à défaut de choisir comment la nommer.

T’as envie de voir ma chatte, que ma chatte, on dirait ?
Hé ben tu la verras mais ce sera pas celle que tu voudras voir !
Si tu veux, je la mettrai bien en face de ta gueule, pour que tu voies enfin à quoi ça ressemble vraiment, une chatte, dans la vie réelle, et puis pour qu’elle te dégueule dessus, dans la vie imaginaire !

[« Bois mes règles », tag lu dans des chiottes dégenrées en 2018]

Je me dis qu’il faudrait pas passer à côté. Que l’affirmation de « ma chatte » est finalement le dernier « retournement du stigmate », le plus évident, celui pour lequel on se demande pourquoi personne n’y avait pensé plus tôt (on traite les gens de « cons » depuis je sais pas combien de temps alors que la moitié de l’humanité en est pourvu d’un, il fallait bien que ce « tournant génital du féminisme » – Camille Froidevaux-Metterie – ait lieu un jour).

Et en même temps, paradoxe dont les souvenirs biographiques placés à l’origine de ma mémoire témoignent : les « mecs » voulaient que ça, « de la chatte » (nous reviendrons sur cette tournure réifiante). Le plus fort à faire, le plus fascinant et le plus évident à la fois peut-être (le mot contenant en lui-même l’évidence, comme si « le langage », les phonèmes en savaient toujours plus que nous-mêmes), c’est que « ma chatte » battra toujours à plate-couture toutes les dépossessions possibles, dépossessions se manifestant d’ailleurs généralement par des adjuvants dont le locuteur-prédateur a besoin, comme si sans eux il n’était jamais sûr de son appropriation (et en effet) : c’est avec « la chatte à », « dans ta chatte » qu’on habille l’imprécation. On ne sait pas quoi faire de « ta chatte », point, sans adresse supplémentaire. Il reste juste « sa chatte », « ma chatte » (etc.). C’est pour ça que la réappropriation peut se produire par le même niveau de langue, parce qu’elle possède d’emblée le plein projecteur sur la nudité du pouvoir, à savoir celui qui ne sait pas quoi faire de « sa chatte » hormis bien sûr le pire de ce qu’il pourra faire. Mais dans ce cas alors ça ne concerne plus « sa chatte », mais sa foutue bite à lui. 

 

Dichotomie impossible des rapports hétérosexuels : rapport à soi, à « sa chatte » honteux ; rapport à soi, à son « désir irrépressible pour sa chatte » non-honteux, ultra-légitime.
Cela ne pouvait que donner : « ma chatte dans ta gueule ».
Le « mec » ne peut pas être gagnant dans l’histoire. Ce qu’il voulait, c’est la « posséder », la « pénétrer », pas qu’elle vienne devant sa gueule. Ou alors si elle venait, c’était pour y mettre tout ce qu’il voulait dans le désordre de son esprit ou de son désir, au propre comme au figuré.
Là, il y met rien, c’est pas le sujet de mettre (ou de « pas mettre », d’ailleurs ; on pourra à l’occasion y mettre ce qu’on aura choisi, la parer ou la montrer « telle quelle », si cette expression a un sens).
Le sujet, c’est « ma chatte », point.
C’est « sa chatte », c’est « ta chatte » (etc.).
Il faut qu’on comprenne bien ça. Que c’est s’arrêter là qui renverse le paradigme, qui change la focale. « Ma chatte » : BOUM dans ta gueule.

Les deux écueils opposés : la Chatte divinisée / « ce n’est que de la chatte » (la chatte réifiée).
Or, « ce » n’est jamais « que de » ; c’est au contraire une métonymie qui empuissantise. C’est « sa chatte », « ma chatte », « ta chatte » (etc.).
Ce n’est le temple de rien, ne tend ni à la préservation ni à la souillure, c’est parfois quand je me la souille moi-même que je me la préserve, c’est « ma chatte ».


Ses limites ont été franchies ?
Ses bornes dépassées ?
C’est parce que je le voulais bien !

Toujours à serrer, soit pour rien laisser passer, soit pour bien lui faire sentir qu’il existe. Je serrerai plus jamais, marre. Je desserrerai mais pas comme tu le crois. Comme on desserre une étreinte pour laisser respirer l’oiseau chétif qu’on a trop voulu couver.
Sors de ma chatte !
Ou si t’y rentres, tombes-y pour de bon et qu’on n’en parle plus !

Qu’est-ce qu’on raconte encore sur ma chatte ?
J’entends de ces choses…
Si encore c’est moi qui les racontais…
(Ce serait encore pire.)

Je crois bien qu’en réalité personne ne la connaît.
Pas même moi.
Je dis bien : pas même moi.
Je dis bien que pas même moi ne la connaît.
Je dis bien que même moi je la connais pas.
Vous lui avez parlé, vous ?
Vous savez ce qu’elle pense ?
Est-ce que je lui ai parlé, moi ?
Vous croyez que je lui ai parlé ?
Ça aurait pu me prendre, un temps, mais c’est à tout mon corps que j’aurais voulu m’adresser.
C’est lui qui souffre, c’est lui qui jouit, tout entier sans division.
C’est pas juste ma chatte.
Par contre, elle a sans doute sa propre vision de la question (c’est le cas de le dire), mais ça la regarde.
Ça me regarde aussi, mais c’est ma chatte. Ça regarde ma chatte.

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