Rappelons à quelqu'un qui me lirait pour la
Rappelons à quelqu'un qui me lirait pour la première fois que l'écriture est bien la situation la moins évidente qui soit.
Il y a encore beaucoup de confusion à ce sujet, même par rapport à ce que j'ai pu dire récemment.
Certes, le "dessin" a été choisi car ayant été perçu comme "la voie où j'exerçais de la façon la plus nulle, malhabile", mais elle est une "voie naturelle", comme on dit (comme dans la phrase "la substance est évacuée par les voies naturelles"). Mes yeux sont hypnotisés devant une feuille, je pleure, j'entends ou écoute une musique ou une voix, immanquablement je dessine, le problème n'est pas là.
Le problème est qu'à la base, il s'agit plutôt pour moi, pour "m'en sortir", comme on dit, "dans la vie", comme on dit, pour me supporter, de me décrire, de me ressasser pour bien être sûr que j'ai bien tout raté ou à l'inverse (mais pas tant inverse que ça) que je n'ai aucune raison de m'en faire pour ceci ou cela puisque de toutes façons tout sera au final jaugé pour ma part sous des critères relevant de la nullité.
Or, c'est bien la situation d'écriture qui s'impose lorsqu'il s'agit de se jauger, situation qui est donc, je le répète, tout sauf naturelle.
Pour le dire simplement, je n'aime pas écrire (mais je crois, j'espère que c'est le cas d'une grande partie des grands écrivains, rassurez-moi ; en tout cas je ne les imagine pas "aimer" un tel fardeau, c'est d'ailleurs pour ça qu'on les admire tant).
Pourtant, il s'agirait de décrire, par exemple, une sensation unique à ma connaissance, que personne n'a encore jamais décrite (car peut-être encore jamais vécue, mais va savoir, on se croit seul au monde et on s'aperçoit ensuite que c'est simplement que les autres avaient la "flemme" de nous rappeler) :
Je suis immergé dans une activité ou je fais semblant, par exemple je lis ou je suis simplement bercé par "les cahots d'un train" (déjà une image littéraire, notez-le bien, car de moins en moins de cahots nous vivons actuellement), et là, tiens, je m'aperçois, je sais qu'à côté de moi une personne est concentrée sur sa propre activité, différente de la mienne : elle peut lire, travailler d'une quelconque façon, même parfois discuter, écrire, même écrire au tableau (je me souviens d'une fois, en classe : "oh, ben je peux me laisser aller à mes frissons de détente-sécurité puisqu'elle écrit au tableau... elle est dans son truc, je n'ai plus à être là..."), bref, elle agit, et c'est le fait qu'elle agisse de son côté sans avoir besoin de mon être, et le fait qu'il y ait mon être à côté qui assiste à cette action, qui me procure physiquement, je dis bien physiquement, des sensations de frissons-picotements hyper agréables dans le crâne. Je les ai appelés ci-dessus, dans une parenthèse, "frissons de détente-sécurité", mais je ne voudrais pas qu'on croie qu'ils sont le remède à une quelconque "insécurité" ou "déséquilibre" substantiel (ils seraient à la rigueur l'inverse d'une agitation ratiocinante, oui, là vous me connaissez mieux), non, c'est simplement le monde tel que je le préfère, tel qu'il me procure ces picotements de sérénité-jouissance : la personne, l'être, l'Autre n'a rien à redire à ma présence, elle est concentrée sur le monde à sa façon, elle en prend possession à sa façon, sa façon qui n'exclue nullement que je puisse observer sa façon comme à la dérobée, pendant que moi je reste tranquille, aux aguets, fait mine de m'intéresser à mon propre monde, à mon propre intérêt, alors qu'en fait mon seul intérêt, ma seule source de plaisir dans le monde, présentement et bien souvent, c'est de savoir que l'Autre, l'être, la personne, l'individualité poursuit sa quête, sa propre quête sous mes yeux. Si jamais elle me connaît et me pose une question, cela me fera un peu sortir de ma transe, mais pas grave, j'y répondrai et ensuite pourrai retourner à ma place. Car je ne suis fait que pour ça : voir à quel point les autres, les individualités se passionnent, peuvent se concentrer sur des objets, pendant que moi je rêve à elles, ou plutôt les observe attentivement mais tout en jouissant de mes picotements d'extériorité-sérénité, donc en en rêvant en partie, oui, aussi.
C'est cela que j'aimerais écrire, ça, d'accord. Vous pouvez le répéter. Répétez-le quand vous voulez.