Alliance et filiationC'est un casse-tête cette
Alliance et filiation
C'est un casse-tête cette histoire, car certes on peut se dire qu'il n'y aurait pas d'alliance sans filiation (sans groupe de filiation), mais d'un autre côté on se dit que c'est vraiment trop dommage de gâcher l'alliance par toutes les lourdeurs de la filiation qui vont avec. Comme l'impression que c'est la filiation qui a toujours beaucoup plus fasciné les humains, auto-admiratifs de leurs prouesses biologiques, tandis que les subtilités psycho-affectives de l'alliance furent finalement toujours cantonnées à servir les bonnes manières, les bons intérêts de la filiation. Comme si (et c'est bien ça, oui) on ne pouvait pas concevoir l'une sans l'autre.
Pour ma part, c'est en ces termes anthropologiques que j'aimerais exprimer de la façon la plus exacte possible mon refus d'enfanter : je recherche tellement l'intensité de l'alliance pour elle-même, suis tellement toujours autant subjugué par les connexions qu'elle crée entre deux êtres, que l'arrivée d'une filiation viendrait comme parasiter ma ferveur ; "oh, ce n'était donc que ça, il ne s'agissait pas de s'échapper mais de poursuivre une ligne". L'alliance m'enthousiasme par sa capacité d'émancipation vis-à-vis des groupes d'origine : par leur alliance, les amoureux transcendent leurs lourdes filiations respectives qu'ils abandonnent ou du moins délaissent le plus souvent sans regret ; cette phrase, c'est mon utopie anarchiste à moi. Je veux que l'amour me porte loin des paysages imprimés dans mes années : je ne les appelle pas "vécu" car je n'y crois pas, à chaque fois l'amour, l'alliance recréent le monde à zéro, nous augmentent en nous portant ailleurs, vers d'autres groupes forcément aimables puisqu'ils sont celui de notre amour. Ce sont certes les groupes de filiation de notre amour, mais il ne faut pas le dire et surtout ne pas vouloir en créer un nouveau : il faut que l'alliance garde toute son étrangeté. C'est faute de pouvoir la garder qu'elle se casse. C'est dommage.