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Définitivement
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23 octobre 2020

Ils n'ont pas envie d'être qualifiés de "Blancs",

Ils n'ont pas envie d'être qualifiés de "Blancs", par contre ils ne semblent pas gênés d'être désignés comme "mecs".
Perso : l'inverse.
Disons : j'entends bien le besoin de nommer les "Blancs" (même si je ne pense pas en être), ça me paraît clair comme de l'eau de roche (sans mauvais jeu de mot), par contre est-on bien sûr de ce qu'est un "homme" avec un petit h ?
Tout le monde a l'air de trouver ça évident, en tout cas beaucoup plus que "Blanc", alors que je trouve que ça l'est beaucoup moins.
Résumons : les seuls moments où j'accepte de me regarder en tant qu'homme, c'est quand je suis tout entier dirigé vers les filles (ce qu'on appelle l'hétérosexualité). Hormis ces moments – qui ne sont pas toute une vie –, je ne sais pas ce que c'est, ou plutôt ce que je peux savoir n'a rien à voir avec ce que je pourrais être ou pas, ça fait partie d'un catalogue d'attitudes qui ne me concerne pas, disons encore moins que celles des Blancs (car à la rigueur, j'écoute beaucoup de musique de Blancs, mais je ne vois pas ce que je pourrais consommer comme "culture de mecs").
Néanmoins, c'est parce que je pense tout ça, c'est parce que je peux écrire ce genre de paragraphe que j'admets objectivement qu'il existent – puisque je n'en suis pas : les "mecs". Mais ça demande davantage de travail que pour les Blancs. Les Blancs, je les avais repérés depuis le début ; les "mecs", c'était juste ceux qui n'avaient pas d'intérêt (puisque dans le cadre de l'hétérosexualité, seules les filles en avaient). Il se pourrait bien alors que ce soit ça qu'apporte un certain féminisme : sortir les "mecs" de la neutralité ; qu'on en soit un ou pas, ça permet de les nommer et de se rendre compte qu'ils existent. 
Je m'aperçois que je ne savais déjà que trop qu'ils existaient, malheureusement ; que c'est en partie à cause d'eux que j'avais choisi l'hétérosexualité (c'est le principe même) : pour leur échapper en choisissant les autres, celles qu'on appelle les "filles". J'avais tout à fait saisi qu'ils étaient pas beaux (c'est le principe même), qu'il valait mieux s'enticher des autres qui sont quand même mieux en tout point (c'est le principe même de l'hétérosexualité).
Mécanisme en effet étrange : notre propre "sexe" est la chose que l'on voit le moins au monde, du moins lorsqu'on est hétéro, puisque l'on a choisi d'être aspiré par l'autre. 
Mais là encore, la même seconde où l'on aura appris qu'on est (semble t-il) un "mec", la seconde d'après on l'est encore moins puisqu'en s'objectivant on s'en est déjà distancé.
En gros, jamais vraiment été, et encore moins depuis que je sais que je peux passer pour l'être – puisque je refuse vraiment de passer pour tel (je refuse qu'on réduise mon hétérosexualité – qui ne regarde que moi – à la même "masculinité" que les plus démonstratifs des "mecs" ; seuls eux sont les vrais).

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22 octobre 2020

Ils m'énervent, qui sont-ils ? Ils m'énervent car

Ils m'énervent, qui sont-ils ? Ils m'énervent car ils ont une façon trop détendue d'être énervant. Être énervant doit être un sacerdoce, doit servir à prouver qu'on en bave tellement que c'est notre seule voie possible. Eux sont trop à l'aise pour vraiment l'être, énervants (ils jouent les agités comme ils pourraient jouer autre chose), ce qui les rend vraiment énervants. Je me sens loin d'eux. Ils semblent avoir de grands appartements. Ils sont vraiment des Blancs.

Pour ma part, tout ce que je sais c'est que je n'ai pas à proprement parler de famille blanche (celle que j'aurais pu avoir, je ne la vois jamais), que mon grand-père tunisien mort trop tôt me manque plus que jamais, que je ressens plus que tout la cruauté sociale et existentielle que ça doit être d'être un "jeune de couleur de banlieue" (comme on dit à la télé). La politique, c'est ça en premier : c'est les flics dans la rue qui embêtent les "jeunes de couleur de banlieue" ; le reste, ça peut être intéressant aussi mais ça vient en second. 

Un jour, dans la cour on m'appelle Mustapha, si ça c'est pas la preuve que je ne suis pas Blanc ! Quand je dis mon vrai prénom, on me répond "ah bon mais moi je croyais vraiment que t'étais rebeu" ; de son côté, j'apprends plus tard qu'il est kabyle, et moi qui croyais qu'il était Blanc ! C'est compliqué tout ça, et à quoi ça sert me direz-vous, n'empêche que ça m'est arrivé encore un peu après cette confusion. C'est sûrement stupide, mais avoir été racisé non-Blanc ne serait-ce que deux ou trois fois, ça te donne encore plus le droit de ne pas te sentir concerné lorsqu'on parle des Blancs.

(Pas d'autre anecdote explicite, néanmoins des doutes subsistent quant à quelques altercations incompréhensibles : "était-elle obligée d'être si désagréable ?" – agence Pôle Emploi. En moins désagréable par contre, une amie que j'estime : "ah mais oui mais tu n'es pas Blanc, c'est clair ! Regarde !" – elle compare nos peaux ; oui, je suis gris.)

Je sais juste que les flics de Vichy voulaient tuer mes arrière-grand-parents, c'est tout. Ça aura au moins permis à ma grand-mère de découvrir les joies de la campagne des Blancs (les meilleurs du monde, ceux qui lui ont sauvé la vie).

La découverte de la campagne des Blancs, à mon âge, c'est malaisant : c'est le rappel que je n'ai pas vraiment eu de famille. C'est une nouvelle famille (belle-famille mais pas au sens amoureux) que l'on se doit de connaître comme notre papa l'a choisie. C'est la preuve définitive, définitivement la preuve que je ne suis pas Blanc puisqu'ils ne sont pas comme moi et qu'ils sont Blancs ; ils savent ce que c'est de parler du vin, ils ont des mots et des histoires de Français ancrés quelque part, voilà tout. Comment ne pas trouver qu'ils sont Blancs et que moi pas ? 

C'est à ce moment que le Blanc devient vraiment de classe moyenne. Le Blanc, plus que jamais (ça l'était déjà, voir premier paragraphe), c'est la classe moyenne, l'aisance d'être là. Je perçois néanmoins une faille : il n'y a pas que de l'aisance dans son attitude, il y a aussi de la crispation culturelle. Il ne faut pas faire de faux pas, de faute de goût. La culture c'est la culture, on sait jamais ce sur quoi on peut tomber, il ne faut pas trop s'aventurer chez les populos comme chez les intellos. Je comprends alors pourquoi pour moi la culture c'est si simple, si simplement spontané : c'est parce que je me sens autant chez moi dans l'esprit prolo (comme le street-punk qui émeut mes oreilles) que dans les rêveries expérimentales de ceux qui ont le temps de chercher midi à quatorze heures (je voudrais faire ça plus tard, qu'importe quelle forme ça prendra). Au milieu, il y a les crispés de la fausse aisance, ceux qui se sentent tellement normaux qu'ils auraient peur d'être autre chose que ce qu'ils sont : les vrais Blancs, la classe moyenne. Je n'en suis pas, ouf.

Alors certes, il y a la responsabilité objective : j'en ai bel et bien, des ancêtres Blancs qui ont profité des colonialismes successifs. C'est ce que m'indique la science matérialiste. Mais si l'on doit parler "choix d'être", la meilleure chose à faire lorsqu'on n'est pas vraiment Blanc, c'est de ne pas vouloir l'être. C'est aussi ça l'antiracisme : refuser de se reconnaître dans les oppresseurs lorsqu'on n'a aucune raison de croire qu'on leur ressemble. J'ai d'ailleurs toujours pensé qu'ils étaient énervants.

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