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29 octobre 2015

Je lui ai dit « ça sent la pluie », ce à quoi il

Je lui ai dit « ça sent la pluie », ce à quoi il rétorqué un truc comme « pfff, oui c'est ça bien sûr, je te signale qu'il peut pas faire plus sec ». On était en train de sortir le présentoir à vieux livres régionaux pour attirer le chaland. C'était le collègue barbu de la librairie* où l'on me "formait" (terme repoussant qui veut bien dire ce qu'il veut dire ; je n'ai pas voulu l'entendre) et qui pensait que je n'aimais pas la littérature parce que je n'en lisais pas. Dans ce cas, alors, je n'aime pas la nature parce que je ne sais pas la percevoir ? (Mes deux incapacités coïncident dans cette séquence et c'est ça que je veux faire ressortir, vous l'aurez compris.) 

Comme si faire ou ne pas faire quelque chose c'était aimer faire ou ne pas la faire, cette chose ! Comme si quand on disait quelque chose, c'était qu'on était d'accord avec elle, cette chose ! 

(Je souhaiterais que l'écriture aille plus vite que mon cerveau, me perde pour me retrouver. Pour le meilleur et pour le pire, depuis toujours.)

Le collègue barbu était l'un de ceux qui proclamait « la force de la littérature » et c'est justement parce que je m'en sentais exclu à l'époque que j'ai du mal encore aujourd'hui à la faire mienne. Si « force de la littérature » il y a dans ce que j'ai pu pratiquer, c'était dans les espèces d'interstices simplissimes à saisir, de contradictions élémentaires à définir, que j'aimais faire apparaître. C'était la façon que j'avais de dévider ma fange (comme jadis des étés entiers sur une petite table en plastique).

(En fait ce sont les mots plutôt que la littérature qui m'intéressent.)

Du mal avec la distinction concepts/percepts (philosophie/art) de Deleuze, car je m'aperçois que je me suis toujours senti du côté des concepts. Quand j'entends "percepts", j'imagine l'artiste plein d'émotion et je me rappelle que je ne sais rien percevoir, ou si peu. Si je faisais de l'art, c'était pour dérouler des propositions, éventuellement les articuler mais le moins gratuitement possible, en ne cherchant pas la précision d'un poète mais plutôt la rigueur d'une science sociale, au sens où je devais coller à moi-même dans toutes mes déterminations futiles et chemins excessifs, qui sont à aller gratter même quand ça fait disgracieux ou fastidieux (comme en témoigne cette phrase).

L'autobiographie la plus chirurgicale s'accorde souvent très bien avec l'énonciation de la proposition la plus essentielle et révélatrice, comme par exemple celle-ci :

De la même manière que la balance mal réglée du groupe klezmer amateur n'engendra que ce qui était déjà en germe, à savoir l'oreille trop nourrie de sons discordants, le coup involontaire de ta dulcinée sur tes lunettes de soleil ne les desserrera pas davantage qu'en les portant perpétuellement sur ton nez pour cause d'hypersensibilité occulaire. 

Tout y est : c'est ce que je conçois et ce que je ressens.

– Oreilles et yeux souffrants, diminués : tout s'écroule : le fait que tout s'écroule + le fait révélateur en soi que tout s'écroule quand oreilles et yeux souffrants, diminués : le fait que je ne sois que « ça », un pauvre « ça » démuni quand la musique et les mots écrits sont partis : toujours le regard sur un promontoir en plus de la caméra à l'épaule : l'addition des deux permet la vérité.

– Ironie du sort : venir puiser aux origines juives aggrave ce qui avait été mis en place par le punk (la propension aux acouphènes, à l'hyperacousie).

– L'amour vient s'imprimer sur tout ce que l'on porte quotidiennement, au propre comme au figuré, en bien comme en mal.

Alors après tout ça je peux remballer, non ?

 

* déjà apparus ici (suivre le lien et plus si affinités), le collègue comme la librairie

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