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Définitivement
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16 juillet 2015

La nature c'est noueux, bourbeux tout le temps.

La nature c'est noueux, bourbeux tout le temps. Or hop, nous on déploie des surfaces nettes, des murs lisses. Donc forcément ça se peut pas, ça peut pas, ça veut pas, ça va pas. Ça fait juste des symboles qui tiennent jamais bien longtemps. Et si l'erreur inaugurale irrattrapable était la création de la propreté ? 

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15 juillet 2015

Je crois que la plupart des textes introspectifs

Je crois que la plupart des textes introspectifs qui me viennent, me viennent parce que je m'imagine que je réponds à des interviews. Je crois que ce n'est que pour ça que j'écris : pour répondre à des interviews. (Ce qui est blâmable à mon sens chez les écrivains médiatiques actuels, ce n'est donc pas ce besoin – bien plus que "légitime" : constitutif – mais tout simplement leur inanité. Pas de mal à vouloir dire et dire et dire, mais il faut que cela sonne comme jamais cela ne sonnera de nouveau. Pour ça que Sartre et Duras et Debord ont toute mon admiration, quoique l'époque en pense.)

C'est le processus mental de l'interview qui m'apporte les choses à penser. Je dois préciser que jadis je m'auto-interviewais sur cassette audio pendant des heures. Ni monologue ni psychanalyse car ni adresse à moi-même ni regard extérieur : réponse à quelqu'un. (Mais à qui ?)

Par exemple, là, je m'entendais dire au journaliste que le seul genre littéraire qui allait de soi était le délire :

« L'opposition entre roman et poésie persiste stupidement alors que tous les esprits perçants des deux siècles derniers se sont évertués à l'achever » (de mémoire ça sonnait comme ça, je me souviens de l'allitération de persiste et perçants). Et bien sûr défilent Lautréamont, Roussel, Proust, Gide, Leiris, le Nouveau Roman, « qui ne font ni du roman ni de la poésie mais du délire (sic) ». Prenant conscience de la dimension restrictive du terme, qui ferait de l'écriture une pure gratuité, je tempère en précisant que ce soi-disant chaos se compose telle une partition, et là je rappelle ma formation musicale classique, comme il paraît qu'il faut préciser ses "formations" dans son "parcours" : « Ma seule formation est musicale ; pour tout le reste je suis autodidacte. Que cela se sente ou ne se sente pas dans ce que je fais, cela revient au même. Que doit-on vraiment sentir ? Je parle de partition, donc a priori d'organisation ou en tout cas de prévision (même dans l'improvisation il y a prévision), or j'ai passé plus de dix ans de ma vie à dessiner des bonhommes mal faits. Celui qui y voit une contradiction n'a rien saisi de la liberté du délire que l'art se constitue comme règle. Personnellement, je suis "fait pour" chanter (comme on dit) et ce que je "préfère" (comme on dit aussi) c'est jouer la comédie ; or, j'ai pris la liberté de me consacrer aux bonhommes mal faits, donc de n'écouter ni mon "fait pour" ni mon "préfère". Celui qui ne saisirait dans mes bonhommes que mes bonhommes et parlerait de contradiction quand je lui parle de partition (mais j'ai déjà évoqué ce diktat ici) peut passer son chemin et c'est d'ailleurs bel et bien ce que tout le monde fait, passer son chemin », et là je me réveille car je ne peux pas dire dans une interview que personne ne me lit car alors pourquoi m'interviewerait-on donc absurde donc sursaut. 

10 juillet 2015

Non seulement mon pantalon ne tenait pas (je

Non seulement mon pantalon ne tenait pas (je n'avais même pas trouvé utile de mettre une ceinture, alors que je savais pertinemment qu'il y avait un risque avec mes hanches maigres) – je devais le soutenir tout le temps avec ma main gauche pour ne pas qu'il tombe (ma droite me servant à faire de vraies choses) – mais en plus les autres m'écoeuraient par leur présence ; je suis donc allé fuir (me fuir, les fuir) dans un grand magasin culturel où j'ai compulsivement acheté une BD que j'avais déjà de mon dessinateur préféré depuis mes douze ans – mais dont l'exemplaire possédé avait des pages qui se détachaient, une reliure qui se décollait : tout était donc réuni ce jour-là pour que tout cela représente ma fange, tout ce qui a fait que voilà, ma vie est ainsi. C'était en 2006, comme ça on situe bien, ça aide. Je m'en rappelle encore, du coup j'ai écrit ce paragraphe, on ne sait jamais.

9 juillet 2015

Le monde légitimé envers ma fille (3) « Et ce

Le monde légitimé envers ma fille (3)

 

« Et ce sera toujours ça ? me demande-t-elle avec une toute petite voix, exprimant la déception de manière évidente et déchirante.

– Toujours ça je sais pas, mais en tout cas toujours comme ça, oui, ce qui revient souvent au même.

– Mais moi je croyais que c'était juste le temps de grandir, de me faire une idée de... des idées sur...

– Non non, ça durera toujours car apparemment c'est ça qui marche : les histoires, les récits, les contes, les symboles. 

– Jamais vraiment s'intéresser aux souffles de vie, aux mouvements de conscience, à l'intérieur des perceptions, aux paradoxes d'esprit, aux échafaudages de langage, aux sensations pures et simples ?

– Eh non, ça n'intéresse personne. (je force grossièrement le trait, d'un ton fataliste)

– (se récrie violemment) Mais c'est faux, putain ! C'est pas parce que maintenant j'ai besoin des archétypes que j'en demanderai toujours ! Et d'ailleurs, en ai-je vraiment besoin ? Qui l'a décidé ? Qui a déclaré cette demande ? Encore un coup de l'offre, je parie !

– Tu as tout compris. C'est l'offre qui cache la forêt.

– Et qui tire les ficelles ?

– Personne ne tire aucune ficelle, ma fille. Il n'y a qu'à les couper. »

Et je mime le mouvement des ciseaux avec mes doigts.

 

8 juillet 2015

Le monde légitimé envers ma fille (2) J'arrive

Le monde légitimé envers ma fille (2)

 

J'arrive habillé de manière gargantuesque – je ne le décrirai pas ici, vous savez bien ce que c'est. Je fais de grands gestes empesés, expressionnistes. Je lui demande direct :

« Bonjour madame, comment vous appelez-vous ?

– (rires) Mélentille, monsieur.

– Bien. C'est déjà un bon point, ou plutôt un point tout court. Un fait. Sur lequel je vais me baser pour dérouler mon processus argumentatif concernant ce pour quoi nous sommes là, à savoir tout un ensemble de faits.

– (air perplexe de sa petite bouille mignonne) Mais tu vas transformer des actes ayant leurs propres fins en discours visant sa fin à lui ? 

– Pire que ça : je les utilise. Le discours s'appuie sur les actes, ou plutôt s'affaisse dessus car il ne reste plus grand chose d'eux à la fin. Écrabouillés, les actes. Ne reste que ma manière de convaincre qu'ils ont voulu dire ceci et par conséquent qu'ils méritent cela. 

– Encore une histoire de mérite ?

– Ah oui, chez nous c'est toujours ça, on adore les échelles.

– C'est bien la peine ? (clin d'oeil)

– Ah mais bien sûr, c'est toujours la peine d'avoir des échelles. Des échelles de peine. 

– (se retient difficilement de pouffer) Et ça sert à quoi ?

– Comment ça, "ça sert à quoi" ? Mais à la Justice, madame ! À la Justice ! »

Et là on n'en peut plus, je la fais basculer par terre et on se marre l'un contre l'autre.

 

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7 juillet 2015

Le monde légitimé envers ma fille (1) « Regarde,

Le monde légitimé envers ma fille (1)

 

« Regarde, Mélentille ! Regarde là-haut qui vole ! Ne trouves-tu pas que c'est si beau, que c'est si haut ? Regarde comme il n'y a que ces plumes qui puissent exister !

– Et ça vient vers nous ? demande-t-elle.

– Mais oui, si on veut, si on peut ! On tend vers ça !

– Et ça tend vers nous ?  

– Mais oui, ça parcourt des kilomètres pour nous retrouver, pour ne faire que nous frôler ! On le mérite et il nous mérite. C'est tout ce qu'on a toujours rêvé, toujours souhaité vouloir, toujours voulu souhaiter. Si l'on devait résumer tous les précipices que l'on a franchis, toutes les excavations desquelles nous nous sommes extirpés, toutes les anfractuosités dans lesquelles nous nous sommes sans cesse améliorés en attendant ce jour dernier, ce jour abouti, on pointerait le doigt vers cela que tu vois, qui vogue sur le vent plutôt qu'il ne plane simplement. Comprends-tu la différence, saisis-tu la grandeur ?

– Je suis pas sûre, on va voir.

– Oui, tu auras tout le temps de voir. C'est ta vie qui t'attend et ta vie c'est la manière dont il descend en piqué sans que l'on puisse rater l'évidence qu'il vient nous apporter. C'est ça que sera ta vie. C'est la précision de son bec sur ta peau, qu'il faut toujours rechercher.

– Il faut lutter pour ? Et comment ça s'appelle ? 

– Oh, bien sûr que ça tombe pas tout sec dans le gosier, même eux ne font pas ça entre eux, ils se chapardent la première place. C'est le pouvoir d'achat, ma fille. C'est ça que tu vois, c'est tout ce sur quoi ta vie se fondera. Le pouvoir d'achat, ma fille. Le pouvoir d'achat. »

 

6 juillet 2015

Au moins, si j'arrête, c'est de mon plein gré,

Au moins, si j'arrête, c'est de mon plein gré, pas à cause des "circonstances extérieures". Je rêve de me lever chaque jour en ayant la fierté d'avoir arrêté tout seul, d'avoir choisi de le faire. 

« Ha ha, et dire qu'ils s'imaginent que je ne peux pas faire autrement qu'arrêter, alors qu'au contraire il s'agit bien de faire autrement : arrêter c'est faire autrement, c'est faire ce que je n'ai jamais fait jusque là : arrêter. »

Mais je me dis qu'arrêter est présent d'emblée dans ce que je fais. Je n'ai jamais écrit la moindre ligne pour moi seul ni pour plus de cinq personnes. Je déçois tout autant ceux qui voudraient que je m'approvisionne dans le secret – pour que je puisse me soupeser davantage – que ceux qui souhaiteraient que j'aille au devant du monde – pour que j'existe vraiment selon la vision qu'ont les gens de l'existence.

(Voir ici.)

Je repense à ce chanteur psychotique qui disait "plus il y a de gens qui vous écoutent, moins vous existez". Je ressens cela avec la force de l'évidence. 

Car je me suis rendu compte que l'important était de faire mon autoportrait et pas à proprement parler de "l'art" au sens où les gens l'entendent. Quand j'entonne une mélodie pour mon propre plaisir, là d'accord je vais m'efforcer de la faire tourner différemment à chaque fois, là d'accord c'est du travail. Mais ça ne regarde personne. Ça ne regarde jamais personne, le travail. Quand je souhaite montrer des mots, que faire d'autre que vous dire sans cesse "regardez, regardez comme c'est moi, comme c'est bien moi, comme je suis comme ça" ? S'il s'agit de faire autre chose, là d'accord j'arrête.

3 juillet 2015

Ma grand-mère semble se sentir toute petite face

Ma grand-mère semble se sentir toute petite face aux livres : elle les soupèse, les ouvre au hasard et dit souvent (ou en tout cas c'est comme ça que je peux le retranscrire car ce n'est pas ça dans le texte) : "oh, ça c'est quelque chose, il y en a là-dedans, ça va être dur de se mettre tout ça dans la tête, après ça je vais me sentir nourrie", l'autre jour elle a même dit "après avoir lu ça je serai immortelle". Pour elle, les écrivains sont des "philosophes", elle emploie souvent le mot "philosophe" pour dire écrivain, pour elle Kafka est un "philosophe" par exemple, ce qui n'est pas tout à fait faux.

Je me dis parfois que cette intimidation s'est perpétuée et peut expliquer ce que je vous répète à longueur de temps (que les livres, les livres d'écriture, n'existaient pas pour moi jusqu'à il y a peu). Mais je crois plutôt qu'il s'agissait d'orgueil : je pensais que ce qui était dans les livres, je l'avais déjà écrit, je l'avais déjà pensé, alors à quoi cela me servirait-il ? Ce que j'avais écrit, ce n'était bien sûr pas les mots mais la pensée qu'ils faisaient transparaître – on retrouve là l'obsession du "philosophe". Depuis, j'ai découvert que même si je l'avais écrit, des tintements de langage me manquaient pour le dire vraiment, non pas pour l'exprimer (je ne me suis pas senti empêché d'exprimer, d'exprimer encore et d'exprimer sans cesse) mais pour le faire s'articuler en sortant enfin du rond-point.

2 juillet 2015

C'est souvent que je me dis "tiens, j'aimerais

C'est souvent que je me dis "tiens, j'aimerais bien raconter ça". Sauf que pour cela il me faudrait la béquille = la façon dont on narre dans les livres que l'on a lus. Or, quand comme moi on n'a rien lu ou si peu, c'est dur de se souvenir de manière narrative de matières narratives.

1 juillet 2015

Les gens savent-ils qu'ils sont des gens ? Je

Les gens savent-ils qu'ils sont des gens ? Je veux dire, qu'ils peuvent être des gens pour moi. Parce qu'on dirait pas. J'arrive pas à faire coucou aux gens. J'entrevois des moments possibles pour faire coucou aux gens mais ce sont pas des moments faits pour. Par exemple, les études puis le travail, ça sert à faire des études et à faire son travail et à être avec les gens qu'on sait déjà être des gens, mais comme je fais pas partie de ces gens quand je commence à entrevoir, il faut que j'essaie de tisser, comme on dit, or c'est toujours les gens qui ont priorité par rapport à moi. Quand la journée est finie, hop, place aux gens existants et pas de temps pour moi. Du coup moi c'est pendant les heures d'études et de travail que je me rappelle à l'existence des gens, que je les tire par la manche, mais on me dit que c'est pas le moment car alors il faut travailler. Oui mais comment vous avez connu ces gens que vous voyez à la sortie si c'est ni avant ni après la sortie qu'on connaît d'autres gens ? Il a bien dû y avoir un moment où c'était pas encore des gens, ces gens ? 

Toujours "allez faut que je file, j'ai une soirée" : oui mais alors, si tu as toujours filé, comment tu peux te retrouver maintenant à faire des soirées ? Avec qui ? 

Ça a toujours été ça. 

Je suis ok pour suivre un séminaire où l'on m'apprenne quoi dire et quoi pas dire, pour éviter que le soir avant de m'endormir je me repasse le film en boucle et que je cherche dans le moindre murmure la faute fatale.

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