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Définitivement
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28 octobre 2013

"On sait bien que les gens sont portés sur les

"On sait bien que les gens sont portés sur les faits divers, les politiciens véreux, alors pourquoi ne pas être franc jusqu'au bout ?" s'est dit ce magasin culturel. Il a donc tout naturellement imprimé des sortes d'autocollants francs sur la tête de ses vendeurs, des sortes de pancartes en bois qu'on peut soulever pour voir leur gueule, si jamais on est foncièrement prêt à traiter avec lui malgré ce qu'on a lu de lui sur l'aire de franchise. (Il faut faire attention de pas rabattre trop violemment pour pas lui faire mal à sa gueule, du coup on va prendre de la matière carton au lieu de la matière bois.) 

Voici en quoi consistent ces aires : en gros il y a marqué la nature même de son être en tant que type qui choisit de travailler là et de mener cette activité, la nature même de cette activité par conséquent. On pourra donc lire sur la pancarte faciale franche de Ludovic : "Je sais bien que l'art c'est indicible et que c'est bien plus que ça, mais je manie quand même ses produits par douzaines avec mes mains dans des palettes, des cageots et des chariots pour en faire bouffer, car je dois bien bouffer moi aussi". Sur celle de Frédéric : "Je sais bien que tout ne se vaut pas mais je mets quand même tout sur le même plan, surtout ce qui est le plus nul car mathématiquement comme les gens sont surtout nuls ils vont surtout aimer ce qui est nul et ce qu'ils savent être le plus nul car ils l'ont déjà vu dans des endroits nuls". Sur celle de Yannick : "Je sais bien que ma mission serait d'éclairer mais je laisse ça aux néons violents au-dessus de moi car j'ai d'autres choses à faire, faut que je range des trucs et que j'indique où ils se trouvent".

Est-ce que ça a particulièrement attiré des gens ? Comme on s'y attendait : ni plus ni moins. Les gens savaient déjà tout ça.

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21 octobre 2013

Il me dit : "Je n'aime pas qu'on me montre des

Il me dit : "Je n'aime pas qu'on me montre des images, qu'on les fasse défiler devant mes yeux, par contre quand tu les étires avec des mots, que tu essaies de comprendre les ingrédients de tel mouvement que tu dépèces, je saisis et j'adhère. Je me colle tout contre et je ressens des picotements. C'est peut-être parce que c'est moi qui fais le chemin pour les prendre en moi."

Sur ces paroles, je choisis de regarder ailleurs. Tout en surfant dessus (sur ses paroles, donc), je vois la personne au bout de la rue avec son pardessus et sa malette qui met un pied devant l'autre pour rejoindre son domicile. Il m'arrête tout de suite : "Tu vois, tu commets déjà des impairs : on croit que c'est la malette qui met un pied devant l'autre et tu surinterprètes en pensant que cette construction imposante, cette simple structure urbaine dont tu ignores les matériaux, est son domicile. Tu m'as perdu, j'ai enlevé mes mains de ta bouche, je ne possède plus rien."

Il m'agace un peu car je pense qu'il est autocentré. Qu'est-ce que ça peut lui faire si le bonhomme vient bel et bien d'entrer dans ce qui semble être l'immeuble dans lequel il est parfois tout nu sous la douche ? Bien sûr, il m'interrompt : "Tu veux dire que c'est moi qui vais prendre la douche chez lui ? Quand tu demandes qu'est-ce que ça peut lui faire tu parles bien de moi quand tu dis lui, donc quand tu dis qu'il est parfois tout nu tu penses aussi à moi en disant il, n'est-ce pas ? C'est comme ça que tu me vois ?".

Et il claque la porte de l'habitation donc oui, c'était bien la même personne, désolé. Je devais donc parler très fort et lui aussi, tant pis.

14 octobre 2013

Il a placardé une pizza à demi mangée sur sa

Il a placardé une pizza à demi mangée sur sa porte. Il a placardé une pizza à demi mangée sur sa porte. Histoire de nous dire qu'ici on mange comme des porcs (car c'est une marque junk-food, pas du tout traditionnelle ou petit doigt en l'air). Histoire de nous prévenir qu'ici ce sera à la bonne franquette, qu'on commencera des plats sans les finir, qu'on goûtera à divers mets dans le désordre, tous bien dégueulasses comme il se doit, aucune finesse prévue. Ça va faire combien de temps que la pizza est là comme ça ? Ça va faire combien de temps ? 

La légende dit qu'au début elle était entière mais que c'est un voisin qui passait par là qui en a mangé un bout. À l'époque elle était encore mangeable (bien que dégueulasse comme il se doit), mais maintenant je crois qu'on peut dire qu'elle est plutôt périmée, étant donné la température du couloir de l'immeuble pendant l'été (dans lequel nous sommes). La légende dit que la date de péremption s'imprime en chiffres de feux sur sa surface et sur les yeux de ceux qui en sont illuminés comme des prophètes après une révélation ou un miracle. Car c'en est un, en quelque sorte. D'autres légendes disent qu'il n'en est rien, que l'odeur suffit pour savoir ce qu'il en est, pas besoin de chiffres de feux.

Comment est-elle placardée ? Est-elle scotchée ? Avec du scotch ? Apparemment elle avait été humidifiée sur le dessous et ça lui a suffi pour se fixer. Elle est comme ça.

Ils avaient pris une pâte garnie au fromage, du coup elle est épaisse. Il y avait un supplément quand on choisissait cette option. La boîte a fermé depuis. (Je parle de la firme. La boîte de la pizza a tout de suite été jetée dans une poubelle ou une corbeille, je ne sais plus.)

7 octobre 2013

Forum de l'emploi : 5 minutes pour convaincre.

Forum de l'emploi : 5 minutes pour convaincre. Envie de gerber.

Mais nous sommes déjà dans une nouvelle ère. "Se vendre" rapidement et efficacement comme à la télé, la télé souriante avec des dents qui brillent, c'est déjà presque de l'histoire ancienne. C'est limite ringard. C'est 90's. Nous sommes désormais dans la télé postmoderne, celle qui est laborieusement cruelle, pire que masochiste car on ne prend même plus plaisir à souffrir, ce n'est qu'un mal nécessaire en vue de notre "carrière". Nous devons faire beaucoup plus que nous "vendre" : nous devons nous "défendre". Le champ lexical s'est déplacé et a encore gagné en dimension militaire.

Le satiriste du monde de l'emploi devait jadis railler les annonces fleuries et hypocrites nous promettant monts et merveilles. C'était plus facile. Se moquer de l'hypocrisie, c'est vieux comme le monde. Désormais le monde a fait peau neuve et s'est décomplexé : tout est dit clairement. "Voici cet emploi de merde, vous allez en chier, c'est un poste nul et vomitif. Êtes-vous prêt à le subir ? En avez-vous vraiment la capacité ? Défendez-vous." Le masque est tombé mais ça n'en est que plus absurde. Le satiriste est décontenancé par l'absurde.

Quasiment tous les entretiens que j'ai vécus se sont résumés à ça : le patron déprécie le plus possible ce qu'il a à me proposer pour voir si je suis capable de l'avaler. "Capitalisme joyeux" ? Belle lurette qu'il ne l'est plus ! Il se sait déprimant et désespérant mais sait aussi que l'on ne peut vivre sans lui. 

"Alors vous devrez faire ça, êtes-vous conscient qu'il faudra faire ça, ici c'est vraiment pas terrible car on fait comme ça, ce sera pourri car vous ne pourrez faire que ça, ce sera très dur car il y aura ça, ce sera exigeant et éprouvant et dégoûtant. [...] Le poste vous intéresse quand même toujours ou pas ?" Ben non, tu crois quoi ? Envie de gerber ! Et c'est là qu'on a perdu. Il fallait garder le sourire délirant de l'aliéné. Le travail crée de la folie, il le sait bien. Mais il fera toujours avec, tant que la folie sera conciliante. Quand ne le sera t-elle plus ? Peut-être bientôt, qui sait.

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