Je m'en rappelle, c'était Cabot-Caboche de Daniel Pennac : impossible pour moi de lire un roman, cela m'est apparu comme une évidence. Un roman c'est des mots, du réel, bref tout ce que je fuis ; je préfère chanter, crier, éructer, bouger et parfois tracer des traits (mais seulement quand je suis fatigué). J'aime quand on n'est pas obligé de croire à ce que l'on fait, d'ailleurs je pense que c'est ça qui nous tue, devoir tout le temps croire alors que c'est impossible. C'est quand je ne me souciais pas de croire que j'étais le plus fort. Si je me suis mis à ne plus y croire c'est simplement parce que je me suis dit qu'il fallait y croire. Or c'est justement ce genre d'injonction qui contient en elle-même la perte créative. Plus que jamais je pense que le vrai fil à suivre indéfiniment, le vrai souffle artistique honnête et utile, c'est celui qu'on ne cherche surtout pas à publier. Quelle horrible mot, "publier" : c'est la fin de tout. L'essentiel c'est ce qu'on décharge sans concessions, ce qu'on amasse avec force et probité ; ce n'est que là qu'on est intéressant (à savoir qu'on s'intéresse soi-même) et tant pis si ça ne ressemble à rien (pourquoi cela devrait-il être péjoratif ? – "roh mon vieux, ta coiffure ressemble à rien" : ben oui, justement !). C'est pas grave de pas être un artiste.